Double championne du monde de l’individuel (1995 et 2000), Corinne Niogret n’a pas manqué une seconde de la poursuite victorieuse de Martin Fourcade et de la magnifique médaille de bronze chapardée par Jean-Guillaume Béatrix. Pour elle, ce doublé fait taire les critiques et va lancer définitivement le biathlon tricolore dans ces Jeux Olympiques de Sochi.
Martin Fourcade, champion olympique, Jean-Guillaume Béatrix en bronze, on ne pouvait rêver meilleure poursuite ?
(Impressionnée) C’est énorme, c’est historique ! Je pense qu’il y a beaucoup de monde qui avait commencé à taper sur le biathlon après les deux sprints alors que Martin (Fourcade) et Anaïs (Bescond) avaient fait le boulot. Après comme Martin l’a dit à la fin de la course, il y a des jours où ça sourit et d’autres non. Ce week-end, ça n’avait pas voulu, c’est tout. Là, il a remis les pendules à l’heure. Ce n’est pas le meilleur biathlète depuis trois saisons pour la queue des prunes ! Il a ce qu’il était venu chercher, ce pourquoi il s’entraîne depuis 4 ans. Il était parti de Vancouver avec une médaille d’argent en disant qu’en 2014, il serait champion olympique. Il est allé au bout de ses idées, de ses convictions et on voit que ça paye.
Pour Jean-Guillaume Béatrix, c’est carrément exceptionnel, même s’il avait réussi à monter sur le podium à Anterselva, il y a deux semaines (2ème derrière Simon Schempp, ndlr). Même s’il en rêvait, certainement, secrètement, il n’aurait jamais imaginé que ça puisse arriver dès la deuxième course. C’est tout bénéfice pour lui. Depuis juniors, il s’entraîne, il court avec Martin et se partagent les succès. Martin avait largement pris le dessus ces derniers temps mais Jean-Guillaume a toujours été dans son ombre et aujourd’hui, il est à côté de lui sur le podium. C’est une belle récompense pour ces deux gars.
Concernant Martin, la presse commençait à s’interroger sur son mental, il a prouvé que rien ne pouvait l’ébranler ?
Je pense qu’il n’a jamais douté. Vous savez, c’est un mal bien français de chercher des problèmes partout et Martin a répondu de la plus belle des manières. Il était déçu de son sprint mais il n’avait pas fait une mauvaise course non plus. Ce n’est jamais évident de rentrer dans des Jeux olympiques quand on est le grand favori comme lui. L’inconvénient, c’est qu’on est aux Jeux olympiques et qu’il n’y a que trois places sur le podium et donc beaucoup de déçus pour très peu d’élus. Ils sont nombreux à être arrivés avec ce statut et à être repartis sans rien à la fin de la quinzaine olympique. Maintenant, il peut avoir des médailles sur les quatre dernières courses. Il n’y a aucun souci à se faire pour la suite.
Jean-Guillaume Béatrix, de son côté, c’est un petit peu la surprise du chef ?
Il ne partait pas de si loin, aujourd’hui. Il était à une quarantaine de secondes et en poursuite, tant qu’on n’a pas plus d’une minute de retard au départ, c’est jouable. La chose qui est sûre, c’est qu’il ne devait pas être dans beaucoup de pronostics. Dans ces moments-là, il n’y a que l’athlète pour y croire et je pense qu’il a fait le job. Il fait 3 tirs corrects et arrive dans les 10 sur le dernier. Lui assure alors que devant, ça va sur l’anneau de pénalité. Dans ce genre de moment, il faut être très fort et espérer que devant, il y ait du déchet. C’est ce qui s’est passé cette après-midi. Il a fait une course parfaite.
Ces deux médailles peuvent-elles créer un effet de groupe et lancer cette équipe de France de biathlon et désinhiber tout le monde ?
Oui. Dans ce collectif, Martin est le patron, d’accord mais derrière, ils se tiennent et ont tous pratiquement le même niveau. Les deux Simon (Fourcade et Desthieux) ont regardé ça avec envie. Ils étaient super contents pour leurs potes mais ils devaient se dire : « Aujourd’hui, c’est Jean-Gui sur le podium et on est de son niveau donc on peut y aller sur cette boîte. » C’est ça qu’ils doivent retenir les deux Simon, le fait que sur le podium, il y a de la place pour eux. Il faut que tout concorde : le bon jour, le bon ski, le bon tir et ça peut sourire car l’équipe est très homogène.
C’est, en tout cas, de bon augure pour le relais…
Les quatre gars ont gagné le dernier relais en coupe du monde à Anterselva, ils ont fait des podiums. Ils connaissent leur niveau, alors il suffit juste qu’ils retrouvent leur routine de l’hiver. Ça va également avoir de l’effet pour les filles mardi. Anaïs Bescond est 5e, en regardant la poursuite des garçons aujourd’hui, elle a droit se dire que tout est permis. Il ne faut pas oublier que ce sont ses premiers Jeux.
La locomotive biathlon est lancée ?
Exactement. Il y avait eu 6 médailles à Vancouver, je pense qu’ils sont capables de faire aussi bien, entre les garçons, les filles et les relais. Il y a de quoi aller chercher des médailles, rêver et faire rêver.
Photos : Agence Zoom
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