SKI DE FOND – Il est le nouveau président de La Transjurassienne. Pierre-Albert Vandel n’est pas un inconnu dans le milieu du ski de fond. Mais l’homme est discret. Ce qui ne l’empêche pas d’être très actif.
Même s’il se prête de bonne grâce au jeu des questions-réponses, Pierre-Albert Vandel ne tient pas spécialement à voir son portrait publié dans Nordic Magazine. Figure de Bois d’Amont (Jura), plus largement du massif jurassien, et du nordique en général, le nouveau président de Trans’Organisation ne goûte guère l’exposition médiatique. « Beaucoup de gens le connaissent mal », résume Hervé Balland, son prédécesseur, aujourd’hui coordinateur délégué de l’épreuve de ski de fond.
C’est que la plus grande qualité de Pierre-Albert Vandel – sa franchise – peut aussi parfois passer pour un défaut. « C’est quelqu’un de sincère et généreux. Pierrot consacre beaucoup de temps aux autres, avant de penser à lui. Il est audacieux et efficace. Nous pouvons tout nous dire et il n’y a pas beaucoup de personnes avec lesquelles je puisse le faire. C’est comme ça que je l’apprécie. Nous nous connaissons depuis vingt-cinq ans », poursuit le deuxième Français à avoir obtenu une médaille lors des championnats du monde de ski de fond. Sentiment confirmé par la fondeuse Aurore Jean : « Oui, c’est quelqu’un de franc, qui a du caractère, et qui est toujours prêt à nous aider. C’est une personnalité attachante qui compte beaucoup pour moi ». Pour Anouk Faivre-Picon, « il a un flair incroyable pour savoir quand ça ne va pas. »
« C’est un fonceur, une personne qui est dans l’action, confie pour sa part l’ancien fondeur Emmanuel Jonnier. Mais pour moi, c’est d’abord un passionné de ski, il adore cette discipline. S’il estime qu’une chose ne va pas dans l’intérêt général des skieurs, il ne le supporte pas, il ne peut faire de compromis avec le ski. »
Des débuts à Bois d’Amont
Pierre-Albert Vandel, dit Pierrot, est issu d’une famille de Bois d’Amont. Son père, Georges, a été vingt-quatre ans durant maire de la commune. Son frère aîné, Jean-Paul, figure du village comme l’a récemment été Jason Lamy Chappuis, compte deux olympiades à son palmarès. « Comme tous les jeunes, je suis monté très tôt sur des skis, pour m’occuper, m’amuser, me balader ou même aller à l’école », raconte-t-il. Il intègre le ski-club de Bois d’Amont à 14 ans ; « c’était l’époque de Léo Lacroix. » En cadet, le Jurassien participe à des compétitions régionales et nationales, intègre l’équipe de France juniors en 1975 puis, entre 1979 et 1982, le groupe seniors. En 1981, avec Yves Blondeau, Vincent Létoublon, aujourd’hui directeur du Conservatoire botanique national du Massif central, et Nicolas Gindre, il décroche un titre de champion de France par équipe, à Lamoura (Jura).
Le Bois d’Amonier intègre les douanes à seize ans et demi – il reste à ce jour le plus jeune en France à être entré dans cette administration – « pour faire du ski. » À 22 ans, il arrête la compétition et devient assez rapidement entraîneur. « J’ai aussi participé à la création du Carré d’As, une association novatrice à l’époque, qui regroupait les clubs de Lamoura, Bois d’Amont, Prémanon et Les Rousses. Une structure réactivée pour les championnats de France organisés, en 2010, à Prémanon. » Devenu conseiller technique régional (CTR) au Comité régional de ski du massif jurassien, il participe notamment à la mise en place des coupes du Jura et du Doubs.
C’est en 1986 que commence l’aventure des écureuils, un team qui n’est pas sans rappeler le Haute-Savoie Nordic Team d’aujourd’hui. Pierre-Albert Vandel, toujours CTR, détaché par Jeunesse et Sports, rejoint l’aventure entre 1991 et 1998, année des Jeux olympiques de Nagano. « J’étais surtout en charge de l’accompagnement technique et du matériel. »
Avec les frères Balland, Philippe Grandclément ou Marie-Pierre Guilbaud, les écureuils font des merveilles. « En 1992, j’étais au bord de la piste de La Transjurassienne pour m’occuper de Philippe Grandclément ; les victoires d’Hervé Balland restent aussi un grand moment », dit-il. Après les fondateurs, Pierre-Albert Vandel accompagne la nouvelle génération, celle des Vincent Defrasne, Alexandre Rousselet, Emmanuel Jonnier, Florence Baverel et Didier Roy.
Une équipe tournée vers l’international
« L’objectif, c’était l’international », souligne-t-il. Et, de nouveau, les résultats suivent. Viendra ensuite la troisième génération, celle d’Aurore Jean et Anouk Faivre-Picon. « Comme Jean-Pierre Lacroix [le patron des Emballages Lacroix de Bois d’Amont, ndlr.], il m’a accompagnée vers le haut niveau. Il a cru en moi et m’a fait confiance », remercie Aurore Jean. « Au début de mars 2012, après Nove Mesto, j’étais malade et non sélectionnée pour la prochaine étape de la coupe du monde en classique. Je reçois un coup de fil de Pierrot qui me dit : »Eh bien, on va préparer l’Engadine. » Il s’est occupé de toute la logistique. J’ai gagné la course et retrouvé de la confiance », raconte pour sa part Anouk Faivre-Picon.
L’histoire de Pierre-Albert Vandel avec La Transjurassienne, la plus grande course populaire de France, débute en 2000. D’abord responsable technique, il devient directeur d’épreuve l’année suivante. « Nous travaillons toute l’année pour que tout se passe bien le jour J. »
Des souvenirs, le Haut-Jurassien en compte des dizaines. « C’est en 2005 que j’ai vu le plus de monde autour de la piste, j’étais devant. Alex [Rousselet] avait le dossard 25, Manu [Jonnier] le 39, c’était juste après leur victoire en coupe du monde à La Clusaz. L’arrivée de ces deux coureurs, que j’ai suivis depuis leurs débuts et qui battent le record de l’épreuve, reste un bon souvenir. »
En juin dernier, Pierre-Albert Vandel a été élu président de Trans’Organisation, l’association qui gère, outre La Transjurassienne, la Transjeune et la Transju’trail. « La Transjurassienne, c’est l’identité du massif du Jura, ce sont 1 000 bénévoles, c’est un challenge très intéressant. Ces dernières années, nous nous sommes professionnalisés, mais nous devons toujours travailler à la pérennité de nos épreuves. » En cela, Pierre-Albert Vandel se situe dans la continuité de ses prédécesseurs, Jean-Claude Dalloz et Hervé Balland. « Avec lui, nous avançons vite, confie ce dernier. Ces cinq dernières années, la course a évolué à vitesse grand V. »
Au-delà des enjeux professionnel et personnel – « nous sommes porteurs, dépositaires d’une histoire » – La Transjurassienne, pour Pierre-Albert Vandel, c’est d’abord et surtout une aventure humaine. « J’aime bien la dynamique de groupe, admet-il. Le plus intéressant pour moi, ce sont les rapports entre les gens. » Emmanuel Jonnier qui lui a succédé à la direction d’épreuve, l’assure : « C’est un très bon manager, il arrive à s’entourer. La Transju, c’est une course très dure à organiser, avec un massif à traverser. Mais ceux qui se sont laissés embarquer avec lui ne le regretteront pas. »
C’est un peu la même histoire avec les différentes générations de champions, dont certains restent des amis proches. « Les résultats et la gloire, c’est éphémère. Ce que je retiens, ce sont les amitiés et la complicité », assure-t-il. L’aventure n’est pas finie, elle ne fait que commencer. « Pierrot ne vit pas dans le passé, c’est quelqu’un qui investit dans le présent », conclut Aurore Jean.
Portrait publié dans Nordic Magazine #21
Photos : Nordic Magazine, Archives et La Transjurassienne.