Caroline Espiau : « Je me demande d’ailleurs si elles durent réellement 24 heures ou si quelqu’un n’avance pas ma montre tous les jours !? »
Parfois, une blessure vient couper un sportif dans son élan. C’est ce qui est arrivé à la sauteuse Caroline Espiau au début de l’été 2013. Gravement blessée au genou, elle a stoppé le saut à ski à quelques mois des Jeux olympiques de Sochi 2014, son Graal personnel. Celle qui avait terminé quatrième d’une coupe continentale, le plus haut niveau féminin de l’époque, en 2010, a ensuite rebondi, jusqu’à confectionner les combinaisons des plus grands sauteurs de la planète. D’ailleurs, le Norvégien Marius Lindvik est devenu champion olympique l’hiver dernier avec son tissu.
Pour Nordic Magazine, Caroline Espiau a accepté de se prêter au jeu du « Que sont-elles devenues ? ».
- Quand avez-vous mis fin à votre carrière d’athlète de haut niveau et quel était votre état d’esprit à ce moment-là ?
J’ai arrêté en juin 2013 suite à une chute en saut qui m’a valu un genou en papier mâché ! Honnêtement, à ce moment-là, j’étais au plus mal. Avant même de connaître le diagnostic du chirurgien, je savais que je m’étais détruit le genou… On était à huit mois des premiers Jeux olympiques de saut à ski féminin [ceux de Sochi 2014, NDLR] qui me faisaient rêver depuis toute petite. J’avais les capacités d’y participer donc la pilule a été difficile à avaler.
- Qu’est-ce qui a été le plus dur pour vous juste après ? Qu’est-ce qui vous a manqué ?
Le plus dur a donc été forcément d’accepter ma blessure et ses conséquences. Ce n’était pas un choix d’arrêter donc j’ai un peu subi pendant les mois qui ont suivi… Il fallait trouver de nouveaux objectifs en dehors du haut niveau. Ce qui m’a manqué, c’est clairement la compétition, se mesurer aux autres, la rivalité et l’adrénaline qu’on ressent avant le concours. Mais ce qui est le plus difficile à retrouver, voire impossible, c’est la sensation de voler, ce court instant où le temps est suspendu.
- Si vous aviez la possibilité de participer à une compétition, quelle serait-elle ? Avec quel athlète actuel aimeriez-vous concourir ?
Sans surprise, les Jeux olympiques ! C’était mon rêve de petite fille. Il n’y a pas une athlète en particulier avec qui j’aimerais concourir, mais me confronter aux meilleures mondiales du moment, cela c’est sûr que j’adorerais. Le niveau du saut féminin mondial a tellement augmenté que je serais curieuse de savoir si, avec un entraînement militaire, je serais capable de rivaliser ou s’il vaut mieux que je retourne sur mon canapé.
- Au contraire, qu’est-ce qui vous a le moins manqué ?
Sans originalité, l’entraînement !!!!! Franchement, quand tu dois aller sauter dans le froid à -20°C pour te cailler les miches (sic) ou sous la pluie, des fois, tu te demandes pourquoi tu fais ce sport… Et vivre dans une valise, c’est aussi contraignant ! Je suis heureuse d’être sédentaire.
- Quel a été votre parcours après la fin de votre carrière ?
J’ai un peu coupé avec le monde du saut pour faire une sorte de faire le deuil de ma carrière. J’ai repris mes études à 23 ans avec un DUT techniques de commercialisation à Grenoble que j’ai validé en 2018. Depuis très jeune, j’adorais la couture et quand j’étais athlète je cousais mes propres combinaisons de saut. J’avais même créé mon entreprise à 18 ans, mais sans réelles intentions au début. Deux ans après ma chute, les clubs français ont commencé à me solliciter pour faire des combinaisons, puis de fil en aiguille (on ne peut pas dire mieux !) j’ai développé mon entreprise jusqu’à ce que ça devienne mon métier à temps plein. En 2018, aussi, j’ai pris la présidence de la commission saut à ski et combiné nordique au comité du Dauphiné.
- Quelle est votre nouvelle vie ?
Aujourd’hui, je suis donc à mon compte, et je fabrique les combinaisons de saut pour les clubs, les comités et les équipes de France. Depuis un an, je produis également mon tissu pour faire des combinaisons que j’exporte dans le monde. Depuis 2015, je suis également consultante sur Eurosport pour le saut à ski et le combiné nordique, je m’y m’éclate ! Je suis en couple avec Dylan Rochas, qui est aussi un ancien sauteur (on s’est d’ailleurs connus très jeunes en haut d’un tremplin !) et nous sommes devenus parents d’un petit garçon, Gabin, en octobre 2019, puis d’une petite fille, Lizzy, en janvier dernier. A croire qu’on avait du temps à tuer parce que, aujourd’hui, clairement, les journées sont bien remplies… Je me demande d’ailleurs si elles durent réellement 24 heures ou si quelqu’un n’avance pas ma montre tous les jours !? Dylan est agriculteur et est installé sur l’exploitation familiale à Méaudre. Son métier, c’est un peu comme être athlète de haut niveau avec beaucoup d’heures de travail ! L’avantage, c’est qu’on mange de la bonne viande ! Nos vies sont donc bien rythmées entre le boulot et les enfants, mais au moins on ne s’ennuie pas.
- Quand une personne découvre votre passé sur les skis, quelle est sa réaction ?
« Sérieux ? Mais t’as pas peur ? » Je ne dois pas avoir la tête de l’emploi… Mais, en général, les gens me croient plus quand je leur dit que j’ai fait de la gym plutôt que du saut à ski. Et, souvent, cela se termine par : « Faut avoir une case en moins pour faire ce sport ! »
- En quoi diriez-vous justement que votre passé de sportif vous a le plus aidé ?
C’est dans la difficulté qu’on apprend et qu’on grandit. On s’en rend compte bien après, avec le recul. L’exigence et la rigueur du haut niveau m’ont sûrement permis de relativiser face à des situations difficiles. Quand on dit que le sport est une école de la vie, ce n’est clairement pas juste une façon de parler.
- Quelle place a le nordique dans votre vie actuelle ?
Aujourd’hui, le nordique a une très grande place dans ma vie, d’abord parce que je suis passionnée par le sport en général et par le ski. J’aime me tenir au courant des courses, quelque soit la discipline. Et puis, j’en ai fait mon métier donc je suis au coeur du nordique H24. En commentant sur Eurosport, forcément, je suis le parcours des athlètes et donc des liens avec les nouveaux mais aussi les anciens, notamment Coline Mattel et Julia Clair, qui est toujours active, et quelques étrangères, se créent.
La série d’été de Nordic Magazine
- Que sont-ils devenus ? Maxime Laheurte
- Que sont-elles devenues ? Laura Chamiot-Maitral
- Que sont-ils devenus ? Clément Jacquelin
- Que sont-elles devenues ? Aurélie Dabudyk
- Que sont-ils devenus ? Sébastien Lacroix
- Que sont-elles devenues ? Marine Bolliet
- Que sont-ils devenus ? Paul Brasme
- Que sont-elles devenues ? Célia Bourgeois
- Que sont-ils devenus ? Mickaël Philipot
- Que sont-elles devenues ? Jacquemine Baud
- Que sont-ils devenus ? François Braud
- Que sont-elles devenues ? Marine Dusser Bjornsen
- Que sont-ils devenus ? Cyril Gaillard
- Que sont-elles devenues ? Estelle Mougel
- Que sont-ils devenus ? Clément Dumont
- Que sont-elles devenues ? Juliette Lazzarotto
- Que sont-ils devenus ? Damien Tarantola
- Que sont-elles devenues ? Margaux Achard
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