Estelle Mougel : « J’essaye de développer le biathlon quatre saisons dans les Vosges »
C’est en avril 2018, au bout d’une saison où elle avait pris part à quatre courses IBU Cup que la Vosgienne Estelle Mougel a mis un terme à sa carrière. Championne du monde jeunes du relais avec Julia Simon et Léna Arnaud en 2014 à Presque Isle (Etats-Unis), elle est passée, tout au long de ses années biathlon, des circuits nationaux et internationaux, et inversement. Devenue monitrice à l’ESF de La Bresse (Vosges), celle qui a participé à l’émission « Les 12 coups de midi » une fois sa vie de biathlète terminée est parvenue à surmonter une dépression post-retraite.
Pour Nordic Magazine, Estelle Mougel a accepté de se prêter au jeu du « Que sont-elles devenues ? ». Avec sincérité.
- Quand avez-vous mis fin à votre carrière d’athlète de haut niveau et quel était votre état d’esprit à ce moment-là ?
C’était à la fin du mois d’avril 2018. J’étais sûre de moi et j’avais envie de passer à autre chose : rentrer dans la vraie vie.
- Qu’est-ce qui a été le plus dur pour vous juste après et quel a été votre parcours ensuite ?
Suite à ma décision, j’étais libérée pendant deux, trois mois mais, ensuite, je suis tombée au fond du trou. J’en parle aujourd’hui car je suis parvenue à sortir la tête de l’eau. En fait, je ne savais plus pourquoi je me levais le matin. Avant, je le faisais pour aller à l’entraînement, pour être la meilleure et pour gagner les courses. Mais après… je n’avais plus de réel objectif de vie, plus de but. C’était dur pendant une bonne année pendant laquelle je ne me suis pas vue sombrer. Il a fallu que je me mette un bon coup de pied au cul (sic) et que je me trouve de nouveaux objectifs. Je me donc suis mise en tête de décrocher mon DE de monitrice.
- Qu’est-ce qui vous a manqué ?
C’est surtout l’adrénaline des courses, mais aussi les voyages, les hôtels et les beaux endroits.
- Au contraire, qu’est-ce qui vous a le moins manqué ?
Je ne trouve pas… Le biathlon était une super expérience avec ses bons et ses mauvais côtés, mais les mauvais ne servent qu’à mûrir et apprendre ! Mon papa a fait une belle étagère en bois où sont stockés tous les trophées avec un beau tableau avec toutes mes grosses médailles. Mais, lorsque je regarde tout cela, je ne ressens rien… C’est horrible de dire cela, mais j’ai pas conscience du tout du parcours que j’ai eu. Je ne ressens aucune fierté. C’est dommage, mais je crois que c’est parce qu’à chaque fois que je passais la ligne d’arrivée, je me fixais toujours un nouvel objectif. Ce qui fait que je ne profitais jamais du moment présent. Je le regrette un peu.
- Si vous aviez la possibilité de participer à une compétition, quelle serait-elle ? Avec quel athlète actuel aimeriez-vous concourir ?
Aujourd’hui, je ne souhaite plus mettre un dossard sur le dos ! J’ai vraiment du mal à retourner faire du sport pour moi. Comme si j’avais été « overdosée ». Avec moi, c’est tout ou rien, 0 ou 1, noir ou blanc, oui ou non, à fond ou rien du tout. Mais j’ai toujours aimé du VTT, j’aime beaucoup, par exemple, l’état d’esprit de Pauline Ferrand-Prévot. Sa carrière n’a pas toujours été facile et elle a toujours trouvé le moyen de revenir au meilleur niveau.
- Quelle est votre nouvelle vie ?
A l’heure actuelle, je me fais vraiment plaisir à enseigner à l’ESF, j’adore ce que je fais, je vois beaucoup de monde différent et je fais de belles rencontres. Le lien social est important pour moi. J’essaye, avec mon directeur ESF Eric Fieller, de développer encore plus le biathlon quatre saisons dans les Vosges. Je m’éclate avec les gamins et les familles qui viennent découvrir le biathlon. Mon prochain objectif de vie c’est d’avoir ma petite maison AU CALME. Aujourd’hui, je prends plus de plaisir à enseigner et partager de bons moments avec les gens que lorsque je faisais du haut niveau. C’est un plaisir différent et je suis fière de faire cela.
- Quand une personne découvre votre passé sur les skis, quelle est sa réaction ?
Lorsque je parle de mon passé de haut niveau avec les médailles aux Mondiaux à mes clients, ils hallucinent et se sentent hyper chanceux de prendre un cours avec moi ! J’aime partager avec eux ce que j’ai pu vivre, mais, par contre, je n’en fait pas tout un fromage. J’ai même tendance à vite parler d’autres choses car je n’aime pas du tout parler de moi et je ne veux surtout pas me vanter.
- En quoi diriez-vous justement que votre passé de sportif vous a le plus aidé ?
J’ai gardé mes bonnes habitudes : je mange toujours très équilibré, je dors tôt, le jogging est mon vêtement favori, je ne bois toujours pas d’alcool et je ne fume toujours pas 
! Je suis toujours très hyperactive, je ne supporte pas le fait de rien faire. La période de confinement a été très dure pour moi. J’ai besoin d’avoir des journées calées à la minute près et je pense que c’est mon passé de haut niveau qui me rend comme cela. J’ai pris beaucoup de recul par rapport à mon passé et j’ai définitivement tourné la page.
- Quelle place a le nordique dans votre vie actuelle ?
Bien évidemment, je suis toutes les courses lorsque je peux mais, malheureusement, l’hiver je bosse beaucoup, donc c’est rare. Je suis super contente pour tout le monde et cela me fait travailler aussi donc c’est super ! Je n’ai pas gardé de liens avec mes anciens coéquipiers, mais, aujourd’hui, c’est facile, grâce aux réseaux sociaux, d’avoir des nouvelles sans forcément avoir besoin d’aller discuter.
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