Clément Dumont : « Avec le stress, les cours et les soirées étudiantes, ma condition physique a chuté en flèche »
C’est il y a quatre ans que le Haut-Savoyard Clément Dumont, champion du monde jeunes du relais en 2012 avec Aristide Bègue et Florian Rivot ou encore médaillé de bronze mondial chez les juniors l’hiver suivant, a décidé de mettre la flèche. Vainqueur d’un relais mixte d’IBU Cup avec Enora Latuillière, Chloé Chevalier et Fabien Claude quelques semaines avant de se retirer, il avait décidé, « vidé psychologiquement », de mettre le biathlon de côté afin de démarrer une nouvelle vie.
Pour Nordic Magazine, Clément Dumont, devenu kiné, a accepté de se prêter au jeu du « Que sont-ils devenus ? ».
- Quand avez-vous mis fin à votre carrière d’athlète de haut niveau et quel était votre état d’esprit à ce moment-là ?
J’ai mis fin à ma carrière à la fin de la saison 2018, celle des Jeux olympiques en Corée du Sud. Plus précisément, ma décision a été prise au début de l’été. J’ai terminé l’hiver émoussé voire même vidé psychologiquement, à la limite du burn-out. Je crois que les décisions me concernant, prises en fin de saison par le staff de l’époque, ont été comme la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. L’idée même de m’imaginer au départ de la saison suivante me donnait des frissons, au sens négatif du terme. Du coup, vu que je finissais ma Licence STAPS et mon DE de ski, je me suis dit que c’était peut-être temps de partir sur un nouveau projet, mais sans réelle conviction. J’étais un peu paumé. Le printemps passant, je me suis arrêté sur une vieille idée qui était de bénéficier de la passerelle octroyée aux sportifs de haut niveau pour accéder aux études du paramédical, dont celles de kinésithérapeute, un métier qui m’attirait déjà depuis longtemps. J’ai donc tenté ma chance, appuyé par la FFS qui a été d’une grande aide sur le versant de la reconversion. Un soir de Coupe du Monde de football, pendant la demi-finale France/Belgique, j’ai reçu la validation. Ma nouvelle vie était lancée.
- Qu’est-ce qui a été le plus dur pour vous juste après ? Qu’est-ce qui vous a manqué ?
Le plus dur ont probablement été les premières semaines en amphi, confronté à la mutualisation des cours de kiné et de médecine. L’anatomie pathologique ou la biophysique : autant de cours à apprendre dans une nouvelle langue pour essayer de rattraper un retard sur des étudiants qui avait déjà des bases de leur PACES [première année de médecine, NDLR]. Je n’étais probablement pas préparé à cela. Mais j’ai pris le challenge à bras le corps et me suis donné les moyens de réussir. Cela a été facilité par le fait que c’était, au moins, intéressant ! Au début, ce qui m’a manqué, c’est le fait de ne plus me sentir en forme. Avec le stress, les cours et les soirées étudiantes, ma condition physique a chuté en flèche. J’avais l’impression de voir mon corps se transformer de jour en jour. J’ai trouvé cela dur.
- Si vous aviez la possibilité de participer à une compétition, quelle serait-elle ?
J’ai voulu participer aux championnats de France d’été à Arçon en octobre 2021. Au-delà de la symbolique de ce départ qui était un hommage à mon père [décédé quelques semaines plus tôt, NDLR], je crois que c’était le site idéal pour remettre un dossard. Et si j’avais de nouveau l’occasion d’en remettre un, ce serait sûrement là-bas parce que l’ambiance est comme nulle part ailleurs et je me sens comme à la maison ! Et, en plus, c’est l’occasion de voir tous les copains de l’équipe de France. Pour moi, aujourd’hui, une course cela se partage ! D’ailleurs, j’attends toujours Aristide [Bègue] pour qu’on programme cela…
- Au contraire, qu’est-ce qui vous a le moins manqué ?
Je crois que plus rien ne me manque concernant ma participation à une compétition avec le statut que j’avais. Aujourd’hui, je vibre devant les performances des copains, j’aime revenir sur le circuit, je suis à la recherche d’émotions. Mais la vie d’athlète en tant que métier, la routine des compétitions, des repas, des siestes, cela ne m’intéresse plus. Je pense d’ailleurs que je n’étais pas fait pour cela. Je suis bel et bien passé de l’autre coté de la barrière et je prends plaisir à faire du sport pour le bien être que cela me procure. Paradoxalement, je crois que j’arrive à me faire davantage mal qu’auparavant, notamment sur mon vélo.
- Quel a été votre parcours après la fin de votre carrière ?
J’ai donc été faire des études de kiné à Nice, où j’ai retrouvé Marine Bolliet. Cela a été amusant de se voir dans un autre environnement, surtout qu’elle avait déjà deux ans d’avance sur moi et, je pense, déjà bien changé vis-à-vis de sa vie d’athlète. Pendant quatre ans, j’ai appris un métier, j’ai aussi rencontré des personnes incroyables avec qui j’ai de suite accroché et même créé une colocation durant trois belles années. Un vrai groupe de copains avec qui j’espère pouvoir maintenir de bonnes relations. J’ai donc étudié, bringué (sic) et beaucoup roulé sur les routes du pays niçois, un paradis du vélo ! J’ai également étoffé mon CV par une double diplomation afin de valider un Master en ingénierie de la santé. J’ai anticipé sur des projets, voulu créer beaucoup de choses.
- Quelle est votre nouvelle vie ?
A l’heure actuelle, je suis diplômé et j’ai attaqué en tant que remplaçant dans un petit cabinet du Vaucluse, proche de la maison familiale. Je prévois de remonter habiter en Haute-Savoie, pour être avec ma copine, proche de la vallée de Chamonix. Je suis également sur un autre projet, dans le biathlon celui-ci, mais de l’autre coté de la jumelle. C’est une sorte d’évidence quand on a du sang Dumont qui coule dans les veines. Mes projets continuent d’évoluer sans cesse, au gré des opportunités que je m’empresse d’attraper dès qu’elles se présentent. C’est un des points que « la vie d’après » a pu m’apporter.
- Quand une personne découvre votre passé sur les skis, quelle est sa réaction ?
Avec la kiné, le sujet du sport de compétition revient souvent. Quand le biathlon vient sur la table (pas de massage), les gens sont plutôt curieux, mais de plus en plus connaisseurs, même si l’éternelle remarque, « Ah, comme Martin Fourcade », revient encore beaucoup.
- En quoi diriez-vous justement que votre passé de sportif vous a le plus aidé ?
C’est une question difficile ! J’ai toujours du mal à valoriser ce que le sport a pu m’apporter. Je pense simplement que c’est une longue étape de ma vie qui me permet aujourd’hui d’être ce que je suis et de pouvoir accomplir mes projets. Malgré tout, je suis toujours aussi effrayé devant un challenge.
- Quelle place a le nordique dans votre vie actuelle ?
Le nordique occupe encore une part prépondérante de ma vie, une part amenée à grandir dans les mois à venir. J’aime suivre et encourager les copains, dans les bonnes et mauvaises passes. Je vibre réellement. Aussi, j’ai pu passer une partie de mon hiver au pied du Revard à travailler avec Biathlon Expérience à La Féclaz. Je me suis rendu compte, après quatre ans de distance, que d’être sur un pas de tir, c’est comme dise les anglophones : « Where I belong » [Là où est ma place, NDLR]. Et puis, en tant que Dumont, je crois que le biathlon coule définitivement dans mes veines.
La série d’été de Nordic Magazine
- Que sont-ils devenus ? Maxime Laheurte
- Que sont-elles devenues ? Laura Chamiot-Maitral
- Que sont-ils devenus ? Clément Jacquelin
- Que sont-elles devenues ? Aurélie Dabudyk
- Que sont-ils devenus ? Sébastien Lacroix
- Que sont-elles devenues ? Marine Bolliet
- Que sont-ils devenus ? Paul Brasme
- Que sont-elles devenues ? Célia Bourgeois
- Que sont-ils devenus ? Mickaël Philipot
- Que sont-elles devenues ? Jacquemine Baud
- Que sont-ils devenus ? François Braud
- Que sont-elles devenues ? Marine Dusser Bjornsen
- Que sont-ils devenus ? Cyril Gaillard
- Que sont-elles devenues ? Estelle Mougel
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