Félix Cottet-Puinel : « J’ai fait le grand saut outre-Atlantique : je suis donc encore et toujours étudiant ! »
C’est il y a maintenant deux ans que le biathlète montblanais Félix Cottet-Puinel a décidé de mettre un terme à sa carrière de sportif de haut niveau. Vainqueur du classement général de la coupe de France cette année-là et de deux médailles de bronze aux Universiades de Krasnoyarsk (Russie), il aura également glané une breloque mondiale juniors en relais à Minsk-Raubichi (Biélorussie). Elle était de bronze et décrochée en compagnie d’Emilien Jacquelin, Fabien Claude et Aristide Bègue. Egalement monté sur deux podiums en Junior Cup, le Haut-Savoyard s’est finalement arrêté à 25 ans.
Pour Nordic Magazine, Félix Cottet-Puinel, devenu étudiant dans le Michigan en kinésiologie et physiologie intégrative, a accepté de se prêter au jeu du « Que sont-ils devenus ? ».
- Quand avez-vous mis fin à votre carrière d’athlète de haut niveau et quel était votre état d’esprit à ce moment-là ?
J’ai arrêté le biathlon il y a maintenant deux ans, après la mass-start des championnats de France des Contamines-Montjoie. Avec plus de précision que lors de mon dernier tir en carrière, cela nous renvoie au 26 mars 2021 aux alentours de 15h41 ! En fait, je n’étais pas totalement certain d’arrêter à ce moment-là puisque mon choix dépendait des options qui s’offriraient à moi au cours du printemps suivant. Je ne voulais fermer aucune porte mais, en étant réaliste, cette course était très probablement la dernière et je le savais. Le jour de cette course, mon état d’esprit était globalement très positif, bien qu’amalgamé de beaucoup d’émotions différentes. Avec le recul, le fait de ne pas tout à fait savoir si j’arrêtais m’évitait probablement une rupture forte avec la pratique qui avait été la mienne pendant dix années.
Pour être honnête, je n’ai pas de souvenir très net de tout ce qu’il s’est passé après l’arrivée, mais je me souviens particulièrement bien de ce sentiment doux-amer que je savourais dans l’air de départ en attendant le coup de pistolet. Je me plaisais à l’idée que je vivais toutes ces routines et tous ces gestes une dernière fois. C’est finalement un ou deux mois après cette mass-start que j’ai pour de bon balayé l’idée de repartir pour une saison. J’ai vraiment pris le temps nécessaire pour me familiariser avec mon choix et définitivement tourner la page une fois sûr et certain que je ne voulais pas continuer.
- Qu’est-ce qui a été le plus dur pour vous juste après ? Qu’est-ce qui vous a manqué ?
Cela aurait pu être bien différent si j’avais choisi d’arrêter un an plus tôt ou un an plus tard, mais, en clair, rien n’a été dur et rien ne me manque. Je n’ai pas vraiment d’explication, mais je crois que je le dois à une transition très souple. J’ai tranquillement remplacé le biathlon par d’autres choses, notamment une façon de pratiquer les activités que j’aime en fonction de mes sensations et de mes envies, dans le jeu et sans jamais de contrainte. D’autres motivations et défis ont aussi très vite remplacé ma vie de biathlète.
En fait, ce n’est pas vraiment du biathlon dont j’avais marre, mais plutôt du contexte dans lequel j’évoluais, à savoir sans vraiment d’équipe et plus vraiment à l’âge qui séduit les sélectionneurs. J’avais vraiment le sentiment d’être allé au bout de ce que je pouvais faire après quatre ans à galérer dans cette situation. Mes motivations au cours de mon parcours avaient elles aussi évoluées : ma tentative manquée d’atteindre le très haut niveau en sport était devenue davantage une quête du soi. J’avais peut-être fini en coupe de France à me faire parfois taper par des juniors (voire pire), mais j’étais devenu une personne beaucoup plus aboutie qu’à mes débuts. En somme, je n’avais plus de raison concrète de poursuivre : la boucle était bouclée.
Si je repartais une saison, cela devait être uniquement dans la construction d’une équipe privée, un projet différent et totalement neuf… mais le timing était trop court et d’autres projets plus importants pour mon avenir avaient finalement émergés. Je m’estime très heureux d’avoir pu en finir en sachant que j’avais utilisé toutes mes ressources, qu’ils s’agissent de mes possibilités de développement ou de mes motivations. Quand on ne veut plus, on ne peut plus.
- Si vous aviez la possibilité de participer à une compétition, quelle serait-elle ? Avec quel athlète actuel aimeriez-vous concourir ?
Puisque vous demandez cela au grand enfant que je suis, je voudrais jouer la prochaine Coupe du monde de rugby avec le XV de France ! Si on veut en rester au ski, j’aimerais descendre le Lauberhorn [la mythique piste de descente de ski alpin de Wengen, en Suisse, NDLR] ou skier le 50 kilomètres d’Oslo-Holmenkollen. Si on veut en rester au biathlon, alors ce sera sans hésiter la mass-start du Grand-Bornand, si possible dans les skis de Johannes Thingnes Boe, tant qu’à faire. J’ai sans doute des amis en équipe de France qui n’aimeraient pas que cela dure, mais je ne me lasse pas de le regarder faire ce qu’il fait ; la façon qu’il a d’exprimer ses qualités sur les skis avec un tel relâchement, c’est la perfection ! C’est un peu comme regarder Rafael Nadal jouer à Roland-Garros, toute proportion gardée.
- Au contraire, qu’est-ce qui vous a le moins manqué ?
L’étrange propension de la FFS à confondre « protection des athlètes » et « faire du social » n’est pas ce qui me manque le plus, même si elle a de quoi fasciner. Etonnant quand on sait qu’un cadre plus serein est facilitateur de performance ! J’étais fatigué d’évoluer dans ce système de non-dits, où l’on ne découvre les règles du jeu qu’une fois les courses terminées. Le bon sens fait difficilement sa place lorsque l’on donne à un enfant à jouer une boîte d’allumettes et, croyez-moi, on est vite considéré comme l’une de celles qui ne s’est pas allumée. Néanmoins, la situation peut très bien avoir changé depuis, alors je ne vais pas m’épandre sur le sujet. J’aimerais également ajouter que je suis bien content de ne plus faire de ski-roues, ni de m’allonger en slip sur les tapis de tir par temps de pluie !
- Quel a été votre parcours après la fin de votre carrière ?
Tout est allé très vite ! J’ai d’abord terminé ma licence en STAPS à Grenoble au printemps 2021 tout en commençant des démarches pour continuer mes études aux Etats-Unis dès janvier 2022.
- Quelle est votre nouvelle vie ?
Puisque les démarches ont abouti, j’ai bien fait le grand saut outre-Atlantique : je suis donc encore et toujours étudiant ! Pour être plus précis que mes dernières balles, je poursuis actuellement un Master’s degree of Kinesiology and Integrative Physiology (en anglais ça claque plus : Master kinésiologie et physiologie intégrative en français) à la Michigan Technological University. Je suis également membre de leur équipe de ski de fond pour laquelle j’ai couru jusqu’à ce printemps 2023. Il me reste un an à faire pour compléter mon Master, continuer à m’investir auprès de mon équipe (désormais en tant qu’entraineur assistant) et parfaire mon anglais que je suis jusqu’ici parvenu à élever à un niveau médiocre.
- Quand une personne découvre votre passé sur les skis, quelle est sa réaction ?
De manière générale, je m’arrange toujours pour placer que j’ai fait du ski à « haut niveau » dès le début d’une conversation, alors cela ne fait jamais l’objet d’une grande découverte pour personne. Maintenant, pour être un peu plus franc, les gens qui me connaissent me donnent cette étiquette de « sportif », pas fausse, mais réductrice. Par exemple, une bonne part de mon entourage sait bien que le ski de fond a été mon passeport pour les Etats-Unis, puisque c’est grâce à cela que j’ai obtenu une bourse pour y étudier et faire de la compétition dans une équipe universitaire, mais je dois rappeler régulièrement que le ski n’est plus pour autant une priorité comme elle avait pu l’être par le passé. Je suis toujours passionné et investi, mais disons que ce n’est plus ce qui détermine mon avenir.
- En quoi diriez-vous justement que votre passé de sportif vous a le plus aidé ?
Mon passé de sportif aura de toute façon structuré ma vie pour de bon, que ce soit dans mes choix ou dans mes habitudes au quotidien. Mon passé de sportif m’a grandement aidé à construire des aptitudes transférables, comme la fixation d’objectifs appropriés, l’établissement d’un plan pour y parvenir, mais surtout la capacité à se plier sans rompre à des contraintes et à faire émotionnellement fi d’une réalité déplaisante pour mieux y réagir d’une façon constructive et efficace. Au moins aussi important, je connais mon corps comme ma poche et je sais comment il réagit à à peu près n’importe quoi. J’ai toujours perçu la citation de Juvénal ‘Mens sana in corpore sano‘ comme un précepte. Quoi que l’on fasse, on s’exprime toujours plus ou moins par le corps qui est notre rapport au monde physique et mon parcours de haut niveau m’a donné une bonne connaissance de celui-ci et de comment le traiter. Ceci étant dit, j’aime le vin et la bouffe.
- Quelle place a le nordique dans votre vie actuelle ?
Déjà, comme vous le savez, j’ai mon équipe de ski de fond universitaire américaine. Pour ce qui est des coupes du monde à la télé, je les regarde systématiquement en commentant tout seul à voix haute, d’où la nécessité de m’enfermer dans ma chambre. Enfin, je continue de jeter un œil aux échelons inférieurs, notamment aux performances de mes deux favoris gêtois (mon club de cœur) : Jeanne Richard et Jacques Jefferies.
Pour ce qui est de mes anciens coéquipiers, même si je ne suis pas du genre à prendre souvent des nouvelles, rien n’a changé. C’est presque comme si on pouvait se revoir six ans après et reprendre la discussion là où on l’avait laissée. Certains resteront toujours des amis très proches, même si on n’est pas souvent en contact. Cela me fait d’ailleurs penser à la réflexion de Fabien Nivault lors d’un de vos récents « Que sont-ils devenus ? », dans lequel il s’imaginerait bien faire une course comme à l’époque. Même si Emilien Jacquelin nous pourrirait sûrement en quelques coups de cannes, cela serait assez génial de revoir tous ces visages dans une aire de départ.
Tous les « Que sont-ils devenus ? » de Nordic Magazine
- Que sont-ils devenus ? Maxime Laheurte
- Que sont-elles devenues ? Laura Chamiot-Maitral
- Que sont-ils devenus ? Clément Jacquelin
- Que sont-elles devenues ? Aurélie Dabudyk
- Que sont-ils devenus ? Sébastien Lacroix
- Que sont-elles devenues ? Marine Bolliet
- Que sont-ils devenus ? Paul Brasme
- Que sont-elles devenues ? Célia Bourgeois
- Que sont-ils devenus ? Mickaël Philipot
- Que sont-elles devenues ? Jacquemine Baud
- Que sont-ils devenus ? François Braud
- Que sont-elles devenues ? Marine Dusser Bjornsen
- Que sont-ils devenus ? Cyril Gaillard
- Que sont-elles devenues ? Estelle Mougel
- Que sont-ils devenus ? Clément Dumont
- Que sont-elles devenues ? Juliette Lazzarotto
- Que sont-ils devenus ? Damien Tarantola
- Que sont-elles devenues ? Margaux Achard
- Que sont-ils devenus ? Bastien Buttin
- Que sont-elles devenues ? Caroline Espiau
- Que sont-ils devenus ? Ivan Perrillat-Boiteux
- Que sont-elles devenues ? Claire Breton
- Que sont-ils devenus ? Igor Cuny
- Que sont-elles devenues ? Léna Arnaud
- Que sont-ils devenus ? Samuel Guy
- Que sont-elles devenues ? Lou Reynaud
- Que sont-ils devenus ? Lilian Vaxelaire
- Que sont-ils devenus ? Rémi Borgeot
- Que sont-elles devenues ? Manon Locatelli
- Que sont-ils devenus ? Wilfried Cailleau
- Que sont-elles devenues ? Anouk Faivre-Picon
- Que sont-ils devenus ? Maxime Habran
- Que sont-elles devenues ? Marine Bressand
- Que sont-ils devenus ? Tom Balland
- Que sont-elles devenues ? Manon Contin
- Que sont-ils devenus ? Benoît Chauvet
- Que sont-elles devenues ? Emily Battendier
- Que sont-ils devenus ? Ludwig Ehrhart
- Que sont-elles devenues ? Marie Kromer
- Que sont-elles devenues ? Julia Devaux
- Que sont-ils devenus ? Jason Drezet
- Que sont-elles devenues ? Anaïs Ysebaert
- Que sont-elles devenues ? Julie Cardon
- Que sont-elles devenues ? Julie Chenevoy
- Que sont-elles devenues ? Floriane Parisse
- Que sont-ils devenus ? Aristide Bègue
- Que sont-ils devenus ? Tao Quéméré
- Que sont-elles devenues ? Lucile Morat
- Que sont-ils devenus ? Gilles Marguet
- Que sont-elles devenues ? Pauline Macabies
- Que sont-elles devenues ? Delphyne Burlet
- Que sont-ils devenus ? Florian Rivot
- Que sont-ils devenus ? Baptiste Noël
- Que sont-elles devenues ? Alice Mahieu
- Que sont-ils devenus ? Raphaël Poirée
- Que sont-elles devenues ? Delphine Peretto
- Que sont-ils devenus ? Julien Robert
- Que sont-elles devenues ? Laure Barthélémy
- Que sont-elles devenues ? Karine Laurent Philippot
- Que sont-ils devenus ? Clément Arnault
- Que sont-ils devenus ? Ferréol Cannard
- Que sont-ils devenus ? Eric Claudon
- Que sont-ils devenus ? Jean Tiberghien
- Que sont-ils devenus ? Benoît Molliet
- Que sont-ils devenus ? Fabien Nivault
- Que sont-ils devenus ? Lilian Broisat
- Que sont-elles devenues ? Chloé Remy
- Que sont-ils devenus ? Ludovic Moya
- Que sont-elles devenues ? Lise Marseille
- Que sont-ils devenus ? Yohan Huillier
- Que sont-elles devenues ? Marion Buillet
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