CHRONIQUE – Tous les athlètes redoutent de tomber dans La Maille de son filet. Chaque jeudi, Clément Mailler ne les épargne pas quand il s’agit de leur poser les bonnes questions. Point d’échappatoire pour eux : ils doivent répondre. Victime du jour : Roddy Darragon.
Après le dinosaure Sven Fischer, voici (et c’est lui qui le dit) le vieux mammifère coincé dans la Maille du filet ! Depuis sa médaille olympique en sprint, il a retroussé les manches en travaillant comme consultant pour Eurosport et avec la marque Rossignol. Est-ce que ma prise du jour garde jalousement le secret du pionnier ? Est-ce qu’on se crée des soucis à cause des commentaires ou ça va fumer !? Comparaison des époques pas si lointaines avec Roddy Darragon.
- Roddy Darragon, quand tu regardes aujourd’hui les coupes du monde de sprint, est-ce que tu te sens comme un dinosaure ou la discipline n’a pas trop évolué ?
Ben un peu quand même… je me sens à moitié dinosaure… je me sens vieux mammifère (rires) ! Je sens que ça a évolué, en densité ça va plus vite, il y a plus de mecs qui sont forts ! Maintenant même le 35e est quand même à un super niveau. Donc ouais… à moitié dinosaure, déjà ! (rires) Surtout quand je regarde les images de nos courses à l’époque !
- Est-ce que la retraite sportive ce n’est pas un peu baisser les bras pour mieux lever les coudes ?
(Rires) Ouais c’est un peu ça c’est vrai ! Moi c’est arrivé comme ça ! Au bout d’un moment je régressais, je commençais à être père de famille alors au bout d’un moment j’ai baissé les bras pour lever les coudes et partir au boulot (rires) !
Mais bon c’est sympa, il y a moins de pression et on rigole bien. Je travaille avec Rossignol et tu vois, tu sens encore la course et l’ambiance, c’est rigolo. T’as baissé les bras mais t’es encore là, alors c’est un petit cadeau on va dire.
- Être sur le bord de la piste avec ton travail ça ne te donne pas envie de mettre un dossard ?
Quand c’est billard franchement ouais ! C’est magique, ça glisse, et ouais !!… ça donne carrément envie de prendre le départ ! Par contre il y a des jours où pas du tout ! Tu vois bien quand il y a des jours horribles tu es content justement de lever les coudes et de bosser et ne pas vivre l’enfer ! (rires) Il faut admettre que des fois les conditions c’est un peu l’enfer hein ! Mais bon des fois j’aimerais bien essayer d’aller vite un peu pour voir ! (rires)
- Tu étais le leader de l’équipe et de la discipline en France. Est-ce que quand on arrête sa carrière on partage son expérience ou on garde jalousement le secret du pionnier ?
Euh… (il réfléchit) non non… mais ouais je pense que t’as tendance à garder un tout petit peu le secret pour ne pas être trop vite battu par les jeunes qui arrivent ! (rires) Mais après j’essayais de partager hein ! J’ai partagé pas mal avec Baptiste (ndlm : Baptiste Gros) aussi un peu avec Renaud (ndlm : Renaud Jay) leur donner ma vision des choses.
J’espère que cela a aidé Baptiste du coup car c’est avec lui que j’ai le plus échangé d’ailleurs, ou avec Miranda (ndlm : Cyril Miranda). Mais je pense que c’est bien de partager parce que nos Français ils font plaisir, il y a quatre ou cinq qualifiés… tu vis des belles journées ! Après ils sont bien entourés aussi, avec Cyril (ndlm : Cyril Burdet, l’entraîneur du groupe sprint) notamment et je ne sais pas si j’ai encore beaucoup de choses à leur apprendre.
- Ta médaille aux Jeux Olympiques a été commentée en direct par les journalistes de France Télévision. Est-ce que ça gâche un peu le moment ?
Ouais j’ai écouté leurs commentaires ! C’est assez rigolo… c’était assez fou, mais est-ce que ça gâche je ne sais pas. Mais non je n’ai pas envie de leur balancer des cailloux treize ans après mais… c’était bien mieux sur Eurosport ! (fous rires) C’était dix fois mieux sur Eurosport parce qu’en plus c’était des bons copains qui ont commenté ! J’avoue que si il y a truc à dire c’est juste ça ! (rires)
- Maintenant c’est toi qui commentes les courses avec Eurosport. Est-ce que tu te permets des choses personnelles, tacler un peu des gens… ?
(Il réfléchit) Pff… moi j’ai un peu du mal mais je garde toujours une limite. Je n’ai pas envie de blesser des gens et surtout que je n’ai pas vraiment d’ennemis. Des fois des choix tactiques qui sont mauvais on se permet mais dans une certaine limite. C’est dur le commentaire !
À chaque fois je dis un peu trop de conneries ou pas assez mais il faut essayer de rester impartial… ne pas être trop « Rossignol », être un peu chauvin mais pas trop non plus… Il y a des mecs qui sont déjà venus me voir ! Par exemple j’avais dit que Andrew Young à Dresden avait été un peu trop violent avec Richard Jouve, et il est venu me voir pour en parler…
Des fois tu as des retours étranges. Pour l’instant vu que ce n’est pas mon métier et que je ne suis pas encore super doué je me garde des limites ! Mais un jour je vais balancer grave et ça va chi** ! (rires)
- En parlant de « chauvin », est-ce qu’on est forcément chauvin quand on vient du Grand Bornand ?
Ouais ! Enfin on le devient ! (rires) Je n’ai pas toute la génération familiale au Grand Bo mais malheureusement on le devient. Finalement on est à fond Lucas Chanavat, Tessa Worley et tous ces fous ! Mais par contre j’aime bien La Clusaz aussi.
- Dans une vieille interview que j’ai retrouvée, tu as déclaré « j’adore les stages pour l’ambiance et la vie de groupe ». On s’ennuie à la maison ?
(rires) Ouais mais à l’époque je m’éclatais plus en stage qu’à la maison c’est clair (rires) ! Mais maintenant je n’ai plus le temps de m’ennuyer, j’ai deux garçons ! C’est le bordel à la maison ! C’est ça qui te tient d’ailleurs dans un groupe, il faut une bonne ambiance ! Il y a l’objectif commun donc si l’ambiance elle est saine c’est le top. Faut avoir envie d’aller retrouver les gars !
- J’ai lu aussi que tu étais un fan de Michael Jordan. Qu’est-ce qu’on envie à un basketteur quand on fait du sprint en ski de fond ?
Euh… qu’est-ce-qu’on peut leur envier ?… L’argent peut-être (rires) ! C’est tellement différent mais Michael Jordan j’ai toujours été fan comme tous ces mecs qui ont réussi à dominer leur sport ! Comme Roger Federer ou Mohamed Ali… des mecs qui sont arrivés à bouger le truc et à révolutionner le bordel. Mais j’ai toujours voulu être plus grand ! (rires) J’ai souvent « fighté » avec des norvégiens qui faisaient un bon 1,90m et je trouvais que ça les aidait !
- Et enfin, tu penses à quoi là tout de suite ?
Là il vient de tomber vingt centimètres alors je pense à aller demain matin faire de la puff ! Un dernier coup de l’hiver !