SAUT À SKI – À quelques semaines du début de l’hiver, Jérôme Laheurte, directeur du saut et du combiné nordique à la FFS, fait un point complet en exclusivité pour Nordic Magazine.
À l’intersaison, le feuilleton du nouveau coach de l’équipe de France masculine de saut à ski a animé les gazettes jusqu’à ce que le Tchèque David Jiroutek soit désigné. Depuis, l’ancien entraîneur de Roman Koudelka a pris en mains un groupe très jeune avec qui le contact est très bien passé.
Chez les dames, le duo Julia Clair/Joséphine Pagnier a impressionné cet été. Malgré l’incertitude sanitaire, « il faut rester motivé et ne pas s’exciter. C’est indépendant de notre volonté, donc on subit, mais on n’est pas les plus malheureux, on s’entraîne dans de relatives bonnes conditions », glisse Jérôme Laheurte, directeur du saut tricolore, à Nordic Magazine. Entretien.
- Comment l’équipe de France de saut à ski s’est-elle adaptée à la situation au cours de l’été et de l’automne ?
Le camp d’entraînement des sauteurs était principalement basé sur Courchevel où on a réussi à trouver des chalets à louer pour tout l’été pour loger les coachs, notamment David Jiroutek et Francis Repellin. C’était top, on a passé beaucoup de temps là-bas où il y avait de belles possibilités d’entraînement. On oscillait soit entre Courchevel et le Jura pour rester en France. Les équipes ont tout de même pu bouger en Allemagne, Autriche et Slovénie où on a pu aller faire des stages qui se sont bien passés.
- Il n’y a pas eu de cas de coronavirus au sein du collectif ?
La plupart des sauteurs garçons ont été malades en mars derniers à la fin des championnats du monde juniors. Quatre sur sept étaient donc positifs à la reprise [au test sanguin, ndlr.], donc c’était déjà fait pour eux.
Pour l’encadrement et les autres athlètes, on n’a pas été touchés sauf pour Damien Maitre qui a fait sept jours de quarantaine sans être trop malade malgré une ou deux mauvaises nuits.
« On a un groupe 100% juniors qui est en formation »
- Malgré tous les soucis liés à la pandémie, avez-vous pu mener à bien un vrai programme estival ?
Globalement, ça n’a pas changé grand-chose. Il y a juste eu moins de compétitions que d’habitude. Par contre, en matière de travail, de fréquence et de charge d’entraînement, ça n’a quasiment rien changé.
Le seul point un peu négatif, c’est qu’on n’a pas beaucoup changé de tremplins mais, en réalité, je ne suis pas inquiet parce qu’en France on a pu sauter sur quatre profils différents [les deux de Courchevel, Chaux-Neuve et Prémanon, ndlr.] en plus des tremplins étrangers où on a pu aller. Je n’ai pas le sentiment qu’on a été impactés plus que cela.
- Est-ce facile d’évaluer le travail accompli sans compétitions internationales au programme, à l’exception de la coupe continentale masculine de Wisla (Pologne) et du Grand Prix féminin de Frenstat (République Tchèque) ?
Tant qu’on ne n’est pas trop confrontés aux étrangers, c’est difficile d’évaluer. On a eu quelques petits points de repères comme les barres d’élans qu’utilisent les athlètes sur les tremplins en fonction des conditions. Comme on connaît les tremplins par cœur, cela nous donne quelques idées sur leur niveau, mais pas sur celui des étrangers.
- Quelle est la forme du groupe à quelques semaines de la reprise ?
Valentin Foubert, dans l’année de ses 18 ans, fait un super été. Il a un super niveau de saut pour son âge, c’est très positif surtout qu’il a confirmé lors de l’OPA Cup de Berchtesgaden, terminant quatrième et cinquième.
Mathis Contamine est plutôt bien aussi, alors que Paul Brasme s’est cassé une cheville il y a un mois et demi de ça. Il va revenir tranquillement après un bon été. Il y a eu une dynamique globale plutôt bonne mais, maintenant, on verra avec le dossard. On a un groupe 100% juniors qui est en formation.
« David Jiroutek s’éclate bien »
- Sur quels circuits verra-t-on les Bleus cette saison ?
Pour l’instant, on ne parle pas de coupe du monde pour eux. On fixe bien les objectifs : ce sont les championnats du monde juniors. Après, ils vont osciller entre l’OPA Cup, la coupe continentale et la coupe du monde. On a planifié les choses comme ça.
- Comment s’est passée l’intégration du nouvel entraîneur David Jiroutek ?
Super bien ! David est quelqu’un de très ouvert, d’hyper chaleureux dans la plus pure culture tchèque. Cela s’est tout de suite très bien passé avec tout le monde, il y a eu une super accroche. Il s’éclate bien. Ça bosse dur mais un lien de complicité s’est très vite créé avec le reste du staff mais aussi les athlètes.
- Concernant les féminines, la coupe du monde de Lillehammer prévue début décembre a été reportée alors que les épreuves japonaises de Sapporo et Zao ont été annulées. La première coupe du monde est maintenant programmée à la mi-janvier, à Ljubno (Slovénie). Comment les sauteuses peuvent-elles rester motivées quand les rendez-vous, déjà pas nombreux, disparaissent les uns après les autres ?
Elles vont rester motivées, il n’y a pas le choix ! Maintenant, s’il n’y a pas de coupe du monde, on va faire bouger ce planning. Le week-end du 13 décembre, il y a une FIS Cup de prévue à Kandersteg [en Suisse, ndlr.] : on ira sur les autres circuits de compétition, s’il n’y a pas les coupes du monde.
L’idée de mettre un dossard n’est décalée que d’une semaine si on regarde bien : que ce soit en coupe du monde ou en coupe de la FIS, l’hiver sera lancé en décembre. J’ai tout de même bon espoir qu’au lieu d’attaquer le 22 janvier à Ljubno, on ait le report de Lillehammer début janvier. On va espérer que ce soit le cas mais on va s’adapter. On était prêts à cela.
« On pourrait avoir l’un des premiers tremplins enneigés d’Europe centrale »
- Julia Clair et Joséphine Pagnier ont montré de belles choses durant l’été au Grand Prix de Frenstat, en République Tchèque. Êtes-vous ambitieux pour elles cet hiver ?
Il faut aussi relativiser les choses : quand elles font quatre et cinq, tout le plateau n’est pas présent. Maintenant, dernièrement, elles évoluent avec un niveau plus élevé qu’auparavant. Elles sont plus performantes, mais quantifier c’est toujours compliqué. Avec le staff, on est lucide sur le fait qu’elles ont progressé et peuvent faire de belles choses.
Ça fait un bel été avec du chemin de parcouru et on peu imaginer le belles choses. Le top 10, il faut aller s’y faire sa place mais, aujourd’hui, ça peut être jouable si elles réussissent à reproduire leur niveau de l’été. Sur les objectifs enfin, elles auront forcément en point de mire les championnats du monde d’Oberstdorf.
- Les championnats du monde juniors se dérouleront tout de même à Lahti (Finlande). C’est une bonne nouvelle…
Enfin oui ! Comme me l’avait dit le directeur de course Sandro Pertile il y a un mois, ce sera un programme allégé mais condensé sur trois jours avec une compétition individuelle hommes et femmes ainsi qu’un concours mixte. Mais les choses évoluent tellement vite qu’on ne va pas se projeter trop loin pour le moment.
- Justement, quel est le programme des prochaines semaines ?
La semaine prochaine, les sauteurs seront de nouveau à Courchevel où la couturière est présente pour finaliser les combinaisons pour les compétitions. S’il fait un peu froid sur Prémanon, on pourra enneiger le tremplin pour pouvoir s’y rendre la semaine d’après. On est encore météo-dépendants mais on aurait, si tout se passe bien, l’un des premiers tremplins enneigés d’Europe centrale. Ce serait un vrai coup de pouce pour nous. On mise là-dessus.
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Photos : Nordic Focus et Studio2media | Marko Unger.