Derrière Julia Clair, leader de l’équipe de France féminine de saut à ski, la Doubiste Joséphine Pagnier, 19 ans en juin prochain, a une nouvelle fois passé des caps l’hiver dernier. Vice-championne du monde juniors à Lahti (Finlande) en février, elle a ensuite réalisé une fin de saison en boulet de canon à Chaikovsky (Russie), terminant à deux reprises dans le top 10.
Pour Nordic Magazine, la sauteuse de Chaux-Neuve (Doubs) a accepté de revenir sur les raisons de cette forme éclatante, sur ses aspirations futures et sur l’ambiance au sein d’une équipe de France réduite à trois éléments après la retraite de Lucile Morat. Entretien.
- Globalement, qu’avez-vous pensé de votre hiver ?
Je dirais qu’il est plutôt réussi parce que je suis fait plaisir tout au long de la saison. Je suis parvenue à remplir mes objectifs : je voulais être performante aux championnats du monde juniors, être entre vingtième et trentième au général et performer aux Mondiaux seniors d’Oberstdorf. Tout cela a été atteint. Je garde vraiment un bon souvenir de cette saison, tant sur les résultats que sur l’expérience acquise.
- En mars dernier, vous nous expliquiez espérer faire des coups lors de cette saison 2020/2021 : avec trois tops 10, l’objectif est-il rempli ?
Exactement ! Ces coups-là m’ont permis de me montrer que je n’étais pas loin du haut niveau et de me rendre compte de la petite marche qu’il me reste à franchir pour réaliser des plus gros coups.
« Je voulais mettre toutes les chances de mon côté »Joséphine Pagnier à Nordic Magazine
- Qu’avez-vous mis en place par rapport à l’année passée pour arriver à ce niveau ?
Il y a l’expérience accumulée mais j’ai également mis beaucoup de nouvelles choses en place cette saison. Sur la technique, on a revu énormément de choses avec mes entraîneurs parce que, sans ses changements, j’allais être limitée à long terme. Tout l’été, on a vraiment bossé, ce qui a fait que, parfois, c’était compliqué parce que je suis encore en train d’apprendre cette nouvelle technique. Il faut que j’adapte ma technique naturelle à celle-là. J’ai aussi changé de préparation physique et je suis un peu plus suivie pour les parties mentales et nutritionnelles. Je voulais mettre toutes les chances de mon côté.
- Quelles sont les ajustements que vous avez effectué sur la technique ?
J’avais beaucoup de mal avec ma position dans l’élan jusqu’à l’année passée. J’ai toujours eu du mal avec l’idée d’équilibre dans tout le saut, j’étais souvent beaucoup plus en avant, sur les orteils dans la trace. Quand il y avait beaucoup de vitesse, ça pouvait passer, mais, moins il y en a, et plus c’est difficile de sauter loin. Comme le niveau global chez les filles augmente, les barres baissent, comme la vitesse. Si j’avais utilisé cette technique cette saison, ça n’aurait pas du tout fonctionné. Mon démarrage était également un gros chantier. À long terme, quand toutes ses petites choses seront vraiment assimilées, ça deviendra un réflexe et mon saut paraîtra fluide.
« C’était vraiment beaucoup de satisfaction et ça montrait que ça avait valu de coup de mettre tant de choses en place »Joséphine Pagnier à Nordic Magazine
- Outre les quelques belles places que vous avez réalisé, il y a également, et c’est logique, eu du moins bon : comment pensez-vous pouvoir devenir plus régulière ?
Comme je le disais, en assimilant tous les changements effectués. Mais j’ai également d’autres axes à mettre au point pour l’hiver prochain. C’est en construisant que ça va venir, en continuant ce qui est bien et en corrigeant ce qui l’est moins.
- Si on vous dit que vous avez passé un cap cette saison, êtes-vous d’accord ?
Oui ! J’ai l’impression que je passe des petits caps chaque hiver. C’est ce qui est très motivant.
- Revenons à vos résultats : en février, vous devenez vice-championne du monde juniors à Lahti, en Finlande, remplissant un de vos objectifs. Était-ce une satisfaction ?
C’était vraiment beaucoup de satisfaction et ça montrait que ça avait valu de coup de mettre tant de choses en place. Sur place, il faisait tellement froid avec un ressenti à -27°C [rires] ! Sinon, je me sentais dans la meilleure forme de mon hiver, en capacité de m’amuser. Aborder la compétition comme cela m’a porté vers la médaille d’argent, ça m’a clairement aidé.
« J’ai l’impression qu’une carrière se construit, qu’il ne faut pas brûler les étapes »Joséphine Pagnier à Nordic Magazine
- Avec une seizième et une vingt-deuxième place, êtes-vous satisfaite de vos championnats du monde seniors d’Oberstdorf (Allemagne) ?
Je suis assez satisfaite du résultat global mais la semaine a été très éprouvante avec plein de choses qui me sont arrivées comme ma combinaison qui craque en qualification sur le petit tremplin. J’avais l’impression de tout donner à chaque saut et, ce que j’en ressors, c’est que j’ai voulu trop bien faire. Mes sauts étaient trop contrôlés sans fluidité.
- Après avoir participé aux Jeux olympiques de la jeunesse en 2020, avoir remporté une médaille aux Mondiaux juniors et pris le départ des championnats du monde seniors cet hiver, vous devriez être au départ des Jeux olympiques l’hiver prochain en Chine : est-ce une fin en soi pour vous ?
Comme tout le monde, c’est un rendez-vous auquel j’aimerais beaucoup participer et réussir. Mais je ne veux pas que ma carrière s’arrête là-dessus. J’ai une vision à long terme et je viserais peut-être plus les Jeux olympiques de 2026. J’ai l’impression qu’une carrière se construit, qu’il ne faut pas brûler les étapes.
« Il y a beaucoup de sacrifices à faire pour y arriver et tout le monde n’est pas prêt à les faire »Joséphine Pagnier à Nordic Magazine
- Vous vous retrouvez à trois dans le groupe France de saut à ski féminin après la retraite de Lucile Morat : comment le vivez-vous ?
Le haut niveau, c’est beaucoup d’exigence. Il faut savoir où on veut aller. Il y a beaucoup de sacrifices à faire pour y arriver et tout le monde n’est pas prêt à les faire. Comme on n’était déjà pas un grand groupe, ça se voit beaucoup lorsqu’une fille s’en va mais si on regarde en ski alpin ou en ski de fond, beaucoup de filles de mon âge arrêtent. C’est impressionnant.
- Il y a un an, vous déclariez ceci à Nordic Magazine : « Dans le groupe, on s’entend super bien toutes ensemble. Peut-être, d’ailleurs, qu’on s’entend trop bien. Parfois, ça mériterait qu’on soit un peu plus dans la compétition. » Est-ce toujours vrai ?
J’ai trouvé que c’était différent parce qu’on a été les quatre ensembles toute la saison, à la différence de l’hiver d’avant où Julia Clair était revenue de blessure seulement à l’automne. Avec Julia, j’ai l’impression qu’on a vraiment réussi à créer une dynamique de compétition à l’entraînement. C’était mieux.
« C’est facile de dire qu’on ne serait pas capables de voler »Joséphine Pagnier à Nordic Magazine
- Pensiez-vous que les sauteuses à ski allaient être autorisées à débuter en vol à ski dès la saison prochaine ?
Je pensais vraiment que ça allait se faire cette année avec Maren Lundby et la Norvège qui poussaient. Ce qui me dérange là-dedans, c’est que j’ai toujours l’impression qu’on est obligées de prouver pour obtenir des choses. Les combinés nordiques n’auront jamais à prouver qu’ils sont capables d’aller sur des tremplins géants pour faire du vol à ski. Qu’on y soit cette année ou l’année prochaine, ça ne change pas grand-chose. C’est plutôt ce principe que je trouve dommage. C’est facile de dire qu’on ne serait pas capables.
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