Saut à ski : les confidences de Joséphine Pagnier
Cet hiver, la sauteuse à ski française Joséphine Pagnier, vingt et un ans, a réalisé des prouesses. Vainqueure de deux concours en coupe du monde en décembre, à Lillehammer (Norvège) puis Engelberg (Suisse), elle a également porté le dossard jaune pendant plusieurs semaines avant de clôturer la saison au septième rang mondial.
Une nouvelle fois sacrée championne de France en fin d’hiver, Joséphine Pagnier – qui reprendra les entraînements physiques le 2 mai et le saut le 16 – a accepté de se replonger longuement sur ses derniers mois écoulés pour Nordic Magazine. Entretien.
- Vous sortez du meilleur hiver de votre carrière. On imagine qu’avec un petit peu de recul, vous avez le sourire en y repensant…
J’ai le sourire et surtout beaucoup d’émotions qui viennent quand je repense à ma saison ! C’était vraiment chouette, je suis contente d’avoir passé encore un petit palier cet hiver.
- Vous parlez de petit palier, mais ce que vous avez réalisé est tout de même magnifique, avec des podiums, des victoires et le dossard jaune. Vous semblez minimiser…
Je pense que les paliers les plus durs que j’ai pu passer, c’était au tout début de ma carrière, quand je suis entrée en coupe du monde et que j’y ai fait ma place en me professionnalisant. J’ai l’impression que, là, le palier que j’ai franchi, c’est plus de la confiance que du travail. Bien sûr qu’il faut travailler et que je travaillerai tout le temps, mais j’ai trouvé que ce mental était la chose qui avait le plus changé cette saison.
- Parvenez-vous à vous rendre compte de tout ce que vous avez réalisé ces derniers mois ?
C’est un truc de fou ! Cette saison, je ne partais pas du tout pour cela. J’aurais été très contente de faire un podium. Là, ça a payé d’entrée d’hiver. C’était cool et cela m’a permis d’avoir le dossard jaune et de ressentir ce que ça faisait, entre guillemets, de jouer le général. J’étais donc vraiment contente de cela, c’est quelque chose qui va beaucoup me servir pour la suite !
- Concernant ce dossard jaune, arriviez-vous à faire la part des choses lorsque vous le portiez ?
Sur les premières compétitions où j’ai porté ce dossard, cela ne m’a pas fait grand-chose parce qu’on était dans le rythme. En revanche, on a eu une semaine de pause lors de laquelle j’ai pris de la hauteur… J’ai passé Noël avec mon dossard jaune ! Je me suis dit que j’étais la numéro une mondiale. C’était tout bizarre et je n’y croyais pas trop. Après cela, je me suis donc mise un peu trop de pression toute seule.
- Durant ce mois de décembre où vous enchainiez les performances remarquables, vous sentiez-vous sur un nuage ?
Je savais pourquoi j’arrivais à ce niveau et je sais comment j’y suis parvenue. Tout roulait, c’était naturel. Malheureusement, en revanche, je dormais très peu parce que j’avais l’impression que c’était un rêve. Dès que je fermais les yeux, j’étais comme une dingue et j’avais envie que ça continue même la nuit [rires] ! C’est aussi un apprentissage de plus de se dire qu’il faut se calmer quand ça arrive. Après, cela vaut le coup de vivre ces moments-là !
- Qu’est-ce qui a fait, qu’ensuite, cela s’est avéré plus compliqué pour vous à partir du début du mois de janvier ?
Comme je le disais avant, je pense que je me suis mise plus de pression. Après, j’ai fait de très bonnes choses aux entraînements et en qualifications, en en gagnant pas mal cette saison. Ce sont des choses, jusque-là, que je n’avais pas encore fait. C’est ce qui faisait que j’avais encore plus envie d’aller chercher un résultat sur les concours. Maintenant, je sais très bien que si je fais les choses pleinement, je suis devant. A cette période, j’ai essayé d’aller chercher des résultats au lieu de juste faire les choses. Ensuite, c’était mieux sur la fin de saison et j’étais à deux doigts de remonter sur le podium sur les deux concours d’Hinzenbach !
- Durant l’hiver, vous nous aviez confié ne pas regarder votre classement général. Comment avez-vous réagi en apprenant votre septième rang final ?
Je trouve ça énorme ! Je savais que j’étais dans les dix, mais pas du tout où je me situais… Ce qui m’impressionne le plus, c’est de voir que seulement six filles ont été plus fortes que moi sur toute la saison ! C’est un sentiment de joie.
- Revenons sur votre passe compliquée traversée au cœur de l’hiver. Etait-ce difficile à digérer et à vivre ?
J’ai été au top un mois sur vingt ans de vie [rires] ! Ce n’est pas comme si j’avais enchaîné trois saisons au top et qu’il y avait eu un gros down ensuite… Ce qui était compliqué, c’est surtout que je me trompais de stratégie en repartant dans des schémas que j’ai déjà connus. En revanche, je me rendais bien compte de la valeur d’une dixième ou d’une quinzième place. J’étais en paix avec cela !
- On imagine que Damien Maitre, votre coach, a joué un gros rôle dans votre retour en forme après cette période…
Oh oui [rires] ! On a eu l’annulation de Rasnov dans le milieu de saison. Je dirais que, sans ça, ma fin de saison allait être de plus en plus compliquée. A ce moment-là, on a tout reposé avec Damien [Maitre], je me suis entraînée à Courchevel tant sur la partie saut que dans l’état d’esprit. Il fallait que je reste moi-même, sans chercher à être meilleure que je ne le suis et que j’arrête de me comparer aux autres. Heureusement que Damien [Maitre] était là pour me remettre sur la route !
- Vous avez aussi participé au concours de vol à ski de Vikersund en fin d’hiver, votre deuxième expérience sur ce tremplin géant. Comment l’avez-vous vécu ?
C’était encore un petit peu compliqué, mais j’y vais étape par étape. Déjà, cela s’est mieux passé que l’année dernière, avec un record porté à 181 mètres. Je suis un petit peu déçue de ne pas être aux 200 mètres, mais cela me donne de la marge pour le futur !
- Sur l’hiver tout entier, qu’est-ce qui vous réjouit le plus ?
C’est ma première victoire et avoir le maillot jaune sur cette même journée ! Je pense que, pour le moment, c’est le plus beau jour de ma vie. C’est fou, ce n’est que du sport, mais ça provoque tellement d’émotions… J’ai encore des frissons rien que d’y repenser !
- Dorénavant, faites-vous du classement général un objectif clair ?
Je laisse cela de côté, tout simplement parce que je suis encore très jeune par rapport aux autres filles. Je me vois durer dans le temps et je pense que, si je mets une pression de malade tant sur mes entraînements que sur mes compétitions, je n’arriverais pas à être performante. J’ai une petite voix qui me dit que je jouerais le général dans le futur, mais je ne crois pas que ce soit la solution d’aller le chercher en l’annonçant haut et fort. Après, je promets que je vais tout faire pour essayer d’y arriver… mais sans l’avoir en tête H24, cela me tuerait. Il ne faut pas que ce soit une obsession.
- Grâce à vos excellents résultats, vous avez mis en lumière le saut à ski. Comment avez-vous vécu cette médiatisation soudaine ?
C’était marrant parce que la question qui revenait tout le temps, c’était de savoir ce qui avait changé pour moi. J’avais envie de répondre que c’étaient les journalistes et les sollicitations, parce que personne ne venait avant [rires] ! C’était assez fou parce qu’il y avait tout le temps des appels et Damien [Maitre] devait caler les rendez-vous. C’était sympa de voir cela et que ça fait partie du job. Il faut apprendre à le gérer parce que ça peut mettre une certaine pression.
A lire aussi
- Lillehammer : exceptionnelle Joséphine Pagnier, deuxième du premier concours de l’hiver
- Joséphine Pagnier revient sur son podium décroché en coupe du monde à Lillehammer : « J’ai fait simple sans essayer d’être quelqu’un d’autre »
- Lillehammer : sur son petit nuage, Joséphine Pagnier gagne son premier concours en coupe du monde et prend le dossard jaune
- En gagnant à Lillehammer, Joséphine Pagnier entre dans l’histoire du saut à ski français
- « Quand j’ai atterri, je savais au fond de moi que j’avais gagné » : Joséphine Pagnier raconte à Nordic Magazine son jour de gloire
- « C’est juste un maillot avec une autre couleur que les autres… et rien de plus » : comment Joséphine Pagnier aborde ses grands débuts en coupe du monde avec le dossard jaune
- Engelberg : dossard jaune sur le dos, Joséphine Pagnier gagne la qualification
- Joséphine Pagnier, avec le maillot jaune, gagne le premier concours d’Engelberg
- « Je ne pense pas être dans un état de grâce » : Joséphine Pagnier raconte à Nordic Magazine sa victoire à Engelberg avec le dossard jaune
- Engelberg : Joséphine Pagnier au pied du podium du deuxième concours
- Villach : Nika Prevc gagne encore, Joséphine Pagnier perd son dossard jaune
- Hinzenbach : quatrième victoire de l’hiver pour Eva Pinkelnig, Joséphine Pagnier retrouve le sourire à la sixième place
- Hinzenbach : Joséphine Pagnier quatrième à un souffle du podium
- Trondheim : Eirin Maria Kvandal gagne juste devant Eva Pinkelnig et Nika Kriznar, Joséphine Pagnier huitième pour son 100e départ en coupe du monde
- Vikersund : Joséphine Pagnier parmi les pionnières à participer aux premières coupes du monde féminines de vol à ski de l’histoire
- Joséphine Pagnier de retour au vol à ski un an après ses premiers sauts à Vikersund : « Je suis sûre que je peux faire mieux »
- Vikersund : la victoire et le Raw Air pour Eirin Maria Kvandal, Silje Opseth bat le record du monde, Nika Prevc s’assure le gros globe, record de France pour Joséphine Pagnier
- Courchevel : Joséphine Pagnier et Jules Chervet champions de France
Les cinq dernières infos
- Combiné nordique : deux côtes cassées pour Laurent Muhlethaler
- Biathlon : Anaïs Bescond se confie sur sa nouvelle vie dans le rôle de coach
- Biathlon | Retour sur neige : l’album photo de l’équipe de France féminine sur les skis de fond à Ramsau
- Biathlon | World Team Challenge : Ingrid Landmark Tandrevold et Sturla Holm Lægreid une nouvelle fois rivaux des Français Julia Simon et Fabien Claude
- Biathlon : Lisa Vittozzi élue athlète italienne de l’année par la FISI