Ryoyu Kobayashi, jeune homme de son siècle
Dimanche, à Zhangjiakou (Chine), Ryoyu Kobayashi a été sacré champion olympique sur petit tremplin. Depuis 1998, aucun Japonais n’avait été titré. C’est dire que son exploit n’est pas passé inaperçu. A Nagano, Kazuyoshi Funaki avait toutefois triomphé sur grand tremplin. Aussi le jeune homme de 25 ans succède-t-il plutôt à Yukio Kasay qui, à Sapporo il y a 50 ans, avait dominé la planète du saut à ski sur la même épreuve.
Avec une médaille d’or autour du cou, le Nippon sait que sa vie va radicalement changer. « La réalité, c’est que personne ne fait attention à vous si vous ne gagnez pas aux Jeux olympiques », a-t-il récemment déclaré à Sportiva. A Pyeongchang (Corée du Sud), il y a quatre ans, il avait acquis de l’expérience. En Chine, il était venu pour réussir de belles choses lors d’une saison où il a déjà gagné la Tournée des Quatre Tremplins.
Que sait-on de cet athlète au visage juvénile, 60 kg pour 1,73 m, que l’on pourrait croiser à la sortie d’un club branché fréquenté par la jeunesse dorée tokyoïte ? Peu de choses en vérité. Le frère de Junshiro et Yuka, eux aussi sauteurs, fils d’un moniteur de ski, aime faire du shopping sur Internet, jouer aux jeux vidéo, conduire des voitures de luxe – une Jaguar – et, à l’occasion, se prendre, aux commandes de ses platines, pour David Guetta et autre DJ Nobu, maestro de la techno nipponne. Sur les réseaux sociaux, il exhibe sa collection de sneakers, ses montres de luxe, ses parties de golf… et son corps de sportif.
Mais celui que l’on surnomme « Roy » n’est pas tombé du ciel. Il s’inscrit dans une tradition qui débute en 1972. Avant, le saut à ski ne représente pas grand-chose au pays du Soleil Levant. Certes, quelques athlètes se hasardent à lancer leur corps frêle dans le vide, mais sans grands résultats au niveau international. C’est donc à l’occasion des Jeux olympiques de Sapporo que ce sport prend son envol dans l’archipel. Au bas du petit tremplin olympique, c’est même la folie. En fait, tout le monde veut admirer l’équipe nationale emmenée par Yukio Kasaya.
L’escadron Hinomaru fait un tabac sur le tremplin de 70 mètres : Kasaya décroche l’or, devant Akitsugu Konno et Seiji Aochi.
L’engouement est alors tel que pas moins d’une quinzaine de tremplins sont construits ou rénovés dans la foulée. À Tokyo, un équipement temporaire est même édifié dans un parc d’attractions, le Yomiuri Land, en 1973. Et la récolte se poursuit : médaille d’argent pour Hirokazu Yagi à Lake Placid en 1980, médaille d’or aux Mondiaux de Thunder Bay, en 1995, pour Takanobu Okabe.
C’est en 1998, à Nagano, que le trio Masahiko Harada, Noriaki Kasai et Kazuyoshi Funaki prend la relève de cette génération. Ce dernier devient carrément un héros éternel en décrochant l’or olympique sur le grand tremplin. Avec Okabe, Saito et Harada, il réussit même le doublé puisque le Japon gagne aussi l’épreuve par équipes.
Avant cela, il a été le premier Japonais à gagner la Tournée. Comme l’écrivait à l’époque le journaliste Alain Mercier dans Libération, « le souvenir de Funaki suffira à prolonger, ces vingt ou trente prochaines années, la tradition des sauteurs japonais ».
Ryoyu Kobayashi est leur héritier. « Enormément de pratiquants, beaucoup d’installations et des sauteurs très charismatiques, par leur style mais surtout par leur engagement. Kobayashi est dans cette lignée de sauteurs “kamikazes” : il est très agressif, saute avec beaucoup de vitesse ». C’est ainsi que le Suisse Sylvain Freiholz décrivait l’école japonaise dans Le Temps en 2019.
Il est aussi devenu en 2019 le premier Japonais à remporter le classement général de la coupe du monde.
En Chine, il n’a pas fini d’écrire sa légende. Sur grand tremplin (finale le 12) et au concours par équipes (le 14), il peut encore briller, tout comme sur la toute nouvelle épreuve par équipes mixtes (le 7). Associé à Sara Takanashi, il aura également de réelles chances d’enrichir sa collection de médailles.
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