BIATHLON – Depuis 2011, Nordic Magazine publie, dans chacun de ses numéros, un long portrait consacré à un athlète. C’est à chaque fois l’occasion de mieux connaître celle ou celui dont on admire les exploits. Retrouvez ici l’article qui évoquait, en juin 2013, Simon Desthieux.
L’hiver dernier, Simon Desthieux a découvert un monde nouveau. À 20 ans, le biathlète de l’Ain a participé à ses premières étapes de coupe du monde où évolue l’élite mondiale, dont le Français Martin Fourcade [lire Nordic Magazine n#5]. La première fois, c’était en novembre, à Östersund, en Suède. Le Jurassien Stéphane Bouthiaux, entraîneur de l’équipe de France A, avait appelé le garçon du ski-club de Lompnes pour le prévenir de sa sélection, quelques jours après une compétition où il s’était distingué à Arçon, dans le Haut-Doubs. « J’étais vraiment impatient d’y aller », concède-t-il, d’autant qu’à la fin de la saison précédente, il avait espéré être du voyage.
La voix posée, le jeune homme se remémore dans quel état d’esprit il a pris le départ : « Je me suis rappelé le chemin parcouru. » Chaque année, il a gravi une marche. Consciencieusement. « Il aborde les choses toujours d’une manière réfléchie, que ce soit dans le biathlon ou dans la vie de tous les jours », confie son frère Étienne. La première année, c’est-à-dire en 2011, il a obtenu un titre de champion du monde juniors à Nove Mesto (République Tchèque). L’année suivante, il a évolué en IBU Cup. Désormais, c’est à l’étage supérieur qu’il se situe, aux côtés des meilleurs tricolores (les frères Fourcade, Alexis Bœuf et Jean-Guillaume Béatrix). « Nous ne l’aidons pas, car ce n’est pas facile de faire sa place avec quatre gros caractères, note Martin Fourcade. Mais il a su s’imposer dans le groupe. »
Simon Desthieux, le discret, a d’autant plus de mérite qu’il navigue entre deux eaux. Le cinquième homme ? « Je ne me considère pas comme tel », corrige-t-il, avant de préciser : « Il y a un immense fossé entre Martin, qui monte systématiquement sur le podium, les autres qui sont tout le temps dans le top 10 mondial, et moi. Je me considère encore en dehors du groupe. »
Un positionnement qui lui convient. Spectateur privilégié, il n’a pas à gérer une confrontation directe, « mais beaucoup à apprendre d’eux. » Simon Desthieux engrange de l’expérience comme le paysan du Retord du foin pour la mauvaise saison. Ce statut l’éloigne malgré tout un peu du groupe B auquel il appartient. « Simon est quelqu’un de très talentueux, travailleur et déjà très professionnel. Il sait où il veut aller sans pour autant être caractériel ou hautain. Il est très simple et on sait qu’on peut compter sur lui », décrit l’un de ses coéquipiers, Rémi Borgeot.
« Je suis content d’avoir pu faire toute la saison sur le circuit de la coupe du monde, concède l’intéressé. En termes de résultats, c’est correct. » Dans sa bouche, n’y voyez qu’un constat et non un satisfecit. « Je n’ai pas passé un cap », admet-il. Physiquement, sur le pas de tir, dans la gestion du stress : « Je me convaincs que c’est une course comme une autre. C’est ainsi que je m’enlève un peu de pression. J’en ai besoin, car je suis plutôt quelqu’un de stressé dans la vie de tous les jours. » « Réaliser une saison complète en coupe du monde n’est pas chose facile et cela lui servira pour la suite », encourage le numéro un mondial.
« Je suis quelqu’un de sérieux dans ce que je fais, et de méthodique. Après, j’ai l’impression que le travail paie au fur et à mesure », observe l’étudiant en BTS gestion forestière par correspondance. Il lui faut aussi des repères pour gagner en assurance. En sérénité, aussi : « Je n’ai pas forcément confiance en moi. D’hiver en hiver, j’apprends à me connaître », confesse-t-il. Le biathlon comme révélateur chimique.
Dans la lignée
Simon Desthieux est né sur une terre où le biathlon est enraciné jusqu’à la roche. L’envie de pratiquer ce sport mêlant le ski de fond et le tir à la carabine avait les yeux grands ouverts devant le téléviseur familial, à admirer les exploits d’une voisine championne du monde et médaillée olympique, Sandrine Bailly, qui habitait Ruffieu, à douze kilomètres. Il y avait aussi le grand frère, Baptiste, aujourd’hui entraîneur de l’équipe de France féminine B.
Le jeune garçon, qui skie avec l’école chaque semaine de l’hiver, s’essaie rapidement au tir à plomb. « Après la troisième, je pouvais aller au lycée Xavier-Bichat de Nantua où il y a une section sportive biathlon. J’ai choisi de rejoindre le lycée agricole de la Motte Servolex, en Savoie, pour préparer un Bac sciences et technologies de l’agronomie et du vivant (STAV). En seconde, je n’étais pas inscrit en section ski. L’année a été difficile, je n’avais pas d’emploi du temps aménagé pour m’entraîner. » Mais Simon Desthieux s’accroche.
Olivier Niogret, le frère de Corinne, grande figure du biathlon dans l’Ain, le soutient. Il lui donne une première chance, puis une seconde. « Il n’oublie pas d’où il vient et revient régulièrement côtoyer les plus jeunes athlètes du comité régional quand il est de retour entre deux stages de la FFS », apprécie aujourd’hui l’entraîneur de l’équipe de biathlon du comité du Lyonnais, lui aussi ex-champion du monde juniors.
Rêve de Sotchi
Dans les Bauges, Simon Desthieux croise Jean-Pierre Amat. Avec le médaillé d’or du tir à la carabine aux JO d’Atlanta, il effectue quelques séances. « Jean-Pierre m’a beaucoup conseillé, il m’a aidé à progresser en tir debout. » Talon d’Achille de l’athlète qui souffrait d’irrégularité.
À l’étage supérieur, il y a maintenant pour Simon Desthieux les Jeux olympiques en Russie. « J’espère y aller. » Pour y jouer un vrai rôle, comme l’a bien compris Martin Fourcade : « Je sais qu’il ne veut pas de la place du remplaçant. » « Quand je suis allé à Sotchi, l’hiver dernier, j’ai été étonné par l’ambiance. » Un « quelque chose de différent entre les athlètes » dont il aimerait bien s’imprégner.
Cet article est paru dans Nordic Magazine #9 (juin 2013)
Photos : Nordic Focus Photo Agency.