Adrien Backscheider : ce que sera sa nouvelle vie
A même pas 30 ans, le fondeur vosgien a annoncé ce jour qu’il mettra un terme à sa carrière à haut niveau à la fin de l’hiver pour se lancer dans de nouveaux projets, proches de la nature. Adrien Backscheider quitte la scène avec un palmarès éloquent : trois médailles de bronze en relais (Mondiaux 2015 de Falun et 2019 de Seefeld et Jeux olympiques de Pyeongchang en 2018) et aussi un titre mondial chez les espoirs en skiathlon en 2014. Le Messin, licencié au club de ski nordique de Gérardmer, aura pris le départ de 116 épreuves individuelles de coupe du monde. Il a réservé ses premières impressions de futur retraité à Nordic Magazine.
- Vous êtes encore jeune (il aura 30 ans le 7 août, ndlr). Pourquoi arrêter si tôt votre carrière ?
Depuis deux ou trois saisons, je m’interrogeais sur mes motivations à continuer. A la reprise en mai 2021, j’ai annoncé à mon entraîneur que ce serait ma dernière saison. J’ai toujours été curieux. Je m’intéresse à d’autres choses que le ski. Entre 2010 et 2014, j’étais seul à Prémanon (Jura). Hormis mes études, je ne faisais que du ski. Puis j’ai acheté une maison aux Rousses (Jura) que j’ai entièrement rénovée. J’ai appris plein de choses et eu l’impression de découvrir la vie. Depuis 2014, il y a eu des hauts et des bas dans ma carrière. En 2015, ça allait encore, mais en 2016 et 2017, j’étais au fond du seau. Cyril Burdet (l’entraîneur des sprinteurs) m’a pris dans son groupe et redonné le goût d’aller aux Jeux olympiques. Après 2018 et 2019, je suis retombé dans mes travers. J’ai été rattrapé par ma curiosité. J’en ai eu marre de tout faire à moitié : famille, travaux, ski… Cela ne me correspondait plus. Cette saison, j’avais décidé de me concentrer sur le ski et, dès ce printemps, je lance ce dont j’ai toujours rêvé.
- Allez-vous revenir vous installer dans les Vosges ?
Oui. On a acheté une vieille bâtisse à rénover avec Manon (son épouse) dans le massif du Fossard. C’est un endroit mystérieux, entre Epinal et Remiremont, comme on aime. Il n’y a pas de voisins aux alentours. On veut y développer un projet en lien avec l’agriculture. On ne se fixera pas tout de suite dans les Vosges. On y passera l’été et on retournera dans le Jura, où Manon est institutrice et mon fils scolarisé, pour l’hiver. On fera les choses petit à petit et selon nos envies. Mon printemps s’annonce chargé. Là, ce sont des vacances par rapport à ce qui m’attend ! Je vais débuter une formation sur l’autonomie en énergie. J’aurais des sessions de plusieurs semaines en Bretagne. Je vais aussi passer un CAP charpente à Remiremont.
- Malgré votre palmarès éloquent, vous avez toujours paru en décalage avec le milieu du ski de fond ?
J’ai adoré faire du ski de fond mais, désormais, je veux prendre mon temps et tous nos projets de rénovation me motivent. Trouver la ferme de nos rêves dans les Vosges a été l’élément déclencheur. Cela va aussi nous rapprocher en partie de nos familles et de nos amis. Ma décision d’arrêter remonte à mai et je n’ai jamais eu la tentation de revenir dessus. A l’automne, j’ai prévenu Manon que je ne savais pas si j’allais faire beaucoup de courses. Je ne sentais pas la niaque nécessaire. Je me suis accroché et cela a fait quelques belles choses. Mais avec tout ce dont j’ai envie, je n’arriverai plus à faire les efforts nécessaires pour le sport de haut niveau. Dans nos vies, on n’a jamais attendu pour faire les choses. Maintenant, c’est le meilleur moment pour arrêter. J’ai profité de chaque moment de cette saison en sachant que c’étaient mes dernières fois.
- En vous lançant sur le circuit international, imaginiez-vous obtenir un tel palmarès ?
Je n’ai jamais visé tel ou tel résultat. Je suis ambitieux, mais en débutant le ski de fond, je cherchais simplement à aller le plus loin possible. Pour moi, être champion du monde, c’est un faux rêve. Cela ne veut rien dire. Plus que les titres et les médailles, ce qui compte c’est l’expérience et les moments vécus. Je n’ai jamais accordé trop d’importance aux résultats. Peut-être est-ce pour cela que j’ai loupé plein d’autres choses. En partant de Metz pour faire du ski de fond, j’étais déjà content d’être sélectionné pour les courses régionales, puis nationales ! (rires.) J’ai eu des moments de joies et des déceptions. Je me suis accroché et eu la chance de vivre de belles choses. Plein d’athlètes auraient pu être à ma place, mais à chaque fois, j’ai réussi à m’en sortir. J’ai disputé ma première coupe du monde à La Clusaz en janvier 2013. Cela fait presque dix ans de coupe du monde et plus de quinze ans que je m’investis dans le ski de haut niveau. Je n’ai plus la motivation pour continuer à fond. Je ne pense pas avoir de larmes. Je suis déjà projeté vers autre chose. Le ski, c’est une vie géniale. J’ai fait un chemin énorme pour un petit gars de Metz. Je n’ai aucun regret.
- Si vous ne deviez retenir qu’un moment fort de votre carrière, lequel serait-ce ?
(Il réfléchit) Je ne sais même pas si c’est l’une de mes médailles en relais ! Cela a toujours été des moments énormes, mais désormais je prends plus de plaisir à voir mes coéquipiers faire des médailles que moi-même. Je n’ai aucun souvenir de mes journées de médailles. Ce sont des journées où on est toujours à fond : le stress, la course, l’émotion et tout le marathon derrière… J’ai plus profité lors du relais d’Oberstorf (aux Mondiaux 2021 en Allemagne, Hugo Lapalus, Maurice Manificat, Clément Parisse et Jules Lapierre avaient décroché la médaille de bronze, ndlr). C’était monumental ! La journée sous la neige à Pékin cette année pour la médaille (aux JO 2022, Richard Jouve, Hugo Lapalus, Clément Parisse et Maurice Manificat sont montés sur la troisième marche du podium, ndlr), j’en ai plus profité que ma propre médaille à Pyeongchang il y a quatre ans. Ce que j’ai vraiment aimé, c’est l’année 2014 avec Toz‘ (Vincent Vittoz) quand on obtient six médailles aux Mondiaux espoirs de Val di Fiemme (Italie). Avant, dès qu’un Français faisait un top 10, les Mondiaux étaient réussis. C’est mon premier gros souvenir et peut-être le meilleur. Mes parents étaient présents, ainsi que tous ceux des copains de l’équipe. Ce sont des moments qui restent simples. A l’inverse, les Jeux ne m’ont jamais mis d’étoiles dans les yeux. Ils sont hyper-sécurisés. Ce n’est pas là où tu profites le plus. Tu perds le côté naturel. Le ski de fond doit rester simple. C’est aussi ce que j’aime sur les courses populaires. Des athlètes de très haut niveau y côtoient des amateurs. C’est le vrai milieu du ski de fond et j’aimerais faire de belles courses populaires l’hiver prochain.
- Quelle sera votre dernière course en tant qu’athlète de haut niveau ?
Les championnats de France des longues distances aux Glières les 9 et 10 avril. Avant, il y aura les championnats de France des clubs à La Bresse, dans les Vosges, ce dimanche. Ce sera une grosse étape. Mes premiers « France » des clubs, c’était déjà à La Bresse en 2006. Il y aura aussi les championnats de France à Prémanon entre les deux.
- Avec votre expérience, on vous imagine déjà encadrer les fondeurs du massif vosgien…
L’un de mes rêves a toujours été d’entraîner dans mon club (le SN Gérardmer). J’ai déjà des propositions de mon club et pour la section sportive à Gérardmer. Je vais y réfléchir. Si j’arrête le ski, c’est pour avoir du temps sans les contraintes du haut niveau. Je ne vais pas me lancer tout de suite dans un tel projet, même si j’adorerais. Avec Manon, nos objectifs tournent autour de l’agriculture, du sport plaisir, de l’encadrement, de l’environnement et de l’éducation de nos enfants (Emile, 4 ans, et Jeanne, 2 ans). Si on se lance dans tous ces projets en même temps, cela n’ira pas. On va déjà ralentir et prendre le temps de bien faire les choses. Toutes les rencontres qu’on n’a pas pu honorer correctement lors de ma carrière avec les contraintes des compétitions, des déplacements et des entraînements, on va le faire maintenant. Notre programme est déjà bien chargé !
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