Ski de fond : une médaille, des top 10 et beaucoup d’envie
Alexandre Rousselet est l’entraîneur des distanceurs de l’équipe de France de ski de fond. Pour Nordic Magazine, il passe en revue les différentes courses des Jeux olympiques de Pékin 2022. Il dresse un bilan global à chaud et se projette sur les prochains rendez-vous de l’hiver.
- Pour commencer, un mot sur la dernière course des Jeux olympiques pour vos troupes. Êtes-vous satisfait du 30 km skate de Delphine Claudel disputé dimanche sur le site de Zhangjiakou ?
D’abord, essayer de jouer la médaille comme cela, c’est bien. Quand Therese Johaug est partie, la crainte était que Delphine s’expose un peu après. Dommage d’ailleurs qu’Ebba Andersson, qui s’est retrouvée seule aussi, ne l’ait pas attendue. Elles se seraient mises les deux, seraient allées chercher ensemble le bronze pour l’une des deux, et même pourquoi pas rejoindre Diggins. C’est comme cela, c’est la course. Il en manquait peut-être un peu sur la fin, mais Delphine a tout donné, elle a essayé, c’est d’ailleurs ce qu’il faut faire aux Jeux si l’on veut une médaille. Elle peut être fière d’elle. Encore un top 7 aux Jeux, c’est très fort. Et puis elle aurait regretté si elle n’était pas partie au début.
- À la fin de ces Jeux olympiques, diriez-vous que l’équipe de France a bien préparé son affaire avant de venir en Chine ?
Je suis vraiment satisfait. Déjà, en effet, pour ce qui est de la façon dont on a abordé les Jeux, de la préparation jusqu’à la fin, d’un point de vue physique et mental. Si l’on regarde en arrière, le mois de janvier a tout de même été particulier. Avec l’annulation de l’étape de coupe du monde aux Rousses, nous n’avons pas couru. On a tout de même bien réussi à se mobiliser lors du stage aux Saisies. Celui-ci a très bien lancé les Jeux grâce aux pistes, à l’altitude, aux conditions dans lesquelles on a été accueillis. Je suis aussi satisfait de la façon dont on a géré le décalage horaire et le froid, deux contraintes importantes ici. Sur ces questions, j’ai fait appel à des spécialistes de l’armée, ils nous ont donnés de très bons conseils. Dès lors, nous sommes arrivés en Chine avec la sérénité d’avoir bien préparé les choses. Bien sûr, le contexte lié à la Covid-19 a pesé, c’était une épée de Damoclès que l’on avait au-dessus de la tête, il déterminait si on allait pouvoir courir ou pas. Mais, une fois que l’on a été dans la bulle, tout s’est allégé.
- Quel bilan sportif dressez-vous en ce dernier jour de compétition ? Passons les courses les unes après les autres. Que retenir du skiathlon ?
Pour le skiathlon, je suis content de la performance de Clément [Parisse] et de Jules [Lapierre], à qui on a fait confiance pour les Jeux malgré des courses pas idéales sur le début de la saison. Mais je sais qu’il répond présent dans les événements. J’ai été un peu déçu du classique de Clément [Parisse]. Je le voyais vraiment très fort. Je le sentais monter en puissance. Il a tout de même tenu la course, il était vraiment bien. Globalement, il signe des beaux Jeux. Pour Hugo [Lapalus], on doit encore travailler pour qu’il tienne la distance. Il s’est battu avec les tout meilleurs pendant longtemps. Sur le 15 km, on a vu qu’il avait encore progressé en classique. J’espère qu’il va continuer ainsi. Dans son année d’âge, c’est le plus fort. Il a aussi la capacité à gérer les grands événements.
- Comment avez-vous vécu la prestation des sprinteurs ?
Le sprint a été dur pour nous tous. Nous n’avons aucun regret à avoir. Les gars étaient vraiment prêts, ils ont fait le job. Parfois, les planètes ne s’alignent pas.
- Heureusement, la France a conservé sa médaille de bronze sur le relais.
Je suis satisfait de cette médaille, mais j’ai quand même toujours une petite frustration. En vingt ans, c’est la première fois qu’on avait quatre skieurs capables de décrocher l’argent et même, peut-être, pourquoi pas l’or. Sergey Ustiugov était prenable sur la fin si l’on avait pu combler petit à petit l’écart à chaque fois. Je voudrais que cette course nous serve et qu’on aille chercher un jour le titre. Le ski de fond français le mérite.
On est quand même la troisième nation mondiale. Il y a les Russes, les Norvégiens et nous. On l’a encore vu sur le 30 km de samedi. C’est gratifiant, mais rien n’est jamais acquis. On se bat tous, coureurs, staff, techniciens, kinésithérapeutes, chauffeurs du camion et autres, pour qu’on en soit là. Si nous n’avions pas obtenu cette médaille, nous aurions été déçus.
- Le relais est résolument dans l’ADN des Bleus, dites-vous souvent.
Quand j’étais athlète, les relais me galvanisaient. La motivation que j’ai à être coach, elle est dans ces moments collectifs. À force d’être dans l’histoire de notre discipline, on montre aussi dans les clubs, dans les comités, qu’en ski de fond, on peut faire de grandes choses collectivement. De cela, je suis très fier.
- À Milan, en 2026, on recommence alors ?
[Rires] Le problème des séries, c’est qu’on a l’impression que ça vient tout seul, comme ça. Avant, il y a de beaux championnats du monde, à Planica et puis Trondheim. Val Di Fiemme, où se dérouleront nos courses, n’a pas toujours été un site qui nous a souri. Mais on y progresse. Quand on y va, on n’a plus du tout d’appréhension. Et il nous faudra viser encore plus, d’autant plus que, dans d’autres nations, de jeunes équipes deviennent de plus en plus fortes. Les années à venir vont être très intéressantes.
- Une nouvelle fois, ces Jeux ont montré la suprématie des Norvégiens et des Russes. Frustant ? Lassant ?
Oui. Mais on voit de temps en temps qu’on arrive à les faire grimacer, à passer devant eux. Notre budget n’a rien à avoir avec le leur, mais on reste des outsiders. Il faut aussi être lucide sur la différence de niveau entre eux et nous. Mais on travaille tous les jours pour que celle-ci diminue.
- C’est une belle motivation, non ?
Oui. Après le relais, les médias étrangers nous félicitaient parce que nous étions heureux de notre médaille. Ils voient notre esprit d’équipe. Des fois, ils nous l’envient un peu. Nos confrères coachs savent que c’est un point sur lequel on bosse fort. C’est aussi parce que c’est dur pour nous de nous imposer individuellement qu’on est aussi euphorique quand ça fonctionne collectivement. C’est comme si nous, petite équipe, on faisait du mal au Real ou au PSG.
- Individuellement, ce n’est tout de même pas passé très loin non plus.
Après, je connais nos atouts et nos faiblesses. Des pistes très dures comme ici, à haute altitude, c’est plutôt à notre avantage, si l’on met les Russes de côté. On a des lacunes sur les finishs, sur les descentes, les courses plus faciles… Je veux que l’on progresse encore, même si on a déjà bien et beaucoup travaillé.
- Comptablement, vous rentrez avec moins de médailles qu’à Pyeongchang. Est-ce que ce sont tout de même des Jeux réussis selon vous ?
Oui. En tant que coach, j’ai des athlètes qui sont arrivés prêts physiquement. Ils ont encore élevé leur niveau sur les Jeux, se sont battus comme des lions pour faire une médaille. Après, au niveau comptable, il manque une médaille au sprint, peut-être deux avec le team sprint. Dans le 50 km qui s’est transformé en 30 km, Clément a fait une super course. Il pouvait terminer à la quatrième place avec un peu plus de réussite sur les descentes et à la fin. Mais il faut être lucide, les Russes étaient intouchables, comme les Norvégiens l’an dernier à Oberstdorf.
Moi, j’en tire quand même un bon bilan si on fait le total des top 10 et top 15 qu’on a fait par rapport aux autres nations (Allemands, Italiens, Suédois…). On est là. Il ne faut pas dénigrer cela.
- Avec Iivo Niskanen, Joni Mäki et Perttu Hyvärinen, la Finlande n’est pas loin.
Vous citez trois noms. On a de la chance qu’ils ne soient que trois. Ils ont été très forts aussi, c’est vrai. Mais nous, on a quand même quatre voire cinq skieurs. Avec les Russes et les Norvégiens, on est les seuls à bénéficier d’un tel effectif. J’ai donc plus de liberté pour composer les relais. On se bat avec nos armes.
- Niskanen a, il est vrai, été exceptionnel.
Mais quand on skie, comme Hugo [Lapalus] avec lui, ou quand on est derrière Alexander Bolshunov, on progresse. Quand Clément bat Holund, se frotte à Krueger et Roethe, il a affaire à des références en skate du plateau mondial. Et il arrive à jouer. Mais je ne m’arrête pas là. On doit maintenant les battre. On ne doit pas avoir de complexe.
- Les Jeux sont finis. Quel est le programme ?
Il faut faire une pause pour l’ensemble du collectif. Sur le 15 km classique de Lahti, il y a tout de même un coup à jouer. Certes, il y aura Niskanen à la maison qui voudra dynamiter la course. Derrière, il y a de l’espace pour réussir une belle coupe du monde. Je prépare Hugo [Lapalus] et Richard [Jouve] dans cette optique. Ils sont rentrés plus tôt en France.
- Un mot sur le par équipes mixte qui figure aussi au programme de cette fin de saison.
C’est un peu plus loin dans le calendrier. On décidera de la composition du relais le soir du 15 km skate. Il faudra voir les hommes et les filles en forme à ce moment-là. Avant, nous aurons aussi le 50 km classique d’Oslo. Hugo ira pour apprendre, Clément et Maurice [Manificat] capitaliseront sur leur bon niveau pour chercher quelque chose d’intéressant. Mais ce ne sera pas l’objectif prioritaire, contrairement au 15 km skate de Falun dont je parlais.
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