Ski de fond : Antoine Auger savoure sa deuxième place sur la Red Bull Nordenskiöldsloppet
Deuxième de la Red Bull Nordenskiöldsloppet ce samedi, course de ski de fond longue de 220 km, le Jurassien Antoine Auger est allé au-delà de ce que le corps humain était capable d’endurer. Le fondeur du Team Nordic Expérience a réalisé une fomidable prouesse, en effectuant cette distance en 10 heures et 43 minutes. Il s’est confié à Nordic Magazine sur sa course, et son immense joie d’être monté sur ce podium.
- Comment s’est passée votre nuit après cette incroyable deuxième place ?
Je dois l’avouer, je n’ai quasiment pas dormi. Dès que j’ai passé la ligne, j’ai eu hyper mal au ventre. C’est ce qu’il s’était aussi passé l’année dernière, à force de boire des litres de boissons d’effort et de manger des barres énergisantes. Il y a tout qui retombe. Avec la fatigue, j’ai tout de même pu dormir quelques heures, mais c’était hyper difficile de trouver le sommeil.
- Racontez-nous votre course, on vous a vu en difficulté en début de parcours, mais ça s’est beaucoup mieux passé en suivant…
C’est le matin que j’ai le plus souffert. Il y avait une neige fraîche. Avec Emilien [Buisson, présent avec lui sur la course, NDLR], on avait fait un choix de ski pour que ça glisse mieux l’après-midi. C’est exactement ce qu’il s’est passé. Mais c’était presque poussé à l’extrême. Sur la première partie de course, je perdais des places et je me disais que ça allait faire une mauvaise course. Dans ma tête, à un moment donné, je me suis même dit que ça n’allait pas le faire. Et puis, à la mi-course, à l’instant où on a débuté le retour, je me suis retrouvé avec des skis 10 000 fois mieux que ce que j’avais le matin. J’avais vraiment des super skis. Je savais qu’il n’y avait plus de calculs à faire. Je mettais tout ce que j’avais et, éventuellement, cela pouvait faire un podium. J’ai rattrapé les gars un par un. Il n’y a que le premier qui était vraiment au-dessus du lot, mais je suis content d’être arrivé jusqu’à la deuxième place.
- Psychologiquement, c’est une course très difficile. Comment avez-vous géré le fait de dépasser tout le monde en fin de course ?
C’était un combat mental toute cette deuxième partie de course. Ca me motivait de rattraper tout le monde mais il fallait ensuite placer une accélération pour les décrocher. Ce n’était pas si simple.
- Emilien Buisson, votre ancien coach, et Pauline Reiller, votre petite amie, étaient présents avec vous sur cette course. On imagine que, sans eux, il vous aurait été difficile d’imaginer un podium…
Le fait d’avoir Emilien et Pauline sur la course, c’était vraiment important pour moi. Pauline est kiné donc j’ai pu avoir des massages. Elle connaissait le parcours, les points de ravitaillement… Et puis il y avait aussi l’énorme expérience d’Emilien sur la longue distance, c’était très rassurant d’avoir un élément comme lui. Dans une telle épreuve, il a eu les mots pour m’aider. Il m’a beaucoup encouragé en début de course en me disant de ne pas lâcher même si j’étais à 8 minutes de la tête.
- En quoi cette Red Bull Nordenskiöldsloppet diffère-t-elle d’une course de longue distance classique ?
C’est plutôt une compétition contre son propre corps. En Visma Ski Classics, pour faire une bonne place, il faut tout le temps être devant. Sur de l’ultra endurance, il faut arriver à gérer son effort et à rester en forme jusqu’à la fin. Les ravitaillements ont aussi leur importance. On a dû s’adapter parce que le parcours a légèrement changé par rapport à 2021. Mais tout s’est bien passé, les changements de gourde, la gestion de la nourriture qui était dans les bonnes quantités… On était agréablement surpris de ce qu’on a fait l’année dernière, mais là, c’était encore un cran au-dessus.
- Comment avez-vous abordé cette compétition ?
Depuis la Vasaloppet [début mars, NDLR], je suis passé en mode ultra distance. Les entraînements, c’était un enfer. J’étais tous les matins sur les skis pendant au minimum 4 heures, c’était très dur. J’ai sacrifié des courses en Visma. Dans ma tête, je me disais que c’était la course la plus longue, la plus dure du monde, mais que j’avais une chance. Je sais que j’ai un truc à jouer à partir du moment où la course fait plus de 6 heures. Le premier était injouable ce jour-là, il avait une grosse expérience et de très bons skis.
« C’est bon d’avoir ce drapeau français sur une épreuve comme celle-ci »Antoine Auger, à Nordic Magazine
- Cela montre aussi que le ski de fond tricolore se développe hors des coupes du monde…
C’est surtout qu’avec l’entraînement que j’avais, je suis hyper satisfait de ma performance. Et puis je suis un Européen au milieu de tous ces drapeaux scandinaves. C’est quelque chose de spécial d’avoir ce drapeau français sur une épreuve comme celle-ci. On commence à se faire voir en ski de fond, avec Richard Jouve, Hugo Lapalus, Maurice Manificat… mais en longue distance c’est plus compliqué. Thomas [Joly, NDLR] fait des performances exceptionnelles en ce moment, on vient petit à petit et c’est vraiment satisfaisant.
- Que s’est-il passé dans votre tête au moment d’aborder le dernier kilomètre ?
J’ai bien savouré, mais je me suis surtout dit que j’allais finir à fond. Cela faisait 90 km que j’étais à bloc, je n’ai pas relâché mon effort. Le troisième était loin donc j’ai pu un peu en profiter. J’étais vraiment à bout de forces, j’avais tout donné. J’étais soulagé, c’est comme un objectif qui a été accompli.
- Si vous deviez faire un bilan de votre hiver, cette deuxième place vous permet-elle d’être heureux de cette saison ?
Deuxième à la Transju’, deuxième à la Red Bull Nordenskiöldsloppet… c’est vrai qu’au début de l’année, mes objectifs étaient différents. Je suis un peu frustré parce qu’il me manque ce gros résultat en Visma que je n’ai pas eu. Mais j’ai su m’exprimer ailleurs. Je suis quand même satisfait de ma saison malgré tout.
- Après un repos bien mérité, quel sera votre programme pour la fin de saison ?
Je ne serai sans doute pas là pour la Reistadløpet, mais les copains m’ont rejoint ce dimanche à Jokkmokk [tout au nord de la Suède, NDLR]. Cela faisait longtemps que je ne les avais pas vus, ils commençaient à me manquer (rires). Mais je serai probablement de retour pour la Ylläs-Levi, pour la dernière course de la saison en Visma Ski Classics.
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