Ski de fond : le long chemin de croix de Claire Moyse
Si elle était prête pour prendre le départ de la nouvelle saison de la Ski Classics, le circuit longue distance du ski de fond mondial, la Jurassienne Claire Moyse ne se présentera finalement pas, ce samedi matin, avec un dossard au Pro Team Tempo de Bad Gastein (Autriche), première étape de la saison 2023/2024.
La raison ? Une mononucléose détectée l’hiver dernier, mais toujours présente plus de six mois plus tard. La fondeuse du Team Nordic Expérience Coste – Fromageries Marcel Petite s’est confiée à Nordic Magazine sur ces derniers mois riches en péripéties.
- Comment avez-vous appris que vous étiez infectée par le virus de la mononucléose ?
En fait, cela remonte à l’hiver dernier, où ce n’était pas top en compétition. J’avais cherché ce qu’il y avait et j’avais fait une prise de sang en février. J’avais reçu le compte-rendu chez moi et je n’avais vu aucune carence donc cela ne m’avait pas plus inquiété que cela. Ce n’est qu’un mois après, avec ma médecin traitant, qu’on a vu que j’étais positive à la mononucléose.
- Pourtant, cela ne vous a pas empêché de retourner à la compétition…
Vu qu’en théorie l’infection dure trois semaines en moyenne, on s’était dit que c’était passé. J’ai fini la saison, avec des mauvaises sensations sur presque toutes les courses, sauf lors de la Reistadløpet et sur la poursuite du challenge [des moniteurs]. Après la pause, ce n’était toujours pas bon à l’entraînement au début de la saison de préparation. Je suis donc retournée faire des prises de sang pour voir si je n’avais pas de carence quelque part.
- Et ensuite ?
Alice Guyon, la médecin de la fédération, m’avait conseillé de refaire un test pour la mononucléose. J’ai donc vu que j’étais encore positive en août. Elle m’avait aussi indiqué de faire un test à l’effort avec électrocardiogramme, qui a détecté de possibles problèmes cardiaques. J’ai donc passé bon nombre d’analyses au CHU de Grenoble. Les examens ont montré que je n’avais pas de problème au niveau du cœur et que c’était bien la mononucléose qui était à l’origine de tout cela. Au final, je ne sais même pas exactement quand je l’ai attrapé. On avait aussi fait des tests HRV [ou VFC, variabilité de la fréquence cardiaque, NDLR] en suivi, mais rien n’était visible car tout était bon.
- Avez-vous demandé des conseils de la part de personnes déjà touchées avant vous ?
J’ai fait une cure de compléments alimentaires, mais aussi un jeûne aussi car Camille Laude, qui l’avait eu auparavant, m’avait dit que cela l’avait beaucoup aidé. Hélas, cela n’a pas fonctionné de mon côté. En rentrant de Davos [lieu du dernier stage de préparation du Team Nordic Expérience Coste – Fromageries Marcel Petite, début novembre, NDLR], j’ai décidé de quasiment tout couper pendant deux semaines, car d’autres athlètes qui l’avaient eu m’avaient dit de stopper. Je vais voir si cela va changer quelque chose. J’avais aussi contacté une amie qui fait des études de diététique pour voir si je devais faire un rééquilibrage alimentaire.
- Quels symptômes avez-vous contracté ?
C’était vraiment à l’effort où ça n’allait pas. Souvent, sur les courses, je faisais des départs qui étaient corrects. Mais au bout de 10 kilomètres tout au plus, j’avais l’impression que c’était comme si on débranchait un appareil électrique. Plus de jus, les jambes qui ne répondaient plus, beaucoup d’acide lactique… et c’était d’autant plus frustrant parce que les sensations ne revenaient plus jusqu’à l’arrivée. Mais c’est très différent d’une personne à l’autre. Je n’ai jamais ressenti de fatigue, grippe ou fièvre comme d’autres. Au début, je le ressentais uniquement en compétition, puis j’ai commencé à le sentir à l’entraînement quand je faisais des intensités. Pendant l’été, je le sentais même sur les séances longues. Je n’arrivais pas à suivre les filles, j’étais à la ramasse. Sur les intensités, j’avais l’impression de pousser mais qu’il n’y avait rien qui se passait. Un peu comme si t’étais spectateur d’un truc, que toi t’étais au ralenti, mais que tout le monde à côté était à vitesse réelle.
- Si vous deviez donner un conseil à quelqu’un qui vient d’être positif à la mononucléose, quelle serait la première chose à faire ?
J’ai beaucoup tiré dessus au final, quand on regarde tout ce que j’ai fait en l’ayant. Je pense qu’il faut vraiment être vigilant de ne pas refaire de course ou d’intensité tant qu’on est positif. J’étais vraiment partie du principe qu’une fois être sortie de chez le médecin, j’étais négative. Je me dis que si j’avais pris un mois de pause en mars, je n’en serai pas là aujourd’hui. Mais c’est hyper facile de le dire après coup. C’est hyper important, je pense, de savoir s’arrêter et d’écouter les signaux de son corps. J’ai eu pas mal de gros coups de moins bien pendant les courses de l’hiver dernier, et je me dis que je n’ai pas su écouter ces signaux.
- Vous dites avoir reçu beaucoup de soutien de la part des proches et des sponsors. Cela a dû compter pour vous pendant ces derniers mois…
En premier lieu, j’ai pu compter sur les copains du Team, qui étaient là au quotidien et qui ont un peu suivi toutes les péripéties au jour le jour. Et puis, évidemment, la famille, les amis… Cela m’a vraiment fait chaud au cœur. Quand j’ai annoncé la nouvelle sur les réseaux sociaux, il y a pas mal d’athlètes et des gens que je croise sans pour autant qu’on soit proches qui m’ont envoyé plein de messages. Cela m’a beaucoup touché.
- De ne pas pouvoir prendre part aux premières courses de la saison, on imagine que ce doit être douloureux mentalement…
Avant Davos, je cherchais toujours ce qui pouvait aller, j’avais toujours un truc sur lequel me raccrocher où je me disais qu’on pouvait trouver autre chose. Mais quand j’ai vu que c’était vraiment la mononucléose qui était à l’origine de mon mal, et qu’il n’y avait absolument rien d’autre à faire qu’attendre, cela m’a mis un coup au moral. Tout l’investissement qu’on met là-dedans, à tous les niveaux, on fait tout pour que cela marche. Mais quand il y a une nouvelle comme celle-ci qui tombe, tu te rends compte de tous les efforts que t’as fait. Et de ne pas pouvoir essayer de concrétiser cela, ce n’est pas évident à gérer.
- La saison reprend dans quelques jours pour le TNE, mais sans vous : allez-vous suivre vos coéquipiers en Autriche ce week-end ?
J’ai eu un gros coup de moins bien pendant le stage de Davos. Je pense que je me voilais un peu la face, à me dire que cela allait passer et que j’allais arriver à me refaire la cerise. Depuis le mois d’août, je me disais que j’avais le temps de remettre sur pied. Donc ce n’est pas évident de voir tout le monde partir en compétition. Je vais quand même les accompagner pendant les deux premières semaines en tant que membre du staff. Je ne sais pas si ce sera une bonne chose pour ma santé mentale, mais j’avais quand même envie d’être avec eux sur le début de la saison et d’apporter en quelque sorte ma pierre à l’édifice.
- Qu’allez-vous faire là-bas ? Et pour le reste de l’hiver si la mononucléose sévit toujours ?
J’y vais pour les supporter autant que je peux, mais aussi pour donner un coup de main à Maxime [Grenard, NDLR] et à Antoine [Tarantola, NDLR] pour le fartage et la logistique. Ce ne sera pas de refus, je pense, d’être trois pour gérer tout cela. Je serai au moins utile pour le groupe même si je ne pourrai pas courir. Ils ont été là pour me soutenir, donc moi aussi je veux être là pour eux. Après, si je ne peux pas courir de l’hiver, je m’éloignerai un peu du groupe et j’en profiterai pour finir mon diplôme et bosser pour garder l’esprit occupé.
A lire aussi
- « On a hâte que la saison commence » : sur le snowfarming de Davos, le TNE Coste – Fromageries Marcel Petite a terminé sa préparation
- Jean-Marc Gaillard et Claire Moyse sans partage sur la Traversée du Massacre
- En Suède, Claire Moyse termine quatrième de la Topprullen
- Nordic Story : Claire Moyse
- Les Selfskis de Nordic Magazine : Claire Moyse
Les cinq dernières infos
- Ski nordique : Emilie Bulle, Yan Belorgey ou encore Marie Dorin-Habert… les nordiques en nombre sur l’Ultra-Trail du Vercors
- Biathlon : après son passage à Annecy, Ingrid Landmark Tandrevold prépare les championnats du monde de février 2025 à Lenzerheide
- Biathlon : Linn Gestblom ou encore Hanna et Elvira Oeberg évoquent la nouvelle dynamique des Suédoises après la retraite de Mona Brorsson
- Combiné nordique | Villach : Romane Baud sur le podium en FESA Cup, Lubin Martin s’offre un top 10
- Biathlon : pour augmenter sa réussite au tir, Hanna Oeberg a procédé à deux changements