SKI DE FOND – Elle est la meilleure fondeuse de l’histoire. La Novégienne Marit Bjoergen, huit fois championne olympique de ski de fond, dix-huit fois championne du monde, a raccroché les skis ce printemps. Elle s’est confiée à Nordic Magazine cet été. Notre entretien exclusif avec la Reine Marit.
Un palmarès stratosphérique
À 38 ans, Marit Bjoergen est la meilleure fondeuse de l’histoire. Son palmarès est impressionnant : huit fois médaillée d’or olympique, dix-huit fois championne du monde et quatre fois vainqueur du gros globe de cristal.
Lors des championnats nationaux norvégiens, à Alta, elle a annoncé qu’elle mettait un terme à sa carrière d’athlète de haut niveau. Pour Nordic Magazine, elle revient sur les vingt dernières années de sa vie dans un entretien exclusif.
- Comment le ski de fond est-il entré dans votre vie ?
Je crois que je dois remercier mes parents. Ma mère skiait et, avec elle, j’aimais être dehors, aller dans la nature. J’avais aussi beaucoup d’amis qui faisaient du ski de fond. Tout ça a participé à mon choix de continuer sur cette voie.
Je préférais le ski au football ou au handball. Et puis, quand j’étais jeune, lors des courses, j’étais déjà l’une des meilleures en Norvège.
J’ai toujours aimé repousser les limites
- C’était le début d’une carrière qui a duré plus de 20 ans. Saison après saison, où avez-vous puisé votre motivation ?
J’ai toujours aimé m’entraîner, repousser mes limites physiques, travailler à m’améliorer… Bien sûr, j’ai connu quelques années qui n’ont pas été très bonnes, comme entre 2006 et 2009. À ce moment-là, j’ai changé ma façon de m’entraîner et je suis revenue au plus haut niveau.
Je crois que ces mauvaises passes expliquent comment j’ai pu mener une aussi longue carrière. D’ailleurs, après ces moments difficiles, j’ai connu des saisons incroyables, des Mondiaux et des Jeux olympiques fantastiques.
Les autres filles de l’équipe aussi m’ont beaucoup aidée. Elles sont comme ma famille. On a beaucoup voyagé ensemble et cette proximité nous a permis de rester motivées.
- Même lors de cet hiver 2008-2009 où vous avez connu une saison sans victoire ? Avez-vous été ébranlée ou étiez-vous convaincue de pouvoir revenir au plus haut niveau ?
J’ai pensé à arrêter le ski. Mais je n’ai pas réussi à prendre cette décision. Alors, j’ai continué. Je savais qu’en changeant ce qui n’allait pas dans la façon dont je m’entraînais, comme je vous l’ai dit, je reviendrai au plus haut niveau. J’étais toujours motivée pour retrouver mon niveau. Et puis, je ne m’imaginais pas faire autre chose, c’est ce qui m’a permis de tenir.
J’ai toujours été heureuse de remporter une victoire
- En décembre 2016, le jour de Noël, vous êtes devenue la maman d’un petit Marius. Lors de votre grossesse ou après sa naissance, avez-vous de nouveau songé, ne serait-ce qu’un moment, à abandonner la compétition ?
Quand j’étais enceinte, j’ai toujours pensé qu’après la naissance, je rechausserai les skis. Mais ensuite, j’ai été blessée et il y a encore eu des moments difficiles. J’étais parfois très fatiguée. Oui, de nouveau, j’ai pensé à arrêter ma carrière. Mais encore une fois, je voulais revenir au meilleur niveau, reprendre les compétitions. Aujourd’hui, je suis contente d’y être parvenue.
Dossard 8 sur les épaules, Marit Bjoergen (NOR) vient de décrocher son 8e titre olympique, cet hiver à Pyeongchang © Modica/NordicFocus.
- Au final, avec votre palmarès, vous êtes la meilleure fondeuse de l’histoire. Si vous ne deviez garder que trois souvenirs mémorables, quels seraient-ils ?
J’ai tellement de bons souvenirs… Mais je crois que je choisirai les Jeux olympiques de Vancouver, les Mondiaux d’Holmenkollen et aussi mes dernières courses olympiques à Pyeongchang.
- À gagner si souvent, est-ce que l’on s’habitue ? Y a-t-il encore de la joie ?
J’ai toujours été heureuse de remporter une victoire. À chaque fois que j’ai pris part à une course, c’était pour faire de mon mieux. Je voulais vraiment gagner. Alors oui, forcément, dès que j’atteignais cet objectif, j’étais vraiment contente. À chacun de mes succès, j’ai été aussi heureuse que lors de ma toute première victoire.
- Vous êtes l’athlète la plus couronnée des Jeux olympiques. Vous avez gagné dix-huit médailles d’or en championnats du monde. Vous avez remporté quatre gros globes de cristal en coupe du monde. Les médias, surtout en Norvège, ont accompagné cette exceptionnelle carrière. Comment avez-vous géré cette pression quotidienne ? Comment vous êtes-vous préservée ?
En Norvège, si tu gagnes une fois, on veut te voir gagner à chaque compétition. Le ski de fond est tellement populaire dans mon pays. Alors on sait qu’en plus des objectifs sportifs, il va falloir gérer cette pression.
Mais après plusieurs années au meilleur niveau, j’ai appris à gérer. Plus les années passaient, plus je gagnais, et plus c’était facile de faire face aux attentes du public et des médias, de me détendre et de profiter de ce que j’étais en train de vivre.
- Pensez-vous que si vous n’aviez pas été norvégienne, vous auriez pu accomplir le même parcours ?
C’est difficile de répondre à cette question… En Norvège, on a une équipe vraiment forte, mes coéquipières m’ont aussi beaucoup aidée, m’ont poussée à toujours donner le meilleur de moi-même, à être au top niveau. Je dois les remercier pour cela. Alors, non, je crois que je n’aurais pas pu faire aussi bien si je n’avais pas été norvégienne, même s’il est difficile d’imaginer ce qu’aurait été ma carrière si j’avais couru pour un autre pays.
Mes années difficiles ont participé à ma vie d’athlète
- De nombreuses skieuses ont tenté, hiver après hiver, de prendre votre place. En vingt ans, cette concurrence a-t-elle évolué ? Diriez-vous que le ski de fond féminin a changé ? Et si oui, comment ?
La compétition a toujours été très disputée en fond féminin, ce qui m’a beaucoup aidée à repousser mes limites personnelles d’ailleurs. Même si c’est difficile de l’affirmer, je pense que cela s’est accentué au fin des années. Les filles vont plus vite, sont bien plus performantes.
- En dehors des pays scandinaves, le ski de fond est moins populaire que le biathlon. Que manque-t-il à votre sport pour captiver les foules ?
Il faut davantage de bons athlètes d’Allemagne, d’Italie ou de France qui gagnent. Si des fondeurs venant de ces pays ou d’autres enchaînent les victoires, remportent des médailles aux Mondiaux et aux Jeux olympiques, alors l’intérêt pour le ski de fond sera plus international.
Marit Bjoergen, c’est un palmarès et un parcours totalement hors normes dans le ski de fond (Photo : Nordic Focus)
- Au moment de disputer votre dernière course, à Alta, quel a été votre sentiment ? À quoi avez-vous pensé ?
J’ai vécu de très belles émotions, j’avais beaucoup pensé à ce moment. C’était aussi un moment difficile parce que le ski de fond a été ma vie pendant plus de vingt ans. Alors c’était étrange de se dire qu’on ne va plus prendre le départ de compétitions ou s’entraîner avec ses amis de l’équipe nationale. Mais j’avais beaucoup réfléchi à tout cela, alors j’ai surtout profité de l’instant. Au final, c’était un très bon moment.
- Et si vous aviez un regret, quel serait-il ?
Je ne regrette rien, enfin pas vraiment. Je suis très heureuse de ma carrière, de ce que j’ai fait. Oui, bien sûr que j’ai eu des années difficiles mais ces périodes creuses font aussi partie du jeu, elles ont participé à ma vie d’athlète. Je ne crois pas que j’aurais pu faire mieux ces années-là, donc je ne regrette rien.
- Quels sont vos projets ?
Maintenant, je vais prendre un peu de temps pour réfléchir à ce que je veux faire. Je veux trouver quelque chose qui m’intéressera vraiment, en tout cas autant que ma carrière de fondeuse a pu me motiver. Je vais aussi prendre du temps en famille, m’occuper d’elle… tout en réfléchissant à l’avenir.
NDLR : Depuis cet entretien réalisé cet été et paru dans Nordic Magazine #27, Marit Bjoergen a annoncé attendre son deuxième enfant, pour le mois de mars.
Photo : Nordic Focus