SKI DE FOND – À la veille du lancement du Ski Tour 2020 à Östersund (Suède), François Faivre, l’entraîneur en chef des fondeurs tricolores, fait un point sur l’hiver de ses troupes.
Arrivés tard hier soir dans le comté de Jämtland, l’équipe de France de ski de fond reconnaissait ce matin la piste d’Östersund, lieu des deux premières étapes du Ski Tour. Et pour cause, classique de la coupe du monde de biathlon, le site suédois est inconnu des fondeurs. Sur le chemin du stade, François Faivre a pris le temps de répondre aux questions de Nordic Magazine.
- Quel bilan tirer de l’hiver des Français avant le départ du Ski Tour ?
Le bilan on le fera surtout à la fin de la saison. Jusque-là, il y a de très bonnes choses avec le secteur du sprint où les gars ont répondu présents depuis le début de l’hiver avec l’ouverture à Ruka. C’est forcément une excellente entame de saison. Concernant la distance, c’est un petit peu plus laborieux avec de bonnes choses et d’autres plus compliquées. Maurice Manificat ne répond pas trop présent depuis le début de la saison dans les formats qui sont les siens. Donc on a un leader un peu en retrait mais de très belles performances de Clément Parisse, d’Adrien Backscheider et Jean-Marc Gaillard. On attend encore un peu mieux de ce côté-là.
- Faut-il s’inquiéter des résultats de Maurice Manificat ?
Il ne faut pas s’inquiéter de Maurice. Il ne s’inquiète pas non plus d’ailleurs. Maintenant, force est de constater que c’est plus difficile pour lui. Ça fait la deuxième saison si on regarde bien, même si l’an passé il y a eu quelques coups d’éclat majeurs, c’était très irrégulier. Cette année, c’est plutôt moyen par rapport à ce qu’il a l’habitude de faire. Je pense qu’il y a plusieurs raisons expliquant cela. Il bascule vers la deuxième moitié de sa carrière. À voir si ses choix, ses orientations, son mode de vie accompagnent bien ce tournant de sa carrière. Pour l’instant, il n’a pas fait tous les choix en maintenant un mode de vie qui lui correspondait jusque-là. Il y a peut-être des ajustements à réaliser. Mais c’est lui qui doit les faire.
« Maurice bascule vers la deuxième moitié de sa carrière »
- Quels sont les objectifs du Ski Tour pour l’équipe de France ?
Il n’y a pas réellement d’objectifs de places. Maintenant, il y a de belles épreuves avec un 15 kilomètres skate qui arrive demain. Accrocher un podium ou une victoire est dans les cordes des gars. Ensuite on a un sprint un petit peu particulier, on va le découvrir. On a amené nos chefs de file pour jouer haut. À chaque étape, on a de belles cartes à jouer.
- Tous les fondeurs sélectionnés sont en forme avant de commencer ce second tour de l’hiver ?
On n’a que des cadors, des gars en pleine forme. Sur le positionnement, c’est l’objectif de l’année : ça équivaut à une date de championnat. C’est quelque chose qu’ils avaient tous coché. Ils sont tous en pleine forme. Il n’y a pas de bobos, pas de malade, pas de blessé. Ils vont tous et toutes pouvoir ferrailler.
- Le dossard rouge est-il un objectif prioritaire pour Lucas Chanavat ou le résultat brut compte-t-il plus ?
Disons que ça l’est forcément. On ne va pas le nier. C’est quelque chose qui est très proche. Maintenant, dès que Klæbo se présente au départ, il gagne la course. C’est aussi au bénéfice de quelques impasses et absences que Lucas en est là aujourd’hui. Mais il a aussi montré sur Davos que la marge est maintenant très fine. Ce doit être un objectif pour lui mais ce n’est pas une fin en soi. S’il est le meilleur des autres ce sera déjà énorme et on reviendra à la chasse du maillot rouge la saison prochaine. C’est quelque chose qu’il doit avoir en tête et qu’il doit essayer de conquérir.
- Que lui manque-t-il pour battre Klæbo ?
Je pense qu’il ne lui manque rien. À Davos, il lui a simplement peut-être manqué d’être plutôt devant que derrière Klæbo pour mettre le coup de canne avant. En matière de capacités, de physique, de mental, d’envie, de motivation, il est au même niveau. Petit à petit, il a travaillé et il a beaucoup progressé cet hiver, on le voit bien. Je pense qu’il est armé pour aller gagner face à Klæbo, ça va venir.
« Elles ne sont pas encore certaines qu’elles puissent faire des tops 20, des tops 15 »
- Du côté des féminines, les bons résultats de l’hiver, notamment de Delphie Claudel et Coralie Bentz, sont-ils plutôt une confirmation ou une révélation ?
Delphine, on sait qu’elle a le potentiel. L’histoire de notre équipe féminine est plus compliquée aujourd’hui qu’il y a dix ans. On sait qu’on a des filles qui peuvent rivaliser, jouer. Ça met un petit peu plus de temps que certaines nations. Il faut aussi casser deux, trois barrières mentales. On en parlait avec Coralie la semaine dernière, elles ne sont pas encore certaines qu’elles puissent faire des tops 20, des tops 15. Petit à petit, ça va venir. Ces résultats, c’est déjà une belle récompense pour le staff qui travaille avec elles depuis quelques années mais surtout pour elles qui se rendent compte qu’elles sont capables. Elles vont pouvoir s’installer : c’est important.
- Vu de l’extérieur, comment voyez-vous le match pour le gros globe entre Alexander Bolshunov et Johannes Hoesflot Klæbo ?
Pour moi c’est réglé. Bolshunov a beaucoup de points d’avance. Il est présent sur toutes les courses que ce soit le sprint ou la distance. Ça me paraît, avec un état de forme similaire, acquis au Russe. Après, il peut se passer tout et n’importe quoi avec des retournements de situation. Cette année, je crois que Bolshunov est plus solide et régulier que Klæbo.
« C’est compliqué d’avoir un tour comme celui-ci dans une année globale déjà très rempli »
- Trouvez-vous que l’idée d’introduire un second tour dans l’hiver après le Tour de ski soit bonne ?
Le Ski Tour est une très belle épreuve. Ça va vraiment être chouette à suivre et à regarder. Maintenant, je pense que si on prend cette direction, notamment sur le calendrier des courses internationales, des nations considérées comme moyennes, comme la nôtre, vont très rapidement être très en difficulté pour pouvoir assurer la réalisation du calendrier. Ça fait quatre, cinq, six fois que nous montons en Scandinavie. Ce sont des coûts assez importants parfois pour des week-ends de compétition pas très importants avec une distance et un sprint. Je pense que la vie du ski de fond n’est pas qu’en Scandinavie. Il faut faire attention de ne pas partir totalement dans cette direction. C’est le sport national en Norvège et en Suède, c’est très bien, mais ce n’est pas forcément le cas des autres nations. Si nous voulons lutter contre l’image du biathlon, il faut faire autrement. Les championnats et les Jeux olympiques, c’est très bien mais avoir ce type de tour, il en faudrait peut-être qu’un seul dans la saison. Pourquoi ne pas envisager le Tour de ski une année sur deux en quinconce avec le Ski Tour ? Je sais pas. C’est compliqué d’avoir un tour comme celui-ci cette année dans un calendrier global déjà très rempli.
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Photos : Nordic Focus.