SKI DE FOND – Trois Français ont participé à la course la plus longue du monde, la Red Bull Nordenskiöldsloppet, remportée par le Norvégien Andreas Nygaard. Les trois Jurassiens racontent leur aventure hors norme sur le cercle polaire.
Vous aimez le nordique ? Vous aimez les défis ? la Redbull Nordenskiöldsloppet est faite pour vous. Du moins c’est dans cet état d’esprit qu’un petit groupe de trois fondeurs jurassiens s’est rendu en terre scandinave pour tenter ce challenge extrême.
220km de ski de fond au niveau du cercle polaire, des températures très froides autour de -15°C et des conditions météorologiques compliquées avec des chutes de neige le jour de la course, rendant la trace peu glissante, sont venues encore plus pimenter la difficulté de cette épreuve au long cours. C’est ce paysage et ces conditions que trois jurassiens ont découvert. Récit.
- Comment avez-vous eu connaissance de cette course ?
Patrick Thomet : C’est Christophe qui m’en a parlé mi-mai. Il m’a dit que Jean-François était également intéressé, car il participe en tant que médecin sur plusieurs trails et qu’il assimile cette aventure à un raid de longue distance.
Jean-François Bokan : Tout comme Patrick ,c’est Christophe qui m’a parlé de la course, le défi m’a plu pour avoir déjà fait quelques longues distances en trail. C’est un beau challenge et il n’y a pas trop de participants, environ 500.
- Et vous Christophe ?
Christophe Cordier : Moi j’ai eu connaissance de la course par l’intermédiaire de la page Facebook de Daniel Tynel (directeur de l’épreuve)
- Pourquoi vous êtes-vous lancé un tel défi ?
JFB : Surtout sur le principe de partir à plusieurs pour partager cette expérience et vivre une belle aventure dans un pays qui m’attire et une région isolée à découvrir.
PT : Pour voir si j’étais capable de repousser une certaine limite.
CC : Pour ma part, j aime les courses en poussée, les costauds du circuit Visma Ski Classic viennent, alors je voulais y aller et apprendre à me connaître.
- Avez-vous fait une préparation spéciale ?
CC : Avant de partir à la course, j’ai effectué environ 1400 kms de ski avec essentiellement du skate et de la poussée.
JFB : Je ne suis pas un grand fondeur , j’ai débuté tard le skate et cela ne fait que 3 ans que je fais du classique. J’ai essayé d’être régulier dans l’entrainement sans pouvoir faire de longues distances. J’ai même pris un cours 2 semaines avant la course pour avoir quelques bases !
PT : Non, pas particulièrement, mais j’ai testé un peu ce que c’était lors du défi de la Sapaudia en vélo, qui a duré 24 h.
- Que recherchez-vous sur une telle distance ?
JFB : La longue distance c’est surtout une belle expérience de vie personnelle, on est souvent seul, il y a la nuit qui est un moment magique.Il faut apprendre à gérer le temps. C’est ensuite un moment inoubliable, on est toujours surpris de voir notre organisme s’habituer aux heures qui s’enchaînent. La longue distance change toujours la perception que l’on a de l’effort.
PT : Rentrer dans des zones inconnues sur la résistance physique et franchir une barrière mentale.
CC : Avant toute chose je voulais savoir si je pouvais réussir 220 kms, apprendre à me connaître.
- Quels étaient vos objectifs sur une telle distance ?
PT : Terminer dans les délais impartis. Finir en moins de 20 h, mais ça n’a pas fonctionné, car il fallait « tracter » dès le début, du fait qu’il neigeait donc peu glissant.
CC : N’ayant vraiment aucune référence, le principal objectif était de réussir à finir la course.
JFB : Dans mon cas le seul objectif était d’essayer de finir quel que soit le classement. J’espérais réussir en 25h mais les conditions de glisse de cette année ne m’ont pas permis de passer la barrière horaire des 170 km. J’ai donc été arrêté à 5h du matin.
- Qu’est-ce qu’il vous passe par la tête pendant la course ? Comment gérez-vous la fatigue, la douleur ?
PT : Il faut être à l’écoute de son corps qui nous envoie sans cesse des signaux et réagir vite pour éviter la catastrophe. Etre très vigilant aux ravitaillements sur l’alimentation et penser à se « ménager », à prendre soin de soi. Il faut savoir gérer les douleurs.
Important pour moi : c’est avoir un des 2 facteurs qui fonctionne : soit avoir le mental, soit avoir le physique, c’est la clef de la réussite.
CC : C’est tout dans la tête, reprend Christophe, à 80 kms j avais mal aux poignets. Il a vraiment fallu penser positif pour arriver au bout.
JFB : Il y a beaucoup moins de douleur que sur un trail, par contre il faut savoir glisser … Le principe de base, c’est de penser uniquement au ravitaillement suivant à atteindre entre 10 ou 14 km. Ne jamais voir trop loin, La nuit passe vite, j’ai rarement des coups de fatigue et puis le levé du soleil nous redonne de l’énergie.
- Comment avez-vous trouvé le parcours ? N’est-il pas relativement plat auquel cas avez-vous du faire beaucoup de poussée simultanée ?
JFB : Alors là NON, pas beaucoup de plat , relativement vallonné et cette année avec la neige, il fallait pousser même dans les descentes ! C’est un parcours en aller et retour, uniquement pour la course donc il ne faut pas chercher une piste parfaite. Tout le monde était dans la même trace. Il y a des lacs, de longues routes forestières et des passages dans les bois. La poussée simultanée, c’est pas pour moi, il me manque des épaules.
PT : 1 100 m de dénivelé sur 220 km, ce qui n’est pas énorme, mais le parcours est très valonné. Je pense avoir fait 50 % en poussée simultanée, donc environ 110 km, surtout sur les lacs et les parties les plus plates.
Les conditions de course n’étaient pas favorables, cela a compliqué le parcours, neige et froid en permanence.
CC : Ce parcours est très très beau, il est plat avec des passages sur les lacs, dans les forêts et sur des petites montagnes. On a du faire beaucoup de poussée, très dur vu les conditions météo
- Comment avez-vous vécu cette épreuve longue distance ?
CC : Très bien du début à la fin jamais de coup de moins bien, que du positif pour ma part.
JFB : Un peu frustré de mon final, où je collais à la neige sans glisse et n’avançait plus mais c’était dur pour tout le monde avec plus de 50% d’abandons.
PT : J’ai adoré, car étant de moins en moins performant sur les formats classiques, je voulais me tester sur un parcours plus long et hors norme, au nord de la Suède (au-delà du cercle polaire). J’ai vécu sereinement, sans panique, sans douleur particulière. Le seul bémol, c’est les 2 pieds gelés à la tombée de la nuit et stopper momentanément la course pour gérer ce problème.
- L’entraide existe-t-elle ? Y a-t-il un climat particulier sur cette course ?
JFB : On est très souvent seul entre les ravitaillements mais tous les bénévoles sont d’une extrême gentillesse et chaleureux. On ressent vraiment l’ambiance nordique nature et pas la course de masse. Il y a des tentes, un feu de bois, des bougies, on s’assoit sur les peaux de rennes pour manger (pas trop longtemps …) Il n’y a pas de bruit, on est très rarement proche d’une route. Nous sommes très peu d’étranger sur cette course, ce qui limite la communication.
PT : Oui, le fait qu’elle soit en Suède, problème de la langue, on communique en Anglais, par contre on se rend compte que les scandinaves sont comme nous, dans la douleur physique et on trouve toujours des compagnons de fortune, ou d’infortune ! C’est serein, pas de concurrence. On pense aux copains pendant la course.
Chose importante : les difficultés te remettent à ta place !
- Quels souvenirs en gardez-vous ?
PT : C’est vraiment quelque chose de particulier, qui n’existe nulle part ailleurs, paysages magnifiques, et les Suédois sont très accueillants (je connaissais puique j’ai participé à la Vasa plusieurs fois). Le directeur de la course, Daniel Tynel, vainqueur 3 fois de la Vasaloppet (que l’on a eu la chance de rencontrer et d’échanger avec lui), sait de quoi il parle. Parcours très varié, lacs, chemins de forêt, montées, descentes.. paysages lapons, élans, rennes et nous avons même eu la chance de voir des aurores boréales la veille de la course. Les bénévoles sont extras.
JFB : L’accueil, la gentillesse, les paysages étendus de neige, la bonne ambiance entre nous, les belles rencontres avec Tynell le directeur de l’épreuve, Nygaard et puis le plaisir d’être allé aussi loin même s’il en manque encore. Nous avons eu la chance de voir des aurores boréales, des élans, des rennes, des beaux villages, dommage de n’avoir eu qu’un jour de mauvais temps le jour de l’épreuve.
Un grand plaisir d’être ensemble avec Patrick, Christophe et nos femmes qui nous ont assistés tout au long du séjour.
CC : J’en garde vraiment un super souvenir avec de belles rencontres, des gens sympas et un très beau paysage.
- Envisagez vous de la refaire un jour ?
PT : Oui, d’ici 2 à 3 ans pour essayer d’améliorer mon temps en espérant que la neige soit plus glissante, mais je ressigne de suite. Super expérience !
CC : Je pense y retourner en 2019 😉
JFB : Je crains que oui, pour essayer de finir cette fois.
Mention particulière à Jean-François qui a tout organisé et qui n’a pas été classé.
Le classement complet