RUBRIQUES – Chaque lundi, l’humour et l’humeur du skieur de fond du Vercors Robin Duvillard débarquent sur nordicmag.info.
Journal de quarantaine
À période spéciale, comportement spécial… Je me suis dit que je pouvais vous faire part de ce petit journal de quarantaine que je tiens exceptionnellement depuis le début du confinement.
Jour 1 : mardi 17 mars
Hier soir, comme vous tous, j’ai appris que je devais choisir un endroit de confinement et ne plus en bouger pendant 15 jours… Alors, après avoir pris uniquement le strict minimum, je suis parti avec ma voiture remplie à ras bord direction Zecamp pour un confinement utile. Garder l’endroit, avancer les travaux extérieurs et intérieurs, vider les frigos pleins pour ne pas jeter et profiter de la salle de muscu et du grand air. Yihaa, c’est parti pour les grandes vacances !
Jour 2 : mercredi 18 mars
Loïs m’avait demandé de retrouver une gaine électrique qui est censée être le long du mur de notre parking, enterrée sous un petit massif d’arbres. Il veut pouvoir mettre de l’éclairage extérieur. Alors j’ai creusé et déblayé une magnifique tranchée de 1,37 mètre de long sur 1,28 mètre de profond… 2 heures 28 de sueur, mais j’ai pas trouvé la gaine. Je pense qu’il s’est foutu de ma gueule…
Jour 3 : jeudi 19 mars
Aujourd’hui, malgré un emploi du temps de ministre, j’ai réussi à glisser un petit créneau « pioche »… Deux nouvelles heures de piochage, quatre ampoules et dix-huit crampes aux avant-bras pour faire passer la tranchée à 2 mètre 22 sur 1 mètre 36 de profond (soit 38 centimètres sous le niveau du parking, donc cette saloperie de gaine devrait être en visu depuis au moins 44 centimètres), la gaine n’est pas là… C’est officiel, il s’est foutu de ma gueule !
Jour 4 : vendredi 20 mars
C’est décidé, direct après le confinement, j’installe une tireuse à bière à la maison !!!
Jour 4 + 1,2 gramme :
Tout compte fait, ce n’est pas une saine idée…
Jour 5 : samedi 21 mars
Comme je suis désormais atteint du syndrome de Stockholm, je me suis ré-attaqué à la recherche de la gaine électrique en piochant cette fois de l’autre côté du massif d’arbre, là où normalement elle n’était pas censée être. J’ai mis exactement 7 minutes 48 à la trouver… C’est l’avantage de la quarantaine, tu relativises beaucoup plus le temps perdu !
Jour 6 : dimanche 22 mars
Je suis inquiet, six jours que je suis confiné avec la nature à mes pieds et une salle de muscu de 50 m², mais je n’ai toujours pas fait une minute de sport… « J’ai le Covid docteur ? » « – Non, à mon avis c’est juste une bonne grosse flemme… »
Jour 7 : lundi 23 mars
Nous avions coupé le chauffage avant le confinement pour économiser l’énergie. Du coup, vue la taille du bâtiment et la température à l’intérieur, je vis devant la cheminée et j’occupe mon temps à faire du feu à longueur de journée. Résultat : mes habits sentent plus la fumée qu’un lendemain de soirée avant la loi Evin !
Jour 8 : mardi 24 mars
Au réveil, cet après-midi, j’ai vu qu’il avait neigé cette nuit ! Hmm, si j’allais skier… Ah ben non, j’ai pas le droit ! Tiens, pour une fois que ça m’arrange ces règles de confinement…
Jour 9 : mercredi 25 mars
Hier soir, pour la première fois de ma vie j’ai fait l’expérience d’un apéritif avec les copains en visioconférence… C’est sympa, surtout quand tout le monde parle en même temps. Par contre c’est nul parce que tu ne peux plus t’arranger avec ta conscience le lendemain en te disant que d’autres ont forcément dû t’aider à finir le paquet de chips et le pack de bières.
Jour 10 : jeudi 26 mars
J’ai froid.
Jour 11 : vendredi 27 mars
11h27… Non, ce n’est ni l’heure de mon réveil, ni mes heures de sport dans le semaine, ni mon temps à l’Ironman d’Embrun… mais plutôt mon temps d’écran de téléphone du jour ! « Oui maman ça va… mais non t’inquiète je ne m’ennuie pas. Bah tu sais, je bosse à fond du matin au soir en fait, j’arrête pas… »
Jour 12 : samedi 28 mars
Je suis allé aux morilles, et j’en ai trouvé quatorze… Certes, elles sont aussi grosses que des groseilles en fin de vie, mais n’empêche, la lucidité et l’humilité m’ont totalement quitté et je suis encore plus fier qu’un traileur à l’arrivée de l’UTMB ! Ma carrière est lancée je crois.
Jour 13 : dimanche 29 mars
Cette nuit nous avons changé d’heure. Ah ! Je me disais bien qu’un truc avait changé aujourd’hui par rapport à hier et avant-hier, mais je savais pas quoi !
Jour 14 : lundi 30 mars
Aujourd’hui c’est la fin du confinement… Ah non en fait ! Bon du coup, il est temps de me reprendre en main, je me fais donc un programme de musculation avec un thème quotidien différent, et je m’y tiens. Objectif : avoir le corps de Simon Fourcade à la fin du confinement !!! J’attaque donc direct par une séance de haut du corps…
Jour 15 : mardi 31 mars
Je suis « courbature. »
Jour 16 : mercredi 1er avril
Le torse bombé, le regard hautain et la démarche arrogante, je suis retourné aux morilles avec des ambitions surdimensionnées… Enfin j’aurais pu aller aux cèpes, aux myrtilles, à la chasse aux dinosaures ou au comptage des macareux tachetés que ça aurait était pareil vu que j’en ai pas trouvé. Mon ego a pris un sérieux coup sur la tête… le chocolat risque de prendre le même !
Jour 17 : jeudi 2 avril
Après avoir mangé rapidement tous les fruits et légumes avant qu’ils ne périment, et comme je ne veux toujours pas aller faire des courses, je me rends compte que ça fait sept midis de suite que je mange des ravioles dans une poêle avec des morceaux de vieux chorizo, du comté et un œuf dessus… Oui c’est vraiment bon, mais ça fait quand même un peu vieux garçon là non ?
Jour 18 : vendredi 3 avril
Aujourd’hui, après 23 jours sans me raser et 46 jours sans être allé chez le coiffeur, j’ai décidé que j’étais vraiment trop moche, et ce malgré le fait que personne ne me voit, c’est vous dire.. du coup, à grands coups de tondeuse, je me suis fait une crête. Deux enseignements en découlent : coiffeur est officiellement un vrai métier ET je suis encore plus moche qu’avant.
Jour 19 : samedi 4 avril
Aujourd’hui j’aurai dû être au départ du Super Slalom de Julien Lizeroux à La Plagne à avaler les 4 kilomètres de piste et les 320 portes de slalom, et surtout me fendre les tibias, les avant-bras et les dents à essayer de taper les piquets comme les vrais alors que je sais pas faire et à me brûler les jambes autant qu’en faisant 6 minutes de chaise contre un mur… Et ben, même en pensant à tout ça, je suis quand même bien vert de pas avoir pu y être ! Du coup on dit qu’en 2021 on invite pas le Covid ?
Jour 20 : dimanche 5 avril
J’ai couru 1 heure et j’ai fait 1 heures de muscu… C’est assez étrange de se dire que je suis peut-être le fondeur français qui s’est entraîné le plus aujourd’hui !!! (Par contre, si le confinement dure trop, les Norvégiens risquent d’écraser définitivement la concurrence des pays comme le nôtre vu qu’ils ont une définition plutôt… différente de la quarantaine. À savoir : tu dois être confiné chez toi sans contact, mais, si c’est pour pratiquer le ski de fond alors tu peux sortir, en groupe aussi, sans problème, mais tant que tu ne sors pas des limites de ton pays.;. effectivement, c’est un autre point de vue !)
Allez je retourne entretenir le feu, et puis c’est pas tout, Loïs m’a dit qu’il y avait une autre gaine électrique à déterrer… Yes !!!
À lundi prochain !!!