Ski de fond : Léonie Besson se raconte
En octobre dernier, la fondeuse d’origine haut-alpine Léonie Besson s’était révélée aux yeux du grand public en dominant le sprint classique des championnats de France de ski-roues d’Arçon (Doubs). Pour sa première course chez les seniors, elle était sacrée, au bout d’une journée magique, devant Léna Quintin et Mélissa Gal, cadres de l’équipe de France.
La voie royale semblait alors s’ouvrir devant la sociétaire du CS La Féclaz (Savoie) membre du i3 Ski Team. Cependant, ce jour de gloire cailleux a constitué, paradoxalement, le début de sa descente aux enfers. Alors que son hiver s’est déroulé de manière catastrophique, Léonie Besson a accepté d’en faire le récit pour Nordic Magazine.
L’exploit d’Arçon, le point de départ
« La saison s’est mal passée, pas comme je l’aurais voulu et espéré. D’où cela a commencé, je ne sais pas trop. D’où est venu le problème, je ne sais pas trop non plus. A Arçon, où je deviens championne de France seniors du sprint classique en ski-roues, je ne pensais pas être capable de faire cela. C’était fou ! Je suis une personne hyper investie – par exemple en mai, j’avais repris comme si c’était déjà la guerre alors qu’il y avait le temps -, et quand j’ai fait ce résultat-là, j’ai élevé tous les curseurs d’un cran supplémentaire. J’ai fait cela alors que ma motivation, mon investissement et mes ambitions étaient déjà assez élevés. Je n’avais pas besoin de mettre une charge en plus, j’ai mis encore plus de pression à mon corps. »
« Mentalement, cela m’allait très bien parce que si je faisais ça, c’est que j’en avais envie. Je l’ai fait avec plaisir parce que j’aime vraiment le ski de fond et que j’ai la motivation qui va avec. Seulement, je me suis moins écoutée. La fatigue s’est installée progressivement et, comme on était en octobre/novembre dans une période importante de stages, je n’avais pas de recul sur la situation. Comme j’avais fait de super résultats, j’y suis vraiment allée tête baissée. Beaucoup de signes me disaient que j’étais fatiguée et qu’il fallait que je souffle un coup, mais je ne les écoutais pas. »
« Je ne suis pas une grande dormeuse et, là, je dormais onze heures par nuit. J’avais des cycles hormonaux un peu saccadés. C’était inhabituel, mais je me disais que ce n’était rien, que c’était juste une mauvaise passe à franchir. Ce sont des petits détails qui doivent mettre la puce à l’oreille, mais tu passes à côté quand tu ne les écoutes pas. Derrière, soit ça rebalance du bon côté, soit ça donne mon hiver. »
Une fatigue inhabituelle
« C’était difficile pour Pierre Belingheri, mon coach, de me canaliser parce que je disais à personne que j’étais fatiguée. Je ne le voyais pas. A ce moment-là, on a fait un stage à Livigno où je n’avançais à rien. Je n’avais rien dans le caisson, je n’avais pas de jus pendant les intenses parce que j’étais fatiguée. Mais, ça, je le dis avec du recul. Sur le moment, tu te dis que c’est à cause du gros stage et de l’altitude. A un moment donné, j’ai vu que je ne pouvais faire que de l’aérobie et j’ai dit à Pierrot que j’étais un petit peu fatiguée. Sauf que ce « un petit peu fatiguée » signifiait que j’étais vraiment fatiguée. Pour lui, c’était compliqué de savoir quoi faire si je ne disais pas exactement comment je me sentais. Sur le coup, je n’en savais rien et je mettais ça sur le compte de la vie du sportif. »
« Je suis arrivée aux premières courses malade. Le lundi, on va sur le site et je ne savais pas si j’allais pouvoir courir. Finalement, j’ai pu m’aligner, mais, étant malade, ça l’a fait un jour, quand je fais troisième du sprint, puis ça n’a pas marché le lendemain. Après ce moment-là, je n’ai jamais récupéré. J’étais déjà un peu borderline et en surentraînement, mais je ne voulais pas le voir. »
« Même après cette compétition, je ne le voyais pas et j’étais lancée dans ma boucle. Je ne récupérais pas. La deuxième coupe de France, j’ai fait des résultats ok entre la cinquième et la dixième place. C’était correct sans être top, mais il n’y avait pas de la grande Léonie comme je peux arriver à donner ! J’ai senti qu’un truc n’allait pas. Comme les enjeux de sélection étaient passés, j’avais le sentiment d’avoir raté et de ne pas avoir été là au moment attendu. »
Une grosse grippe à Noël puis une « méga pneumonie »
« Ensuite, il y a eu Noël et je suis tombée malade comme je n’ai jamais été de toute ma vie. J’ai passé une semaine de grippe au lit, où j’en sortais pour faire pipi et prendre un petit déjeuner. Au bout de cette semaine, ça commençait à aller mieux et j’étais hyper contente ! Je pensais que j’allais pouvoir avancer… sauf que je me suis pris une méga pneumonie. Je montais les escaliers, j’étais essoufflée, je crachais des trucs pas beaux, je m’étouffais dans mes propres glaires… Un soir, j’étais à deux doigts d’aller à l’hôpital tellement j’étais mal ! Derrière, j’ai vu un médecin et j’en ai eu pour deux semaines d’antibiotiques. »
« Tout le mois de janvier, je me suis reposée pour guérir et, une fois que ça allait mieux, j’ai repris le ski tout doucement. Avec Pierre [Belingheri], on a ensuite tenté de refaire un cycle de préparation comme en novembre. On avait choisi les séances ensemble, ça se passait hyper bien, je faisais des intenses de 1 minute 30 d’effort maximal. Je me sentais super bien, je pensais me retrouver et, en fait, je ne tenais pas plus que cette minute trente. »
« J’ai tout de même fait la coupe de France de La Clusaz, qui se passe mal. Je n’étais pas préparée pour ce week-end-là, je me remettais juste dedans. Il y avait donc des raisons explicatives, mais quand tu te fais éclater, c’est difficile et ça fait chier (sic)… Comme le ski de fond est important pour moi, c’était dur à encaisser. Après avoir combattu la maladie, il fallait que je combatte contre moi-même. C’est cette partie-là qui était la plus dure parce que je ne remontais jamais. J’avais l’impression de nager dans la semoule et de ne jamais avancer. »
Des résultats difficiles à encaisser
« Je participe dans la foulée à la Traversée du Queyras où je me suis sentie super bien sur 21 kilomètres et avec 650 mètres de dénivelé. J’avais tellement l’envie que ça s’est bien passé, mais il n’y avait pas vraiment de concurrentes face à moi. Je gagne, ça me fait du bien et me remet en confiance. Par la suite, j’ai fait le 10 kilomètres skate sur le trophée du Beaufort de Courchevel… où je me trompe dans les tours et finis dernière [rires]. »
« Après, la coupe de France de Prémanon est venue. C’était la dernière ouverture des sélections pour la FESA Cup. On avait tout misé là-dessus, parce que ça faisait deux mois que je me repréparais pour remonter la pente. Sur la première course, je me prends beaucoup de temps et je me dis qu’un truc ne va pas. Cela faisait longtemps que c’était le cas, mais je m’en rends compte qu’après cette course. Normalement, je ne suis pas comme ça après avoir autant bossé. Finalement, c’était pire, j’étais nulle, ce n’était pas moi. »
« Après la course, je me suis effondrée. C’est très rare que je pleure à la suite d’une épreuve. Les copines sont venues me voir en me disant de regarder d’où je revenais. Mais, moi, j’avais le sentiment que le problème n’était pas que la maladie du mois de janvier. Là, j’avais l’impression que je n’avais pas fait de sport depuis trois ans… Je refaisais mes skis pour le lendemain et Pierrot est arrivé. Je lui dis que ça ne va pas, et il opine. On a beaucoup discuté sur la suite et je prends la décision de ne pas penser aux autres courses malgré les échéances qui arrivaient. »
La difficulté de se rendre compte de ses failles
« Je ne savais pas quoi faire concrètement, mais je suis rentrée et suis allée faire des analyses sanguines pour savoir si on était passés à côté de quelque chose. Je vais au médecin, qui me dit qu’elles sont parfaites ! Sur le papier, j’étais super en forme avec des défenses immunitaires au top malgré une nouvelle maladie. J’avais tout pour réussir et j’ai fait part au médecin de ce que je ressentais. A la fin, elle me dit que j’étais en surmenage et en sur fatigue. J’étais à la limite et mes maladies successives ont envenimé la situation. »
« Elle me conseille de m’arrêter totalement deux semaines. C’est difficile parce qu’on mange, dort et pense ski toute l’année. Se stopper en plein hiver, c’est compliqué parce que ça voulait dire que ma saison était finie. C’était à moi de poser les mots sur ce que j’avais, de prendre une décision tranchée et je ne sais pas faire. Cela fait deux ans que je suis sur le circuit du ski de fond, où les sensations sont différentes du biathlon. Je me connais mal. J’ai une tête très solide et un corps qui ne suit pas. Mon corps m’envoyait des signes, mentalement ça suivait donc je tirais sur mon corps… qui a résisté jusqu’à exploser. »
« Je le vois au quotidien. Je mets de l’implication pour tout. Au bout d’un moment, tu ne peux pas. Il faut savoir se stopper et se relâcher. Il y a des séances où il n’y avait pas de pertinence à les faire et, moi, j’y allais quoi qu’il arrive. Peu importe ce que je ressentais. Cela m’a un peu mis au fond du trou. Cela me saoule et me fait chier (sic), il faut se le dire, parce que ce n’est pas du tout ce que j’avais espéré. Mes objectifs sont ratés. J’ai raté ma saison sans même pouvoir essayer de me battre face aux autres. Je n’ai même pas réussi à essayer de voir le bout du tunnel. J’étais toujours au tout début de ce tunnel, à enlever les pierres pour tenter de voir la lumière. »
Un mental qui suit
« Je me battais contre moi-même et j’aurais pu super mal le vivre, parce que j’ai déjà prouvé que je pouvais le faire. Tout s’est effondré d’un coup et j’aurais pu mal le prendre, mais ça va super bien dans la tête ! Je relativise beaucoup parce que je sais que j’ai encore du temps devant moi. Cette année n’est pas jolie, mais je sais qu’elle me servira pour la suite. Je dois y mettre moins d’intention et que je me freine en m’écoutant plus. Au moindre signe, il faut que je me pose des questions alors que, moi, je suis de nature à dire que tout est toujours ok tant que je ne suis pas au fond d’un lit d’hôpital. »
« J’ai donc décidé, à contrecœur mais grâce au médecin, de m’arrêter pour prendre soin de moi afin que j’aille mieux la saison prochaine. J’ai dit à Pierre [Belingheri] que je ne voulais plus de programmation et pouvoir aller faire du ski plaisir comme je l’entendais. Je me suis reposée pendant deux semaines lors desquelles je suis encore tombée malade. Je me suis donc soignée, j’ai travaillé dans une ESF puis je suis allée faire les championnats de France de Méribel. C’est toujours une super ambiance et ça me permettait de terminer ma saison. Je me suis rendu compte là-bas que ça n’allait vraiment pas depuis tout ce temps, mais que je ne voulais pas l’admettre et que je me voilais la face. Forcément, faire avant-dernière de la qualification du sprint classique, ma spécialité, ça fait du mal à la tête. »
« J’aurais dû faire les choses correctement, dès le début, en m’écoutant et en en faisant un petit peu moins. On fait beaucoup d’heures en stage, mais, moi, si je peux gravir le Mont Everest à côté, je le fais [rires] ! C’est ça le problème. Ce n’est pas parce qu’il faut s’entraîner et cocher les heures, mais parce que j’adore le sport. Plein de fois, je me disais qu’il ne fallait pas que j’y aille. Je me suis parfois freinée, mais c’était dur. Les deux jours de repos après les stages, par exemple, c’est terrible. Je ne sais pas quoi faire. Le sport est une drogue pour moi ! »
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