Ski de fond : aux Rousses, Léonie Besson a vécu sa première coupe du monde
Au début du mois, quelques jours après l’officialisation de sa sélection pour la coupe du monde de ski de fond des Rousses (Jura), la Haut-Alpine Léonie Besson expliquait dans nos colonnes que ce ticket décroché était quelque chose de « juste énorme ».
« Cette première coupe du monde, j’imagine qu’elle ne s’oublie pas. Il faudra vraiment vivre l’expérience à 100 % et s’enrichir des meilleures mondiales tout en donnant le meilleur sans rien regretter », complétait-elle. Trentième du sprint classique, Léonie Besson dévoile à Nordic Magazine son carnet de bord.
Jour 1 – Mercredi 15 janvier 2025
Rendez-vous à 18h au Centre national de ski nordique de Prémanon. Je prends la route en début d’après-midi depuis Thonon, où je loge chez ma maman. C’était plus pratique pour moi de venir passer quelque jour proche du Jura, histoire de raccourcir le trajet par rapport aux Hautes-Alpes.
En arrivant, je fais un saut à la piste pour une petite séance en fin de journée. J’en profite pour déposer mes skis au tout nouveau camion de la Fédération française de ski, qui accompagne les athlètes sur le circuit de la coupe du monde. C’est une première pour moi, je n’avais encore jamais mis les pieds dans ce camion, et effectivement on peut dire que le nouveau est vraiment classe !
Je me sens un peu perdue. Tout est nouveau : le fonctionnement, les visages. Je demande à Alexandre Pouyé de me faire visiter et de me présenter le staff. Il m’explique comment tout fonctionne ici. Cela m’aide à être plus à l’aise. Ensuite, avec l’aide d’un technicien, on sélectionne quatre paires de skis que je testerai demain lors des entraînements officiels en vue de la course.
De retour au logement. Nous avons une petite réunion pour caler la logistique du lendemain. Une fois tout organisé, il ne reste plus qu’à profiter d’une bonne nuit de sommeil pour attaquer cette première coupe du monde dans les meilleures conditions.
Jour 2 – Jeudi 16 janvier 2025
Premier jour sur la piste de coupe du monde… Vous n’imaginez même pas à quel point ça bouillonne en moi ! Je suis tellement excitée par l’événement ! Malgré ma concentration, j’ai envie de sourire tout le temps.
Nous avons rendez-vous à 10h pour tester les skis de course. Une membre du staff s’est occupée de ma housse, m’a amené mes skis sur les lieux du test et a testé avec moi. Avoir quelqu’un qui veille à chaque détail de mon équipement, c’est à la fois surprenant et très motivant. Thomas Chambellant m’a également apporté de nouvelles paires, et j’ai eu la chance de trouver des bombes « Atomic » !
Ensuite, on a fait un décrassage avec Clémence [Didierlaurent], Léna [Quintin] et Justine [Gaillard] sur la piste. On en a profité pour repérer les points stratégiques : changements de style, zones d’accroche, parties techniques… Tout s’est super bien passé. Avec cette nouvelle piste et les infrastructures autour, j’ai presque du mal à croire que je suis à la Station des Rousses !
Retour au logement pour déjeuner avec l’équipe. Après une petite pause, on est reparties l’après-midi avec Léna [Quintin] et Justine [Gaillard] pour une petite séance de course à pied. Ça nous a fait beaucoup de bien de prendre l’air. C’est important de bouger un peu pour éviter de rester enfermées dans sa chambre tout l’après-midi.
La soirée est vite passée. Nous avons bien discuté avec Mélina [Berthet], ma coloc de chambre, avant de nous endormir pour une bonne nuit de sommeil.
Jour 3 – Vendredi 17 janvier 2025
Réveil tranquille à 8h30 ce matin. Avec Justine [Gaillard] et Léna [Quintin], notre team de sprinteuses, on part skier juste derrière le logement du CNSNMM. Une séance de 1h15 pour dérouler les jambes et profiter du calme avant la tempête. J’ai ensuite enchainé par un petit shooting avec Jules Claudel pour immortaliser ces beaux moments.
De retour au logement, on retrouve les filles en pleine préparation pour leurs premières courses. Avant qu’elles ne partent pour l’individuel skate de 10 km, je leur donne des paillettes à mettre sur leurs joues, façon Jessie Diggins !
On regarde la course des garçons et des filles bien au chaud au logement. Même si on est à deux pas du stade et que j’avais très envie de regarder les courses sur le bord de la piste, ce n’est pas le moment d’aller brasser du jus et de se refroidir inutilement.
Le soir, réunion pour la journée de course du lendemain, il y a beaucoup d’infos, je note tout sur mon téléphone pour ne rien oublier. Je remonte dans ma chambre, je fais du rouleau, je me masse les jambes et puis au lit !
Jour 4 – Samedi 18 janvier 2025
Le réveil sonne. C’est le grand jour. Je descends prendre mon petit-déjeuner. L’excitation commence à monter. Ensuite, je me prépare, je me coiffe, et avec les filles, on ajoute des paillettes sur nos joues. Une fois prêtes, on quitte le logement pour arriver aux alentour de 11h30 sur le site.
Dès notre arrivée, je sens l’effervescence. Il y a déjà beaucoup de monde, et ça rend tout encore plus réel. Je commence à réaliser : on y est. L’ambiance est différente de ce que je connais, plus intense, plus chargée. Je me sens un peu stressée, ce qui est rare pour moi. J’essaie de ne pas trop y penser, de me concentrer sur ce que j’ai à faire et je profite de chaque moments que peut m’offrir cette journée.
Première étape : tester les skis. Je fais un tour sur la piste pour vérifier l’accroche. Ça glisse bien. En passant, j’aperçois mes proches, ma maman est là. Je m’arrête une seconde pour lui dire bonjour. Ce petit moment me fait du bien.
Les skis sont validés, maintenant je passe à mon échauffement. Je ne change rien, je fais comme j’ai l’habitude faire, je me fais confiance. Le soleil brille encore sur le stade, il fait doux. Le temps file et l’heure approche. Je me dépêche pour être a l’heure de mon départ à 12h25.
Une fois la haut, je m’étire, je fais quelques montées de genoux. Je prends mes skis, les transpondeurs et je me dirige dans la raquette de départ. Une fois dans cette raquette, les encouragements montent. Tout le monde me souhaite bonne chance. J’entends mon prénom, des cris, des voix. L’ambiance est électrique. Une boule d’émotions se forme : stress, joie, excitation, tout se mélange.
Je m’installe dans le portillon. Le décompte commence. 3, 2, 1… et je me lance. Je pousse de toutes mes forces, je m’engage à fond dans la ligne droite, avant d’entamer la première bosse. Et là… c’est un mur de bruit. Les cris, les encouragements, la foule. C’est tellement fort que j’en oublie de respirer.
Je continue. Je donne tout, chaque poussée compte. Mais en haut de la descente, je fais une erreur. Je ne pousse pas assez. Je le sais, ça va me coûter des secondes. Mais dans l’instant, je n’y pense pas. Tout ce qui compte, c’est finir. Et finir le plus vite possible.
Une fois la ligne d’arrivée franchie, tout redescend : les émotions, l’acide lactique… Et là, j’entends mon nom. On m’annonce que je suis qualifiée pour les phases finales, sur ma première coupe du monde ! J’ai envie de crier de joie, de sauter dans tous les sens, mais je me retiens. A la place, je lève mes skis en l’air et je souris de toutes mes forces.
Ensuite, direction le buzzer pour choisir dans quelle poule je vais courir. Avec Alexandre Pouyé, on décide que le dernier quart de finale sera le plus adapté. Je buzz, je vois mon nom s’afficher sur l’écran. C’est un petit moment de satisfaction. Je retourne me changer et entame la récupération : un peu de kiné, de l’hydratation, de la nourriture, les jambes surélevées… Puis, j’attends les phases finales.
Ça y est, c’est l’heure. Je repars m’échauffer. Rien de nouveau, je reste dans mes habitudes. Ça m’aide à garder les pieds sur terre et à ne pas me disperser. Une fois dans l’aire de départ, je croise tous les coachs. Thibault Chêne me fait un dernier brief, simple mais motivant. Ses mots me donnent la niaque.
Je récupère mes skis, passe mettre mes transpondeurs et je me retrouve de nouveau dans la raquette. Cette fois, on est six filles au départ. Une caméra passe devant moi, je fais un petit coucou. C’est étrange, mais agréable. Je profite de ce moment à fond, le sourire jusqu’aux oreilles.
“Take your start position… Set… GO !” Je pousse sur mes bâtons… et, là, j’entends un bruit sec : crack. Mon bâton tape contre le portillon. Je lève la main : il est cassé. À ce moment, la seule chose qui me traverse l’esprit, c’est : putain, fait chier !!!
Je continue d’avancer, un peu perdue et sans bâton. J’enlève ma dragonne, et là, je vois Gaëlle [Félix] qui se précipite pour m’en passer un nouveau. Je remets la dragonne en un éclair. A cet instant, quelque chose bascule en moi. Je passe en mode « tueuse ». Je vois les autres filles au loin, elles sont dans mon viseur et là je me dit : aller faut tout donner !
Malheureusement, elles ont déjà pris de l’avance, elles étaient déjà loin. Je n’étais plus dans le match, mais il y quelque chose en moi qui fait que j’y crois toujours même quand cela parait impossible. Je suis partie reboostée comme jamais, j’ai tout donné et le public aussi, je me suis sentie portée, aidée et soutenue comme je l’ai jamais été. A ce moment-là je ne voulais pas les décevoir. Je fait une très belle remontée, je réduis l’écart, j’avais la forme ! Seulement, les filles ont basculé dans la descente 2 sec 5 devant moi, les 2 sec 5 de trop…
Je passe la ligne d’arrivée en dernière position de mon quart. Pas déçue, mais frustrée. J’avais tellement envie de jouer, de me battre contre les meilleures pour voir où je me situais. Cette fois, ça ne s’est pas passé comme prévu. Il y aura de nouvelles opportunités, j’espère que ce n’est que le début.
Après la course, je me fais interviewer par pas mal de monde, je signe des autographes et je prends quelques photos. Je n’avais jamais fait tout cela avant, c’est marrant, je le prends comme un jeu.
Je me change, puis je vais retrouver les coachs pour un débrief de la course. Je sens qu’ils sont également frustrés pour moi. Je vais ensuite voir mes proches, tout le monde est bienveillant. Ils me félicitent et me soutiennent. Je retourne au logement avec les kinés et Alice, la médecin. L’ambiance dans la voiture est légère, on rigole. C’est agréable de finir la journée comme ça.
Quand je remonte dans ma chambre, je n’arrive pas à réaliser ce qui vient de se passer. J’ai encore les cris de la foule dans ma tête. Tout se mélange. Cette journée était tellement intense, tellement belle. Mais la fatigue finit par l’emporter. Malgré l’excitation, je m’endors rapidement même si j’aimerais que cette journée ne s’arrête pas. Bonne nuit.
Jour 5 – Dimanche 19 février 2025
En me réveillant, j’ai l’impression d’être dans un rêve. Ce que j’ai vécu hier me semble à la fois lointain et si proche. Les émotions sont encore là, mais pas le temps de trop y penser ce matin : on doit vider les chambres rapidement et partir skier tôt avec Liv [Coupat], Clément [Parisse], Mélina [Berthet] et Ivan [Essonnier] avant la mass-start des filles, prévue à 11h20.
Honnêtement, je suis bien rincée. La séance de ce matin m’a semblé être la plus dure de l’hiver ! Mais je découvre les belles pistes du Jura. La neige est bonne, les paysages sont magnifiques, et on en profite.
De retour au logement, on saute dans la navette en direction du stade. La course va bientôt commencer, et je suis prête à donner de la voix. La course est impressionnante, les filles sont tellement fortes ! Depuis le bord de la piste, je donne tout ce que j’ai pour les soutenir.
L’ambiance de ce côté-là, en tant que spectatrice, est différente. Je vois les choses sous un autre angle, j’apprends tout autant et je ressens les émotions différemment. Après la course, je retrouve des amis. On rigole, on discute, et bien sûr, je ne résiste pas à l’appel d’un hot-dog à la fondue au stand du Gruyère. Evidement que j’ai aussi mangé tout le fromage mis à disposition pour la dégustation, oups !
Je fais aussi un tour pour discuter avec quelques partenaires. J’adore ces moments-là, ces moments de convivialité où je croise du monde, où je peux prendre le temps de créer des relations. Mais il commence à se faire tard, le froid s’installe, et la course des garçons n’est que dans deux heures. Je décide de ne pas attendre. Je remballe mon matériel, charge la voiture, et on conclut ce week-end par une petite réunion avec les coachs.
Il est temps de mettre les voiles. Quatre heures de route m’attendent avant de retrouver la maison à Briançon. Quatre heures pour digérer tout ce qu’il s’est passé ce week-end.
Je peux maintenant répondre à ma propre question : effectivement, sa première coupe du monde, on ne l’oublie pas ! Ces cinq jours ont été intenses, riches en émotions et en apprentissages. C’est le plus beaux week-end de course que j’ai vécue ! Merci à tous ceux qui y ont contribué ! A bientôt sur les skis.
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