SKI DE FOND – À 34 ans, le fondeur haut-savoyard Maurice Manificat, athlète Salomon, sort d’une saison très compliquée où la cinquième place de Davos (Suisse) constitue sa seule éclaircie. Pour Nordic Magazine, le triple médaillé olympique revient sur les raisons de cet exercice difficile, évoque les longues distances, sa préparation estivale et l’avenir.
On avait laissé Maurice Manificat terminant péniblement le Ski Tour 2020 à la 29e place à l’issue d’une poursuite folle organisée à Trondheim : ce jour-là, Alexander Bolshunov avait enfilé une paire de skis mal fartée et perdait toute son avance, se faisant devancer par l’armada norvégienne menée par Paal Golberg.
Le fondeur d’Agy (Haute-Savoie), en méforme, savait que c’en était fini pour lui en coupe du monde : il allait se tester sur les longues distances. Malheureusement, le coronavirus est passé par là et il n’a pu faire que La Savoyarde, dont il a remporté le 21 kilomètres skate, quelques jours avant le début du confinement.
C’est un Maurice Manificat en pleine forme qui a répondu aux questions de Nordic Magazine depuis Prémanon (Jura), où il était en stage avec l’équipe de France. Lucide et plein d’espoir, le skieur est sur le chemin du retour.
- Avec du recul, comment expliquez-vous vos résultats de l’hiver passé ?
C’était multifactoriel. J’étais en méforme physique qui venait, je pense, d’un contrecoup de l’hiver d’avant. Et puis, j’ai le corps qui vieillit aussi [rires] !
J’ai mal encaissé les charges d’entraînement. Ce sont des choses qui peuvent arriver et j’ai débuté l’hiver comme ça, sans jamais réussir à m’en sortir. C’était un tout et, en plus, je suis tombé malade au mois de janvier avec une bronchite et une sinusite qui m’ont scotché au lit pendant un mois. Je ne pouvais plus rien faire et ça m’a désentraîné.
Quand je suis revenu, j’avais l’impression que la forme revenait mais ça s’est arrêté [rires]… Je n’avais jamais vécu un hiver blanc comme ça, aussi dégueulasse. Il y avait toujours eu au moins un podium ou une satisfaction, même quand j’étais jeune.
- En fin de saison, vous aviez prévu de faire des courses en France, notamment des longues distances…
Je n’avais pas prévu de faire la fin de la coupe du monde. J’avais commencé à faire La Savoyarde, où j’avais des super sensations, pour préparer quelques Visma et des longues en classique comme la Birkebeinerrennet… Mais, finalement, ça s’est arrêté. Je voulais le faire pour me tester un peu, voir ce que donnait ce milieu, et pour changer d’air.
« Les longues distances me font envie mais plus l’après carrière […] Les Jeux, les Mondiaux et la coupe du monde m’animent encore »
- À vous entendre, vous semblez être attiré par les longues distances…
Ce sont des courses mythiques ! C’est l’ADN du ski de fond, même s’il est un peu différent maintenant avec l’arrivée de la poussée, omniprésente sur la Visma, même s’il y a aussi des longues en skate.
Ce sont aussi des courses populaires où se retrouve dans la masse avec les pratiquants loisirs ou des gens qui se lancent des défis. C’est un monde un peu différent qui pourrait m’attirer en après carrière. C’est quelque chose qui fait envie mais, moi, j’ai du mal avec les sorties longues parce que je me déshydrate très vite. Je tolère mal, mais c’est un défi pour moi de me dépasser musculairement et physiologiquement pour tenir la distance.
Ça me fait envie, je n’y suis pas fermé mais je ne veux pas m’y consacrer à plein temps pour le moment. Les Jeux, les Mondiaux et la coupe du monde m’animent encore.
- La semaine dernière, lors du stage organisé à Prémanon (Jura), vous avez parcouru beaucoup de distance : comment cela s’est-il passé ?
On a eu de la chance avec la météo, on est passé entre les gouttes. On a eu un beau Jura ! On n’était pas trop au courant du programme mais c’était super chouette, on a fait une belle traversée entre le Jura et le Doubs sur des routes que je fais très peu. C’est bien quand c’est comme ça. Ça fait travailler le physique et le collectif, la vie en groupe. Ça fait faire des aventures [rires].
« Pour le collectif, les changements ne font jamais de mal »
- Plus globalement, la préparation estivale a bien débuté avec les conditions de neige sur le glacier de la Grande-Motte à Tignes le mois dernier…
Le glacier était beau, même s’il s’est vite réchauffé, avec des belles quantités de neige. Le premier jour, on est allé en face du glacier à des endroits où on n’était pas remontés depuis 2003 et la canicule. C’était dingue, exceptionnel. On n’est pas entassé sur des glaciers scandinaves ou ailleurs, plus réputés. On a fait un bon travail.
- Ce printemps, le staff de l’équipe de France a été bouleversé avec, notamment, le départ de François Faivre et l’arrivée d’Olivier Michaud : ce changement était-il une demande des athlètes ?
Indirectement oui. Ce n’est pas une volonté directe, mais c’est quelque chose à laquelle, tout au long de notre carrière, on est préparé. On fait avec les changements de staff. Quand ça se fait, on est plus ou moins surpris… Pour le collectif, les changements ne font jamais de mal.
« L’absence du Blink Festival n’est pas très gênante »
- Vous projetez-vous d’ores et déjà sur l’hiver prochain ?
Je l’imagine bien même s’il faut éviter de se projeter comme ça trop loin, trop tôt. Pour l’instant, ça se passe bien. J’ai une méthode de travail différente des autres en étant un peu moins à cheval sur certaines choses. Les objectifs sont en tête et on y pense petit à petit. J’espère un bon hiver et surtout un hiver complet [rires].
- L’absence du Blink Festival au programme estival va-t-elle vous porter préjudice ?
Non, je ne pense pas. C’étaient des courses qui nous permettaient de nous tester et de nous confronter avec les étrangers. Ce n’est pas très grave, même si c’était un stage un peu sympa avec des séances d’entraînement dans un cadre qui change de la France. Ça mettait une ambiance coupe du monde mais, au final, les longues séances qu’on a faites à Prémanon sont dans le même esprit.
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Photos : Nordic Focus.