Ski de fond : Maurice Manificat a fait ses adieux à la coupe du monde
La boucle est bouclée. Dimanche, à 12h45, Maurice Manificat a coupé la ligne de sa dernière course sur la coupe du monde de ski de fond, le mythique 50 kilomètres classique d’Oslo-Holmenkollen (Norvège). Attendu par tout le staff ainsi que ses coéquipiers, l’un des géants du nordique français a tiré sa révérence avec émotion. Pour Nordic Magazine, il raconte son baroud d’honneur avec émotion.
En retard pour la réunion de veille de course…
« Cela a commencé vendredi où j’ai retrouvé les copains pour ce dernier week-end de coupe du monde. Je savais que j’allais profiter à fond et c’est ce que j’attendais. A la réunion de veille de course, j’ai réussi à arriver en retard [Rires] ! C’était un peu comme si je n’avais pas envie d’affronter la der’. »
« Il y avait déjà beaucoup d’émotion dans les derniers préparatifs de la course avec les discours de Thibaut [Chêne] et d’Alex [Rousselet]. Ensuite, on a bu une dernière mousse avec le staff car la plupart d’entre eux allait déjà rejoindre Drammen dès le dimanche après-midi. Ce sont des moments de détente agréables qu’on a déjà eu fait en temps normal. »
« J’essaie de faire la course concentré même si ce n’est pas évident »
« Le jour J, c’était comme un matin standard de coupe du monde. On a couru à 10h30 donc cela ne laisse pas passer toute la journée avant d’y aller. Avec Mathias Wibault, on avait préparé cela depuis que j’ai été malade il y a quelques semaines. A aucun moment je ne voulais faire le « barbot » car cela reste un 50 kilomètres et ce n’est pas anodin. Je ne voulais pas le finir en travers car je l’ai fini tellement de fois déshydraté, avec des crampes, en hypo’… Il fallait jouer sur une bonne gestion de la course et c’est cela qui ferait que j’en profite pleinement. »
« On est resté concentrés, chacun reçoit ses consignes et s’y plie avant de se rendre au départ. Je suis content d’y être et j’essaie de faire la course concentré même si ce n’est pas évident [Rires] ! Je voulais faire ça bien et aller chercher une belle course. »
« Je fais le premier tour au contact du peloton. Cela skie bien mais, ces dernières années, c’est le cas dès la première boucle même si ce n’est pas un rythme effréné non plus. A partir du deuxième tour, je ressasse plein de choses. Tout me déconcentre sur le parcours et les émotions me viennent. J’essaie de me ressaisir mais cela me coupe la respiration. Il y avait trop de souvenirs qui remontaient. »
Des émotions difficiles à contrôler
« La course se durcit mais je suis en gestion et je décroche. Je vois que je n’arrive pas à suivre. Au moment où je veux rentrer dans le mal, les émotions me reviennent toujours et ce n’est pas évident d’être à fond. Quand je suis décroché, je veux profiter du public mais pas dans l’immédiat. Je me demandais comment allait se passer mon dernier tour et ce que j’allais faire à l’arrivée. Plus ça va, plus je me dis que ça y’est, c’est la der’. C’est une page qui se tourne. Mais elle est en plomb et c’est dur de la tourner. »
« Cela ne s’oublie pas comme ça. Mais le but n’est pas d’oublier donc je profite. Mais, dans l’avant-dernier tour, je n’arrive pas à respirer et cela me prend de l’asthme comme jamais je n’ai eu. Je pleure une première fois au milieu de la piste. Je rattrape [Simen Hegstad] Krueger qui a aussi galéré car il revenait de maladie. Je ne pense plus à la performance mais je veux à tout prix rallier la ligne en essayant de ne pas me faire laper [Rires]. Je vois que cela va se faire car je suis en gestion et je n’épuise pas mes réserves. Je ne suis pas à bloc mais je n’arrive pas à aller plus vite. Dès que je veux accélérer, cela me bloque. »
« C’est la première fois que je ne contrôle pas mes émotions dans une course. Dans les relais des grands évènements, il y a toujours ce moment où ça sent bon et l’on voit la médaille venir ou, inversement, ça peut ne pas aller. Tant que tu n’as pas passé le relais ou franchi la ligne, tu es concentré dans ce que tu fais. En course, j’ai toujours su contrôler mais là, c’était impossible. J’étais à la fois agacé de ne pas faire cela comme il faut, mais en même temps à me dire que c’était normal et que je devais laisser couler et profiter. »
Un dernier tour pour saluer le public
« Arrive ensuite ce dernier tour. Je ne peux plus respirer tellement j’ai la gorge serrée [Rires]. Je n’arrive pas à me contenir et je pleure tout seul comme un « débile » sur la piste. A partir de ce moment, j’en profite. Certes, le public n’était pas nombreux et ce n’est pas le Holmenkollen que j’ai connu avant. Ce n’était pas l’ambiance qu’on imaginait. »
« J’allais taper dans les mains de tout ceux qui m’encourageaient. C’était incroyable car, toute la course, il y avait d’autres athlètes autour mais tout le monde m’encourageait moi. C’était fou de se rendre compte que beaucoup de gens m’ont suivi. Ce tour d’honneur, c’était un peu comme sur les Champs-Elysées. Il y avait quelques amis et c’était dingue de profiter avec eux. »
« Pendant la course, je repense aux Mondiaux sur ce site en 2011 et à une des images marquantes où [Petter] Northug fait son dérapage avec toute l’arrogance du monde. A l’époque, j’avais détesté mais c’était lui. Plus le temps est passé et je me dis que c’était fou ! C’est ce qui fait aussi la renommée du ski de fond. On rigolait tellement de ce truc là que je voulais trouver un truc dans cette idée. »
« A la fin, on m’a tendu un sandwich avec une saucisse dans la dernière grosse bosse avant de rentrer sur le stade. Mais je n’ai pas pu le prendre car je n’avais pas faim [Rires] ! Ensuite, il y a François Faivre, entraîneur de la Suisse, qui était sur la fin de la zone de ravitaillement. Il m’avait dit de m’attendre à un petit truc dans la boisson qu’il me donnerait. Il m’a tendu un petit gobelet de Schnaps [eau de vie] qui est bien passé ! »
Douche de prosecco et « shoey » à l’arrivée
« Je dérape avant la ligne et je salue la foule une dernière fois avant de la couper. C’était ma façon de dire aurevoir au circuit. Je me doutais qu’il y aurait quelque chose mais c’était quand même la belle surprise de les voir avec les dossards inscrits « Merci Momo ». Je ne crois pas que c’était du champagne mais il y avait du prosecco. C’est très bon aussi et ma tenue est imprégnée de ça désormais et je pense qu’on va me sentir de loin en Norvège [Rires] ! »
« Hugo [Lapalus] et Jules [Lapierre] me tannait pour que je fasse la « shoey » comme ils appellent cela lorsque l’on boit dans la chaussure. On transpire dedans toute la course et toute la saison et je me suis dis que je ne pourrais jamais boire là-dedans sinon, j’allais choper la mort [Rires] ! Au début, j’ai voulu faire ça dans la coque en carbone mais, finalement, je n’ai pas réfléchi et j’ai fait aller. Ma chaussure pue mais je vais pouvoir récupérer ! J’étais là pour profiter de ces moments de joie pure. C’était le lâcher prise. »
« S’étreindre avec tout le staff et les copains, c’était incroyable. Cette journée restera gravée à vie. C’est presque aussi fort que les Jeux olympiques où il y avait déjà beaucoup d’émotion. Si je devais comparer les émotions de ces dernières semaines, c’est un peu comme une rupture amoureuse qui n’est pas voulue. Cela te tombe dessus et tu ressasses et te remémore des choses. C’est beau et à la fois triste mais c’est fort. »
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