Ski de fond : Laurie Flochon-Joly raconte sa Vasaloppet
« J’ai la chance cette année de participer à toutes les plus grandes courses de ski avec le Team Nordic Expérience Coste – Fromageries Marcel Petite. Début mars, j’avais donc hâte de prendre le départ de la Vasaloppet, cette course qui m’a fait le plus rêver depuis petite. Je me souviens de regarder les départs sur YouTube avec mes copains de ski dans la cour du collège. On se disait que c’était LA course à faire pour une fondeuse passionnée ! J’ai toujours trouvé cette foule particulièrement belle et émouvante. »
« Ce dimanche 4 mars, c’était donc enfin mon tour de faire partie de cette foule. Sur place depuis le lundi avec le TNE, on a pu repérer une partie du parcours. Cette course a lieu au milieu de nulle part, dans une région de la Suède autrefois assez pauvre où les bûcherons taillaient des petits chevaux en bois en guise de jouets pour leurs enfants. Ces chevaux sont désormais le symbole de la région de Dalécarlie et le vainqueur de la Vasaloppet en remporte un grand ! »
« Ce qui est fou, c’est que la semaine de la Vasaloppet à Sälen, ce sont des milliers de passionnés de ski de fond et de son histoire qui sont présents. Tu skies sur la piste et tout le monde se salue. Tous les jours de la semaine, il y a une course : la Tjejvasan réservée aux femmes, des courses en skate, en relais, pour les enfants, etc. Mais le dimanche, c’est autre chose. »
« La journée commence pour moi à 5 heures. Durant la (courte) nuit, j’ai évidemment rêvé de la course… mais j’ai peu dormi. Même s’il est 5 heures, je sens que j’ai une énergie particulière. Je ne suis pas stressée, mais excitée de prendre le départ (non c’est faux, je suis très stressée pour ce départ…). Seulement, on se retrouve coincés en bus dans des bouchons à 1 kilomètre du départ. C’est là que le stress monte (et Fast and Furious commence). Heureusement, nous avons pu arriver à temps. »
« On s’échauffe un peu car on sait que ça va partir plein gaz. Et, en m’échauffant sur le départ, je vois la ligne se remplir à vue d’œil. C’est impressionnant ! On dirait plein de petites fourmis dans une fourmilière. Ok, on y est ! Deux minutes avant le départ, je me retourne et je ne vois pas la fin de la masse qui est derrière moi. Je regarde ma collègue norvégienne à côté et on se dit qu’on a quand même peur ! Il faut s’imaginer que je pars quatrième ligne du sas élite où on est déjà 300 coureurs. Il y a 10 sas de départ au total avec 1 500 coureurs par sas. Derrière moi ? Des morts de faim. Des mecs pour qui la Vasaloppet est le but ultime. »
« Tout d’un coup, deux femmes chantent dans le micro. La foule se tait. Wahou, je n’étais pas prête ! Tout mon corps frissonne, j’ai la chair de poule et l’émotion me submerge. Je verse ma larme et je me dis : « Ok Laurie, reste concentrée, ce n’est pas le moment d’être trop dans l’émotion ! » BOOM, le coup de fusil et c’est parti mon kiki !!!! »
« Le départ se passe bien, jusqu’à ce que j’arrive dans la bosse. Tout le monde crie, se double, s’arrête et je décide de rester du côté droit (je suis un peu claustrophobe et je n’ai pas envie de me retrouver au milieu de cette foule). Pour vous laisser imaginer la foule, c’est comme le concert d’Indochine à Musilac, mais avec des skis et des bâtons ! »
« 200 mètres de montée et c’est le drame. Un mec me passe à droite et ouvre le canard sur ma canne… qui casse nette !!! Je lui hurle dessus et l’insulte très vulgairement. Il est Suédois et n’a pas compris. Heureusement, car tout son arbre généalogique y est passé… Commencent alors 7 kilomètres de galère où je me retrouve en canard un peu glissé. Je n’avais pas le choix pour avancer dans cette piste de ski alpin. Je tombe plusieurs fois, me relève, me refais insulter… jusqu’à voir l’organisation avec des bâtons. Alléluia ! Je saute sur un bâton à peu près à ma taille mais avec une dragonne de 30 centimètres de long, pas serrée. Tant pis, ça fera l’affaire et je sais que Tatol [Antoine Tarantola] est au kilomètre 7. Je finis la bosse avec une énergie d’énervé ! Ce n’est pas un vieux Suédois qui va décider du sort de ma Vasaloppet !!! »
« Bam, je retrouve Tatol, on change de canne, je prends même le ravitaillement et, là, c’est parti ! Je vais remonter la foule pour retrouver des filles. S’en suivent 10 kilomètres à slalomer entre les mecs à fond et à prendre des trains de quinze personnes. J’ai comme la sensation d’être un saumon qui remonte la rivière au printemps !!! Je retrouve Capucine [Richon] et, là, on part pour une vingtaine de kilomètres ensemble à remonter encore et toujours plus de monde. Elle a été mon premier rayon de soleil dans ce début de course tumultueux. On a discuté, rigolé et on s’est surtout beaucoup entraînées. J’adore ! Elle a quand même osé me lancer un « plus qu’une Marcialonga, Laulo » au kilomètre 70 !! »
« On passe la mi-course et je me sens toujours aussi bien et forte dans les bosses. Alors, j’accélère car je sais que cette partie me correspond bien. Le staff du team nous ravitaille tous les 10 kilomètres. C’est là que je vois Jérémy [Royer] me tendre un bidon. Choquée, je lui sors un : « Qu’est-ce que tu fous là ??? » Il me crie un : « J’ai pété un ski… T’es à 2 minutes du top 30, allez ! » Cela me donne un coup de boost, je veux me battre pour ce top 30 pour moi, mais aussi pour mon équipe. J’irai chercher la vingt-neuvième place au bout de l’effort. Les 12 derniers kilomètres sont plats et très longs. Y’a plus un schuss, il faut pousser sans arrêt. Je vois que je perds du terrain sur les mecs avec qui j’étais. C’est dur mentalement. »
« J’ai de l’énergie, mon corps répond encore, mais ma tête a envie d’arrêter. Je me bats contre de vilaines pensées. Pour cela, je pense à ma famille, à mes sœurs et à mon équipe. Bam, émotions, j’ai envie de pleurer (encore, mais t’as pas fini ??). Ce que je vis est indescriptible. Je ne lâche rien, car la peur qu’une fille (ou Fabien Coste) me rattrape me fait encore avancer ! À quelques kilomètres de l’arrivée, je me dis : « Purée, mais c’est long, c’est quand qu’on arrive ??!! » Ça y est, je vois l’église !!! Ahhhh, la dernière ligne droite est longue mais si belle !! Je passe la ligne, exténuée mentalement et physiquement. »
« Emotivité accrue, je pleure de joie et encore plus quand je vois les garçons de l’équipe qui m’attendent. Je ne me sens pas souvent fière de moi, mais, cette fois, je suis fière. Ce n’est pas pour me la péter, mais je suis la première « européenne » et deuxième non-scandinave de cette Vasaloppet, la première étant la Japonaise Masako Ishida. »
« Pour certains, ce n’est peut-être qu’un top 30. Je sais qu’en France, tant que tu n’as pas fait de podium, tu n’es parfois pas considéré comme un athlète de haut niveau. Il faut s’imaginer que le niveau est tellement élevé chez les femmes, qu’Émilie Fleten, qui gagne en solo, passe au kilomètre 12 avec 3 minutes de retard sur le groupe de tête des hommes !!! Elle fait top 80 au scratch avec les hommes. Et la deuxième, top 90… Elles ont fait la course seules, sans pouvoir se servir des groupes des hommes même s’ils pouvaient les aider, à l’aspiration notamment. J’admire tellement !! C’est elles qui, malgré le monde et le nombre d’hommes, ont fait leur propre course, leur propre choix. C’est beau de voir ça sur une course qui a été interdite aux femmes jusqu’à 1980 !!!!!!!! Et, ensuite, elles n’ont été récompensées sur un podium qu’à partir de 1997 (27 ans, mon âge…). »
« J’ai été malchanceuse au départ, mais, en même temps, c’est mon premier bâton cassé de la saison. On le sait tous, ça fait partie du jeu, je me dis que, finalement, il vaut mieux casser sur cette course qui fait 90 kilomètres que sur un 30 kilomètres ! Il y a le temps de remonter 😂. »
« Pour résumer, cette Vasaloppet est une sacrée expérience partagée et c’est ça qui la rend encore plus belle. J’espère avoir un peu récompensé le travail de malade de Maxime, Antoine, Yann et Laurent pour nous trouver le meilleur fart. Bravo à Fabien Coste qui a fait partie de l’aventure avec nous pour sa 677e place et à Antoine Marceau pour sa 1090e place ! »
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