SKI DE FOND – Le fondeur de l’équipe de France de ski de fond Clément Parisse est aussi un grimpeur hors normes. Il a partagé une aventure exceptionnelle avec deux amis Lucas Duperrex et Nicolas Bartalucci. La vidéo de leur aventure vient de paraître et c’est un régal pour les yeux… et les oreilles !
Clément Parisse et l’envol des colibris
C’est à Puerto Montt que le trio se regroupe. Quelque part dans le Chili austral, cette ville de la région des lacs est le point de rendez-vous de trois aventuriers : Clément Parisse, Lucas Duperrex et Nicolas Bartalucci. Le premier est skieur de l’équipe de France, le second un étudiant Chamoniard à Grenoble après quelques années de skieur au comité du Mont-Blanc et le troisième, un Auvergnat aspirant guide, a été recruté… sur Internet. Sur le site du club universitaire d’escalade de Grenoble précisément. « Lucas est resté cinq mois au Pérou pour faire de l’humanitaire et m’a proposé d’aller grimper pendant un mois en Patagonie. Du coup, on a cherché un équipier pour partager l’aventure… et le poids des sacs », explique Parisse. Autant à l’aise sur les parois que sur les lattes, le vice-champion du monde U23 du 15 km libre retrouve donc ses acolytes au nord de la Patagonie, début avril pour profiter d’un climat agréable pour la grimpe.
Après une première nuit passée chez un couchsurfeur, histoire de minimiser au maximum les coûts de l’expédition, les trois copains, une fois leurs sacs remplis de 10 jours de vivres, passent la journée à rechercher d’essentielles bouteilles de gaz adaptables à leurs réchauds occidentaux !
Direction ensuite Cochamo en Argentine, qu’ils rejoignent en levant le pouce le long d’une piste qui contourne par le nord le volcan Calbuco et la réserve nationale Llanquihue. La flore est déjà dépaysante : résineux, ronces, muriers, mousses qui pendent des arbres, fleurs tropicales fleurissent sur le parcours qui les mène, via le spectaculaire sentiers des canyons, au refuge de Cochamo.
Grimpe en musique
Comme si les sacs de 40 kg n’étaient pas assez lourds, les randonneurs-grimpeurs ont emmené avec eux quelques instruments… de musique. Inspirés par les frères Favresse, des grimpeurs belges de très haut-niveau mais un brin déjantés, Clément a emporté sa guitalélé, Nicolas sa guimbarde et sa flûte irlandaise et Lucas, un mélodica, sorte de piano à vent, ainsi qu’un fer à cheval pour les percussions !
De quoi repousser ses limites, ou tout au moins « sortir de [sa] zone de confort », dans la bonne humeur. Avant de partir pour l’Amérique du sud, la joyeuse équipe avait repéré de superbes falaises… sur Google maps, dans un lieu baptisé l’amphitheatro, un cirque splendide.
Le bivouac est installé sous un gros bloc non loin de ces parois tant attendues et redoutées. Tout autour d’eux, des murs de granite, de dalles compactes et lisses les toisent sur près de 1000 mètres de haut. Vertigineuses. Dans le ciel, le vol majestueux des condors et des vautours, et celui, plus rythmé, des colibris inspirent l’équipe qui trouve un nom à la voie qu’ils ouvriront bientôt : « L’envol des colibris ».
Le premier jour de grimpe arrive enfin, « il était temps car j’avais besoin de pratique », s’amuse le skieur qui vient seulement de ranger les skis après de très populaires championnats de France à Courchevel-Méribel. Mais deux jours de grosse pluie coincent le groupe sous le bivouac où les dérangeants rats sont piégés avec de la peau de saucisson au fond de bouteilles vides. Le saucisson est d’ailleurs l’apport en viande de repas parfaitement équilibrés : fajitas en masse, fromage, pâtes, riz, soupes lyophilisées et beaucoup de chocolat sont partagés entre les compères qui ont recours à pierre-feuille-ciseaux pour l’attribution du rab… La pêche au coup tentée avec un semblant de canne ne permit d’ailleurs pas de diversifier le contenu de l’assiette.
750 m d’escalade
Le lendemain, départ dès potron-minet pour une longue journée d’escalade. L’objectif du périple se dresse devant eux : une voie de 750 m en TD+ avec des passages en 6b et 6c pour les connaisseurs. Equipés de mousquetons, marteau, pitons, friends, coinceurs, dégaines et autres big bro, les trois copains hissent leur corps et leur 35 kg de matériel via une impressionnante fissure surplombante. Gaz garantis. Ils parviennent jusqu’au sommet de Cerro Noémie à plus de 3000 m d’altitude après un effort intense physiquement comme nerveusement. Le casse-croute pris au bivouac à… minuit rechargent les batteries.
La bougeotte reprend le troupe qui s’oriente vers Bariloche, en Argentine. Ils font escale dans cette ville de la province de Rio Negro avant de rejoindre la piedra parada, un spot réputé pour la douceur de son climat. « Mais, on a eu froid ! »
Le décor n’a plus rien à voir : pampa, terrains vallonnés où volent de grosses touffes d’herbe, piste en terre au milieu d’un canyon, mais surtout un rocher beaucoup plus friable, donc plus dangereux pour qui y pose les chaussons. Depuis leur camping sauvage installé sous un arbre protecteur de la vallée de Chubut, les grimpeurs se régalent toute la semaine sur les parois. Et en profitent pour composer la musique qui accompagnera le film de leur aventure patagonienne prochainement présenté dans les festivals de montagne et d’escalade. « C’est un fabuleux souvenir de cette aventure et une manière de donner envie aux gens d’aller au bout de leurs rêves », se réjouit le joueur de guitalélé.
L’aventure se termine avec quelques jours sur les aiguilles de Frey, semblables à celles des Aiguilles rouges, mais dans un décor insolite : le volcan Calbuco en éruption envoie des volutes de fumées et nuages de cendres sur toute la région. « L’ambiance était étrange avec beaucoup de vent, ces flocons de cendres et ce décor typique de la Patagonie ». Des images à jamais gravées dans les esprits de ces grimpeurs amoureux de montagne et de musique.
Article paru dans Nordic Magazine #20