Ski de fond : Samuel Régé-Gianasso satisfait des Mondiaux, mais ambitieux pour la suite
La semaine a été intense sur les pistes de Lygna (Norvège). Au bout de ces Mondiaux juniors et U23 de ski de fond, la France repart avec une médaille d’argent, sur la toute dernière course et le relais mixte composé de Mélissa Gal, Théo Schely, Jules Chappaz et Eve-Ondine Duchaufour.
Pour Nordic Magazine, l’entraîneur de cette équipe de France dames, Samuel Régé-Gianasso, revient sur les moments forts de ces championnats du monde, pour le moins riches en émotions.
- Comment analysez-vous les Mondiaux de l’équipe de France ?
Il y avait une forte implication pour tout le monde. Les athlètes comme le staff ont font un gros travail durant cet événement. Il y a des signaux qui laissaient espérer de belles choses comme l’individuel de Mélissa Gal ou encore celui des garçons en U23. Les juniors étaient un peu impressionnés en entrant dans le tournoi, mais les filles ont fait un super relais le lendemain. Elles ont dit qu’elles n’allaient pas se laisser faire comme ça et elles l’ont prouvé en jouant très bien le coup et en faisant sixièmes.
- Selon vous, peut-on dire que ce sont des Mondiaux réussis pour les Bleuets ?
Vous savez, il y a la médaille, donc pour moi ce sont des Mondiaux réussis. On peut bien sûr faire mieux. Les jeunes ont beaucoup appris, ils ont pu voir le niveau des autres nations et ce qu’il faut aller chercher pour faire la médaille. On espérait mieux, mais on se dit qu’au printemps on peut capitaliser dessus pour revenir plus forts. C’est une source de motivation aussi de se faire piquer comme ça sur certaines courses.
- Il y a dû y avoir une certaine pression d’obtenir cette médaille tout de même…
Au fil de la semaine, il n’y a pas eu la récompense qu’on attendait. Le dernier jour, on sentait quand même que malgré le manque de résultat, il y avait cette envie, cette force du collectif. Et puis il y a eu cette médaille ! Je trouve que les courses individuelles sont frustrantes dans l’ensemble, mais une fois de plus le collectif a payé.
- Qu’a t-il manqué selon vous pour aller chercher plus de médailles ?
Il nous faut un petit peu plus sur le terrain, il manque ce petit truc. J’ai l’impression que c’est encore plus de travail à l’entraînement. On est pourtant rapides, je crois que la différence avec la Russie et la Norvège, c’est qu’ils arrivent à maintenir la même vitesse du début à la fin. Je pense qu’il faudra en mettre encore un peu plus à l’entraînement.
Les filles ont en tout cas su réagir, ça les a peut-être un peu décomplexées ce mauvais début de tournoi. Sur le 15 km, on a pris une petite claque mais on a pu repartir de l’avant le lendemain. C’est une belle réaction d’orgueil de leur part. Il y a une vraie belle densité chez les filles, elles sont capables d’être parmi les toutes meilleures du circuit. C’est prometteur pour la suite.
- Vous dites que c’est prometteur pour la suite. Quelles sont les satisfactions et déceptions de ces Mondiaux chez les juniors féminines ?
Liv Coupat a fait une très belle impression sur le relais, pareil pour Cloé Pagnier. Cela leur servira pour la suite. France Pignot a fait de gros progrès sur le classique. J’avoue qu’au printemps, je ne la voyais pas être alignée sur un individuel classique. Là, elle méritait sa place. Il faut encore bien sûr beaucoup de travail, les résultats sont mitigés, mais elle est constamment en progrès et fait de très bonnes performances. Elle a vraiment l’envie de trouver la solution. Sa volonté de progresser est vraiment remarquable. Elle a des vraies qualités en sprint en plus de tout cela.
Pour Maëlle Veyre, ce n’était en revanche pas sa semaine. C’est une saison compliquée pour elle, elle a connu quelques mésaventures tout au long de la saison. Elle a de vraies qualités sur le KO, qu’elle a démontrées cet été. C’est dommage, elle a peu de références pour elle cet hiver.
En ce qui concerne Julie Pierrel, c’est la régularité incarnée. Elle a fait des super courses en OPA Cup. Elle tente de nouvelles choses, ce sont des réglages maintenant à rectifier. Elle est encore un peu gentille dans le peloton, elle va progresser sur cet aspect là.
- Lors du relais mixte, on a vu Mélissa Gal en grande forme. Comment a-t-elle su gérer l’enchaînement entre les Jeux olympiques et les Mondiaux U23 ?
Mélissa a été formidable sur le relais. Même sur l’individuel, elle n’est pas passée loin de la médaille. Elle travaille beaucoup, elle est très curieuse. Souvent, elle vient frapper à ma porte pour qu’on bosse sur certains points. Au niveau des qualités de base, elle n’a pas forcément plus que les autres, mais elle a cette ténacité et cette progression qui montrent que c’est possible.
Je pense que les Jeux olympiques lui ont fait passer un cap. Elle n’y est pas allée à reculons. Je trouve ça fort, ce sont ses premiers Jeux et elle a osé y aller. Elle a saisi cette chance. Le fait d’avoir ce contact avec les pros et de voir le niveau global de course, cela lui permet d’apprendre au fur et à mesure.
- En ce qui concerne Eve-Ondine Duchaufour, c’est aussi très encourageant pour la suite. N’est-ce pas ?
Pour Eve-Ondine, c’était son premier Mondial. Elle arrive là et en peu de courses, elle a réussi à se dire qu’elle pouvait être dans le match. Elle a élevé son niveau sur le relais et je suis persuadé qu’elle peut reproduire ce qu’elle a fait là par la suite. Elle a osé faire une belle prestation, suivre en trouvant des solutions. Elle s’est trouvée une course de référence, clairement.
J’ai cru à la médaille d’or, oui, c’était possible et ça s’est joué à peu. Eve-Ondine avait la consigne de skier relâchée. Mais si la Norvégienne temporisait, il fallait skier et c’est ce qu’elle a très bien fait. On a vu qu’elle avait même une certaine facilité pendant le relais. Finalement, la Norvégienne a mis une accélération. Mais c’est une très belle médaille. Cela aurait pu mal se goupiller avec la Russie et la Suisse derrière. Mais elle a fait le travail, elle a su contrôler la médaille.
- Comment expliquez-vous que les athlètes arrivent à se surpasser comme cela dans des relais, alors qu’en individuel c’est un peu plus compliqué ?
C’est une équipe qui vit bien ensemble, que ce soit en entraînement ou en communauté. Ils ont envie d’aller s’entraîner ensemble. C’est ce qui fait notre force. C’est ce qui nous caractérise, ce côté fédérateur, ce qui peut ne pas être le cas pour les Russes par exemple. Je les vois s’entraider, se motiver entre eux, ils se donnent des conseils, se soutiennent.
Si elles sont capables de suivre les filles qui performent devant, comme elles le font en relais, je ne vois pas pourquoi ce n’est pas possible de le reproduire en individuel. L’année dernière, à Vuokatti, Mélissa tenait sa course de référence avec ce relais. On est partis de ça au printemps en disant qu’elle allait refaire ce type de prestations. Pour Eve-Ondine, ce sera la même chose, elle peut vraiment le faire à nouveau. Après il faut vraiment le vouloir. Sur un individuel, un moment de relâche et tu perds 20 à 30 secondes, il faut avoir les crocs et ne rien lâcher du début à la fin.
On sait qu’il y a pour tout le monde des points à travailler. Ce qu’il faut, c’est avoir conscience de ses faiblesses et de ses points forts, et de les bosser. Ce n’est jamais quelque chose d’acquis.
- Comment s’est déroulée la fin des compétitions, malgré le contexte actuel entre la Russie et l’Ukraine ?
C’était quand même spécial. Nous, on est là, on fait nos courses. Et puis à côté, il y a ces événements malheureux. On avait presque des scrupules à être là. Mais on a vu des vraies choses autour de la piste, il y avait des Russes qui encourageaient les Ukrainiens. C’était poignant. Personne n’a pointé du doigt les athlètes russes. Sur le terrain, les Ukrainiens étaient livides, le regard vague. Et puis, sur la piste, ils n’avaient pas l’énergie. C’était assez dur à voir.
- On imagine que vous avez de belles ambitions pour le Festival olympique de la jeunesse européenne à Vuokatti fin mars ?
Pour les FOJE de Vuokatti, on aura Liv et France. Elles ont une vraie carte à jouer sur le sprint skate. Si elles ont les dents longues, ça peut vraiment faire des beaux tournois. On aura aussi Mélina Berthet, qui avait fait une jolie remontée sur la mass-start skate quand on l’avait amenée sur une coupe d’Europe, et Léonie Perry, qui sont toutes les deux de 2004. Léonie a un très beau classique. Il y a une jolie équipe des filles qu’on suivra avec beaucoup d’intérêt.
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