SKI DE FOND – C’est une édition du Tour de Ski sans précédent qui vient de se boucler au sommet de l’Alpe Cermis dominant le Val di Fiemme. Du côté des hommes, les enseignements et les événements ont été nombreux. Nordic Magazine en a retenu cinq.
1. Maître Bolshunov sur le Tour de Ski
Prosternez-vous devant le guide suprême du ski de fond, pourrait-il dire tant la domination d’Alexander Bolshunov sur les huit étapes du Tour de Ski fut impressionnante, quasi-machinale. Une constance remarquable et un niveau hors-pair sur les skis comme en stratégie ont conduit le Russe vers un deuxième succès consécutif.
N’allez pas chercher bien loin. Le dossard jaune déjà arboré par « Bolshu » n’est tout simplement pas sorti du podium une seule fois en huit courses. La grande carcasse du mètre 85 pour 83 kilos d’Alexander Bolshunov a même levé les bras à cinq reprises.
En plus de remporter le classement général avec plus de trois minutes d’avance sur Maurice Manificat, le natif de Podyvote dans l’oblast de Briansk s’adjuge le classement par points. Dossards jaune et rouge repartent donc dans l’escarcelle du ténor des pistes alpestres.
Seule ombre au tableau du désormais souriant Russe, la montée de l’Alpe Cermis qui lui échappe encore et toujours. Il doit saluer la victoire du petit gabarit de Denis Spitsov… mais a tout de même terminé en deuxième position juste derrière.
En revanche, avec une deuxième victoire consécutive, Bolshunov égalise Lukas Bauer, vainqueur en 2007/2008 et 2009/2010 et Martin Johnsrud Sundby, vainqueur lui aussi à deux reprises en 2013/2014 et 2015/2016. Devant lui se présente désormais l’ombre du Grison Dario Cologna, « Monsieur Tour de Ski », vainqueur à quatre reprises.
2. Un Tour de Ski sans Norvégiens, ça change tout ?
Les sceptiques diront que ce Tour de Ski ne fera pas figure de référence dans l’histoire des quinze éditions de l’épreuve. En cause, l’absence des équipes norvégiennes, féminine et masculine. Pas de Therese Johaug ni de Johannes Hoesflot Klæbo au départ donc. Mais comme l’a rappelé le mousquetaire Hugo Lapalus à Nordic Magazine, « les absents ont toujours tort ».
C’est surtout du côté des dames que ce retrait change tout. Depuis 2013/2014, le cristal pointu du trophée revenait à chaque fois à Oslo. Therese Johaug aurait même pu rejoindre la légende Justyna Kowalczyk avec une quatrième victoire sur l’épreuve. Il lui faudra encore attendre pour mettre la main sur un nouveau record. Marit Bjoergen, Heidi Weng et Ingvild Flugstad Oestberg étaient les autres vainqueurs norvégiennes depuis 2013.
La gente masculine profite elle aussi de l’absence des Norvégiens. Allusion directe à Johannes Hoesflot Klæbo ? Le prodige de Trondheim qui marchait sur l’eau sur la première coupe du monde de Ruka aurait bien pu prendre sa revanche sur Bolshunov qui l’avait battu à plate couture sur l’édition 2019/2020 avec son compatriote Sergey Ustiugov. Il n’en a rien été, une crise sanitaire est passée par là et a fait flotter son imprévisibilité et son indécision dans la tête de triple champion olympique et sa délégation.
On peut citer d’autres athlètes. Sjur Roethe qui a levé les bras à Lygna aurait bataillé farouchement contre l’ogre Bolshunov. L’indéboulonnable Hans Christer Holund aurait bien tenté de déstabiliser les Russes par son sang-froid. Emil Iversen aurait fait figure d’épouvantail malgré son irrégularité inquiétante sur l’hiver. Erik Valnes aurait bien encore une fois surpris son monde, mais exclusivement en classique.
3. Oskar Svensson, l’arbre qui cache la forêt suédoise
Si les rayons de soleil se sont fait rares à Stockholm, ils n’ont même pas effleuré la ville – l’astre scintillant n’a pas non plus touché l’élite nationale du ski de fond. Les espérances de tout un peuple semblaient se porter sur le prometteur William Poromaa qui n’a pu faire mieux que deux chutes dans Val di Fiemme et une anecdotique 23e place au classement général final.
À côté des mésaventures du prétendu messie du fond suédois, un champion d’antan bataillait loin de ses espérances. Le grand Calle Halfvarsson n’y arrivait pas. N’y arrive plus. Les déconvenues se sont enchaînées pour le double médaillé d’argent sur des relais mondiaux.
Dès lors, un homme a décidé de porter sur son dos tous les espoirs d’un pays. Tel Atlas avec le globe terrestre, Oskar Svensson a été surprenant de solidité. Si son classement général final n’a pas de quoi satisfaire (il termine seizième à plus de huit minutes), le Suédois a signé deux performances de haut niveau dont une XXL. Il est à préciser que Svensson, du haut de son mètre 90 et de ses 25 ans, est un spécialiste du classique. Son fait d’arme, la victoire, surprise, sur le sprint classique de Val di Fiemme en surprenant tout le gratin mondial dans la relance vers la dernière ligne droite.
Malin et puissant, le fondeur de Falun avait terminé sixième de l’individuel classique de Toblach quelques jours plus tôt. Mais son énorme craquage sur la poursuite libre du lendemain (il passe de la sixième à la 23e place) l’a éloigné de tout résultat final. Sur la dernière montée, son grand gabarit ne l’a pas aidé à faire mieux que 34e à plus de deux minutes de la gagne.
4. Maurice Manificat nouveau choriste des Chœurs de l’Armée rouge ?
S’il est une photo qui a marqué et qui marquera à jamais cette 15e édition du Tour de Ski, c’est bien celle-ci.
Quelle bataille. Celle du Champs du Pellenor du Seigneur des Anneaux aurait-elle quelque chose à envier à Maurice Manificat ? Sans doute. En tout cas, on a rarement vu un homme battre autant de concurrents tout seul. Sur la poursuite classique de Toblach, le tricolore s’est retrouvé entouré de pas moins de six concurrents russes.
Pas un problème pour « Momo », sûr de ses capacités et de lui, en direction de sa destinée vers un premier podium français sur le Tour de Ski. Il aura subi longtemps la pression d’Artem Maltsev qui va finalement craquer sur certaines épreuves mais surtout du constant et battant Ivan Yakimushkin, un autre fondeur russe de 1996 comme un certain Bolshunov.
Finalement, c’est Denis Spitsov, vainqueur au sommet de l’Alpe Cermis, qui va se montrer le plus dangereux pour le frenchy. Mais Manificat en mode maître buddha a maîtrisé, jaugé, jugé et gagné. Dans la catégorie des humains – hors ovni Bolshunov – le fondeur d’Agy ressort vainqueur des championnats de Russie en terres suisses et italiennes.
5. Hugo Lapalus, une moustache teinte de vert
Si Maurice Manificat a signé une performance extraordinaire dans l’histoire du ski de fond français, il en est un autre qui a pris rendez-vous avec l’histoire sur ce Tour de Ski version 2021. La crise sanitaire, les gestes barrières et tutti quanti, d’accord, mais trop peu pour déstabiliser le médaillé mondial U23 de La Clusaz : Hugo Lapalus.
« Are you big moustache ? You are » se donnaient la réplique Bourvil et De Funès dans La Grande Vadrouille. La moustache la plus mythique du panel mondial du ski de fond a, elle, amélioré à deux reprises ses meilleures performances en carrière. Le tout jusqu’à arborer une fois le dossard vert, de le perdre pour la montée finale… avant de le récupérer après une septième place au sommet.
Une place pas anodine car après un deuxième top dix consécutif sur l’Alpe Cermis, le Cluse s’invite cette fois-ci dans le top 10 au général final (10e). Une prouesse pour le fondeur de 22 ans, meilleur U23 au monde après la première partie de l’hiver et le premier gros rendez-vous.
> Mais aussi plus globalement, une performance remarquable de l’équipe de France ! <<
Photos : Nordic Focus.