SKI DE FOND – Le Tour de Ski des dames a réservé comme à son habitude un joli lot de surprises. Entre la victoire inédite de Jessie Diggins, la domination de Linn Svahn sur les sprints et la grande première de Delphine Claudel, nombreux sont les enseignements d’une édition à laquelle ce fichu virus a voulu s’inviter, en vain. Analyse en cinq points clés.
1. La révolte a un porte-étendard : États-Unis
Jessica « Jessie » Diggins a arboré son plus beau sourire. Et pourtant, pour la fondeuse du Minnesota, « smiling » est sans doute son activité principale. La joyeuse Étasunienne devient, après 15 éditions du Tour de Ski, la toute première vainqueure de l’exercice extra-européenne.
Finlande, Suède, Pologne, Norvège et maintenant États-Unis figurent au palmarès de la course par étapes du ski de fond.
Alors qu’Alexander Bolshunov n’est pas du tout sorti du podium, Diggins a, elle, pour pire résultat une dixième place sur les huit étapes du Tour de Ski. C’était lors du sprint classique de Val di Fiemme.
En distance, malgré une légère déconvenue sur la mass-start classique de Val di Fiemme (neuvième), elle n’a fait que des podiums. Deux victoires, une deuxième place et trois troisième place figurent au palmarès de la fondeuse de 29 ans pour cette édition 2021.
Mais la native de Saint-Paul n’est pas la seule protagoniste a avoir brillé pour la bannière étoilée. Sa compatriote Rosie Brennan, arrivée en leader du classement général, lui aura tenu la dragée haute une bonne partie du Tour de Ski. Mais Val di Fiemme était l’étape de trop et a été le tombeau des espoirs de victoire de la fondeuse de Salt Lake City. À l’arrivée, la digne représentante de l’Utah boucle au sixième rang au général et cède le leadership de la coupe du monde à sa compatriote.
2. Le cap podium franchi par Delphine Claudel
Cocorico ! Delphine Claudel, seule finisheuse tricolore après le départ de ses compatriotes en dedans sur le Tour de Ski, a atteint ses objectifs. Si le général a vite été oublié par la Bressaude, « Dédé » n’est pas du genre à baisser les bras. Au contraire. La Vosgienne est montée petit à petit en puissance en améliorant à deux reprises sa meilleure performance en carrière (à l’instar d’Hugo Lapalus chez les hommes).
Après des décevantes 21e et 19e places sur les deux distances du Val Müstair, Claudel a tapé du poing sur la table. C’est sur le 10 km de Toblach qu’elle est allée chercher sa destinée. Davos l’avait fait signer son premier top dix avec une neuvième place plus tôt dans la saison, mais Toblach va être terre promise de son premier « top 7 ».
En classique, en revanche, tout s’est compliqué pour la Française, moins à l’aise que ses concurrentes. Puis vint la montée vers l’Olympe, la traversée du Vésuve dans une houle dantesque : l’Alpe Cermis. Effrayant de prime abord, il a visiblement fait connaissance avec Delphine Claudel qui, d’un élan incroyable, s’offrait, derrière Ebba Andersson et Jessie Diggins, son premier podium en carrière. Une première depuis Aurore Jean sur le sprint de Sotchi en 2013.
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3. Les montagnes russes des Suédoises
La Suède est comme le crackers que l’on fait exploser pour Noël, on ne sait pas ce qu’elle nous réserve et dans tous les cas on est surpris. Sur le Tour de Ski 2021, c’était ça, ou presque. Linn Svahn a confirmé sur les deux sprints de la dizaine qu’elle était, peu importe le style, la meilleure sprinteuse au monde. Sans égal, elle a largement dominé les sprints de Val Müstair et de Val di Fiemme.
La vainqueure du petit globe du sprint 2019/2020 s’est même payée le luxe de remporter une course de distance. Sa première en coupe du monde. C’était pour le doublé sur les deux premières étapes de Val Müstair avec la mass-start qu’elle a logiquement mieux finie que ses adversaires dans les derniers hectomètres. Et comment ne pas évoquer le triplé des Suédoises sur l’épreuve de sprint de Val di Fiemme. Svahn franchissait en tête, devant l’inévitable Maja Dahlqvist et la jeune Emma Ribom pour son premier podium en carrière.
Du côté des distanceuses, ce fut d’une inconstance rare et surprenante. Frida Karlsson a stupéfait les suiveurs du ski de fond par ses stratégies de course en mode lièvre, mais La Fontaine avait prévenu, la tortue gagnera toujours. Puis vint la chute dans sa chambre d’hôtel, la blessure au muscle fessier et donc les courses sous anti-douleurs. Frida n’était plus vraiment Karlsson. Avant la pénultième étape du sprint de Val di Fiemme, la Suédoise renonçait et fermait le livre déchiré de sa première participation au Tour de Ski.
Vient Ebba Andersson. La hargne et la force de la caractère de la fondeuse de Sollefteå l’ont amenée à lever les bras au sommet de l’Alpe Cermis après une montée rapide, dynamique et sans plier. Mais c’est bien là le seul coup d’éclat pour la médaillée d’argent olympique du relais suédois. En l’absence des Norvégiennes, elle avait champ libre pour prendre le leadership de la coupe du monde. Mais ses déconvenues de Val Müstair lui ont coûté cher et malgré trois podiums, la gloire n’a cessé de s’éloigner pour devenir celle de Diggins.
En résumé, Charlotte Kalla reste à ce jour la seule fondeuse suédoise a avoir remporté le Tour de Ski. C’était en 2007/2008. Le frère ennemi norvégien en compte lui sept, rien que du côté des dames.
4. Yulia Stupak redevient leader du clan russe
La Russie a éclaboussé de sa superbe et de son homogénéité de niveau dans la compétition masculine. Chez les dames, elles ont été moins nombreuses au top, mais ont tout de même porté haut le drapeau national. En tête de liste, Yulia Stupak. Anciennement Yulia Belorukova, ce changement de nom n’affecte aucunement les capacités de la médaillée de bronze olympique du sprint de PyeongChang 2018.
Après un hiver loin des pistes pour donner naissance à son garçon Arseniy, la native de Sosnogorsk dans les Komis a remporté une belle victoire pour le premier anniversaire de son fils. Un beau cadeau qui l’a placée deuxième au général. Place qu’elle conservera sur toute l’étape de Val di Fiemme jusqu’au sommet de l’Alpe Cermis qu’elle franchira au quatrième rang. Mais visiblement il en fallait plus pour fatiguer la Russe, en fusion sur podium avec Diggins et Claudel. Non, pardon, sur le dancefloor !
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— FIS Cross-Country (@FISCrossCountry) January 11, 2021
Ses compatriotes n’ont pas joui de la même constance qu’elle. Natalia Nepryaeva qui faisait figure de leader de l’équipe russe, n’a pas été à la bataille sur chaque course. Elle sauve cependant son Tour de Ski avec une belle victoire sur la mass-start classique de Val di Fiemme. Mais en difficulté dans la montée de la piste de descente, elle ne peut faire mieux que septième au classement général final.
5. La Covid-19 a voulu participer, mais n’a pas gâché la fête
Comment l’oublier. Le virus de la Covid-19 a empêché les suiveurs habituels des vallées du Val Müstair, de Toblach et de Val di Fiemme de venir observer les champions se battre sur l’or blanc des Alpes. Mais c’est bien la seule chose qu’il a affecté sur ce Tour de Ski. Même si l’entraîneur de l’équipe masculine française Alexandre Rousselet a été testé positif suite à un test PCR et a dû quitter ses protégés, seul cas qui a affolé pendant quelques heures la planète ski de fond.
Quoi que. La veille du sprint classique de Val di Fiemme, Linn Svahn qui faisait figure d’ultra-favorite rendait un test positif aux autorités sur place. Ce fut la panique dans le clan suédois dans les Dolomites. Mais, quelques longues heures plus tard, dans la nuit italienne, le nouveau test de la sprinteuse se révélait négatif. Ouf. Car le lendemain, le triplé scandinave mené par l’intéressée allait raviver la flamme d’un fond suédois en plein doute.
Photos : Nordic Focus.