BIATHLON – Alors qu’il ne reste qu’une étape de coupe du monde, cette fin de semaine à Antholz avant les Jeux, le patron du biathlon français fait un point sur la dernière ligne droite. Et évoque les prochaines sélections pour Pyeongchang.
- Stéphane Bouthiaux, un mot d’abord sur la mass-start de Ruhpolding avec trois Français dans les quatre premiers du jour. Heureux de la prestation de vos hommes ce dimanche ?
C’était un moment assez énorme. Trois dans les quatre premiers, je n’avais jamais vécu ça en tant qu’entraîneur et je ne crois pas que d’autres l’aient fait avant nous. Et puis Simon Desthieux est 11e, tout près en temps… C’était pour tout le staff un grand moment de joie qui s’est transformé en euphorie sur la ligne d’arrivée. Dans ce genre de moment, on se dit « à chaque jour suffit sa peine ». On a vraiment profité de l’instant tous ensemble avant de penser à la suite.
- Martin Fourcade, en soulignant ce résultat exceptionnel, assurait également que cette prestation doit faire prendre conscience aux Français qu’ils peuvent le faire. Et qu’ils doivent le répéter…
Je partage tout à fait son analyse. A partir du moment où ils le font une fois, ils peuvent le répéter. Il suffit de réussir à réunir toutes les conditions nécessaires ensemble. Ils savent le faire et on leur répète tous les jours. La grosse différence entre Martin et les autres se passe derrière la carabine. En temps de ski, ils sont tous assez rapides pour jouer le podium à condition d’être en capacité de bien mettre les balles au fond. Mais au pas de tir, ils manquent de régularité alors qu’à l’entraînement, ils savent faire ! Ce manque de performances au tir leur coûte parfois cher.
- Ce début d’hiver est marqué par une rivalité exceptionnelle entre Fourcade et Johannes Boe. Avez-vous le souvenir d’un tel duel dans l’histoire du biathlon ?
Non, je n’ai jamais vu ça. Certes, il y a eu la période Poirée et Bjoerndalen, mais ce n’était pas de ce niveau là. Johannes et Martin font un, deux ou trois sur chaque course, ils ne se quittent pas sur le podium, c’est tout simplement incroyable. Poirée et Bjoerndalen se trouaient parfois, ils ne figuraient pas toujours sur la boite.
- Comment vivez-vous cette confrontation de l’intérieur avec le staff ?
C’est juste passionnant pour nous d’avoir un rival pareil. Il nous pousse tous à faire le nécessaire et le maximum pour permettre à Martin de prendre le dessus. C’est très prenant.
- Antonin Guigonnat est la révélation de cette saison. Que pensez-vous de son parcours depuis son arrivée sur la coupe du monde ?
Il est bleuffant ! En toute honnêteté, je ne le pensais pas capable de tels résultats. Et surtout, il montre une régularité physique impressionnante : depuis les France de La Féclaz, il n’a pas connu de baisses de régime physiquement. Les contreperformance qu’on peut lui imputer sont à chaque fois liées à des erreurs au tir. Il tient le haut du pavé et vraiment, bravo à lui.
- Et il a bien conscience que son parcours a tenu à peu de choses, après sa victoire en IBU cup (lire notre entretien avec Antonin Guigonnat) !
Oui, ça s’est joué à rien. On lui demandait un podium en sprint sur l’IBU cup, qu’il n’a jamais obtenu l’année d’avant. C’est le minimum qu’on demande aux athlètes pour monter sur la coupe du monde. On a tenu bon sur ce critère et on a bien fait. Que ce soit lui, Emilien Jacquelin ou Simon Foucade, à chaque fois qu’ils sont redescendus, ils ont performé pour remonter… Ce qui n’était pas le cas avant.
- Quatre Français se dégagent pour les tickets olympiques avec Martin Fourcade, Simon Desthieux, Antonin Guigonnat et Quentin Fillon-Maillet. Comment vont s’opérer les sélections pour les places de remplaçants entre Simon Foucade, Emilien Jacquelin et Jean-Guillaume Béatrix ?
Oui, on a quatre quotas pour les Jeux et aujourd’hui en effet, quatre titulaires se détachent. La sélection sera établie par la commission nationale du sport de haut-niveau sur recommandation du DTN Fabien Saguez que je vois à Antholz ce mercredi. Nous donnerons notre avis mais au final, c’est la commission qui tranchera. Pour les quatre, l’affaire est réglée même si rien n’est officiel. Pour les deux places restantes de remplaçants, les critères ne sont pas précisément définis mais ils le seront très vite. Et ça reste ouvert.
- Concrètement, combien d’athlètes français seront emmenés aux Jeux ?
On partira à six athlètes avec les deux remplaçants pour ne pas se compliquer la vie en termes de logistique et les faire venir après les titulaires. Les deux remplaçants potentiels courront sur les championnats d’Europe car ils ne doivent pas perdre le rythme de la compétition avant le voyage vers la Corée où ils pourraient ne pas courir en fonction de la forme des quatre titulaires… Pour les dames, la situation est comparable avec quatre biathlètes qui se détachent pour l’instant. Mais on ne sait pas trop car il reste encore trois courses ce week-end et une athlète peut encore tirer les marrons du feu à Antholz.
- Qu’attendez-vous justement de cette dernière épreuve d’Antholz avant les Jeux, qui plus est sur un site en altitude ?
On attend qu’ils maintiennent leur niveau de performance. Ça fait 15 jours qu’on évolue à 600 m d’altitude, donc tout dépendra comment ils s’adapteront. Partant de là, tout ne sera pas à prendre au pied de la lettre en termes de résultats. L’essentiel est de repartir d’Antholz avec le plein de confiance, c’est vraiment ce qui m’importe. Car après Antholz, on aura trois semaines sans courir et la première course des Jeux sera la plus importante : le sprint.
- Quel sera ensuite le programme pour les sélectionnés qui ne disputeront pas les championnats d’Europe ?
On va rentrer trois ou quatre jours à la maison pour une période de repos. Ensuite, ils, vont reprendre une montée en puissance progressive encadrée par du staff fédéral qui se trouve près du lieu où ils s’entrainent quotidiennement. Ensuite, on se remettra dans un rythme de compétition car nous serons sur place sept jours avant. Histoire aussi de digérer le décalage horaire.
Photo : NordicFocus