Jeudi 24 février, l’Europe se réveille en guerre. A l’aube, l’invasion de l’Ukraine a été déclenchée. Quelques minutes auparavant, au beau milieu de la nuit, le président russe, Vladimir Poutine, annonçait le lancement « d’une opération militaire spéciale dans le Donbass ». Dans la foulée, des explosions sont entendues simultanément dans plusieurs grandes villes du pays, à Marioupol, Odessa, Kramatorsk et même dans la capitale, Kiev.
Chapitre 1. La question des étapes de coupe du monde en Russie
Rapidement, le nordique sait qu’il ne va pas pouvoir se mettre à l’écart du conflit qui vient de débuter en Europe. C’est qu’il est confronté directement à son calendrier. D’ici la fin de l’hiver, plusieurs compétitions doivent se tenir en Russie : le ski de fond à Tyumen, le saut à ski féminin à Chaikovsky et Nizhny Tagil pour le Russia Tour Blue Bird. Plusieurs athlètes, dont le Norvégien Hans Christer Holund, affirment dans les médias que la Fédération internationale de ski (FIS) aurait tort d’organiser une coupe du monde « dans un pays qui vient d’entrer en guerre ».
Les journalistes scandinaves, eux, prennent le pouls des stars du circuit. A commencer par celui de Johannes Hoesflot Klæbo qui n’hésite jamais à dire ce qu’il pense. « Je n’ai pas l’intention de me rendre dans un pays qui en a envahi un autre » pour disputer une course de ski de fond, affirme le quintuple champion olympique. Au passage, il dit regretter le silence de la FIS. L’instance fédérale est déjà dans son viseur. L’autre star, Therese Johaug, par la voix de son manager, Joern Ernst, déclare qu’elle n’ira pas en Sibérie occidentale.
Vendredi matin, la Fédération internationale de ski (FIS) annule les étapes de coupe du monde programmées en Russie.
Chapitre 2. Que faire des athlètes russes ?
La caravane ne se rendra donc pas sur les terres de Vladimir Poutine. Mais que faire des athlètes russes ? Doivent-ils être exclus à cause de leur nationalité ? Doivent-ils rester parce qu’après tout, ils ne sont pas responsables des décisions prises par leur président ?
Ils sont à Lygna, en Norvège, où vont bientôt se terminer les championnats du monde juniors/U23, et surtout à Lahti, en Finlande, où fondeurs, sauteurs et combinés ont rendez-vous.
Les organisateurs prennent très au sérieux la situation, d’autant qu’ils ont affirmé que « la situation actuelle n’a aucun effet sur les compétitions ». Dans la foulée, ils ont reçu des messages de menace. La police est alertée. Il s’agit donc pour eux de garantir la sécurité d’Alexander Bolshunov et ses coéquipiers qui pourraient être pris pour cibles.
Le jour même où doivent débuter les épreuves, la FIS fixe tout de même le cadre. Si les athlètes russes sont bien autorisés à prendre le départ, le drapeau et l’hymne russes sont interdits.
Autrement dit, ils restent, mais doivent faire profil bas. « Les sportifs sont des victimes et je ne pense pas que ce soit une bonne solution de leur infliger des sanctions pour quelque chose dont ils ne sont pas responsables », explique Pierre Mignerey, directeur du ski de fond à la FIS, à la SVT.
Chapitre 3. La Norvège dit non aux Russes
La fédération norvégienne de ski ne se satisfait pas de cet arrangement (qu’adoptera également l’IBU). Les prochaines dates doivent avoir lieu sur son territoire, à Drammen et Oslo pour le ski de fond, et sur les tremplins de Lillehammer, Oslo et Vikersund pour le saut à ski. Samedi matin, elle se réunit une nouvelle fois. Et va adopter une posture plutôt raide. Elle ne veut pas des athlètes russes sur son territoire. Plus exactement, elle ne souhaite pas qu’ils concourent chez elle.
La Fédération des sports de Norvège, l’équivalent du Comité national olympique et sportif français (CNOSF), apporte son soutien. Anette Trettebergstuen, ministre norvégienne de la Culture et de l’Egalité, indique à l’agence NTB qu’elle se rangeait, elle aussi, derrière l’organisation fédérale, dont elle rappelle tout de même l’autonomie.
Sur la chaîne de télévision privée, TV2, on rappelle volontiers qu’Alexander Bolshunov et son coéquipiers Denis Spitsov ont récemment été promus capitaine de la Garde nationale russe créée, en 2016, par Vladimir Poutine.
Chapitre 4. Les Russes veulent rester
Publiquement, la FIS ne dit rien. Elle reste fidèle à sa mission : garantir l’équité de tous ses événements. C’est pourquoi, rappelle-t-elle dans un SMS qu’elle adressera lundi matin à la NRK, « les fédérations nationales et les organisateurs locaux ne doivent pas exclure les pratiquants pour des raisons de sexe, de race, de nationalité ou d’orientation sexuelle. » Les Russes, eux, s’en réfèrent à leur feuille de route. Markus Cramer, l’entraîneur allemand des Russes Sergey Ustyugov et Yulia Stupak, et son collègue Egor Sorin, confirment leur attention de se rendre en Norvège en début de semaine. « Nous sommes des athlètes, pas des soldats », rappelle le second alors qu’il est interrogé par la NRK.
5. Le temps des polémiques
La tension est néanmoins palpable. Les polémiques s’enchaînent. Par exemple quand un sauteur russe, Evgenii Klimov, enfile des gants à l’intérieur desquels figure un drapeau russe. Quand il salue la caméra de télévision qui le filme dans la raquette, impossible de ne pas le voir.
Beaucoup veulent y voir un geste de provocation, d’autant plus que l’athlète, aux Jeux olympiques de Pékin, s’était directement adressé à Vladimir Poutine lors de la compétition par équipes mixtes. « Il les porte depuis le début de la saison, donc le drapeau n’a pas été ajouté récemment », temporise Sandro Pertile, le patron du saut à ski à la fédération internationale de ski.
Une autre vidéo va également se répandre sur les réseaux sociaux. On y voit un jeune combiné, Viacheslav Barkov, qualifier l’intervention russe en Ukraine d’« opération pour sauver des vies en Ukraine ».
« Je pense qu’il est très difficile pour les athlètes russes d’être ici maintenant. Ils doivent bien sentir que tout le monde est un peu contre eux », note le sauteur norvégien Halvor Egner Granerud.
6. Les Russes arrivent en Norvège
Lundi matin, la Fédération internationale de ski campe sur ses positions. Par la voix de Jenny Wiedeke, sa directrice de la communication, elle ne prononce aucune exclusion, désavouant ainsi l’association norvégienne. Vegard Ulvang, le chef du comité de ski de fond de la FIS, ne retient pas sa colère. Il n’accepte pas que la FIS consente à « autoriser des officiers russes à courir en Norvège ». Allusion directe à Alexander Bolshunov et Denis Spitsov, qui bénéficient d’un statut militaire.
En début d’après-midi, les fondeurs et combinés russes prennent donc l’avion depuis Lahti et atterrissent plus tard à Oslo-Gardermoen. « Nous sommes des athlètes, pas des soldats », répète Egor Sorin, devant les nombreux journalistes venus l’accueillir.
7. La Norvège ne lâche rien
Peu importe, ils vont se retrouver au milieu d’une tempête médiatique. Johannes Hoesflot Klæbo, qui qualifie la posture de la FIS de « lâche et faible », menace de boycotter les épreuves si la Russie figure toujours sur la liste de départ. La Covid-19 l’empêchera finalement de courir. Sur son compte Twitter, le sauteur à ski norvégien Halvor Egner Granerud interroge : pourquoi les Russes pourraient être là quand « les athlètes olympiques ukrainiens doivent rester chez eux pour défendre leur pays ? », écrit-il notamment.
Erik Roeste, lui, s’est trouvé des alliés. Avec ses homologues suédois, Karin Mattsson, et finlandais, Markuu Haapasalmi, il adresse une pétition à Johan Eliasch, président de la Fédération internationale de ski, pour qu’il exclut, enfin, « les Russes et les Biélorusses des futures compétitions relevant de la Fédération internationale de ski ».
8. La pression s’accentue sur la FIS
La pression sur la FIS va encore s’accentuer quand le Comité international olympique (CIO) en vient à recommander aux fédérations sportives internationales et aux organisateurs d’événements sportifs de ne pas inviter, ni autoriser la participation d’athlètes et d’officiels russes et biélorusses à des compétitions internationales.
Ce n’est pas tout. Östersund (Suède), qui doit remplacer Tyumen pour les finales de la coupe du monde, affirme y renoncer « tant que ni la FIS, ni l’Union européenne, ni la Suède n’ont pris la décision générale de ne pas permettre à la Russie et à la Biélorussie de participer aux compétitions ».
Enfin, c’est au tour des sponsors d’entrer dans la danse. L’un des plus importants, Coop Norvège, dit être en train de redessiner son logo figurant sur les dossards aux couleurs jaune et bleu de l’Ukraine. On voit mal les skieurs russes sur la piste ainsi revêtus.
9. Le bras de fer
Mardi matin, la fédération norvégienne de ski franchit un nouveau palier. Elle engage un véritable bras de fer avec la FIS. Pire, elle fait fi de son autorité. Les Russes ne prendront pas le départ des compétitions en Norvège, peu importe ce que décidera l’instance internationale, insiste-t-elle dans un nouveau communiqué. Ses athlètes disent approuver à 100 %.
« La fédération norvégienne de ski peut exprimer qu’elle ne souhaite pas la participation russe et biélorusse, mais elle ne peut pas la leur refuser », réplique le Français Michel Vion.
10. Les Russes débloquent la situation
La solution vient finalement des Russes. Yuri Borodavko, coach de l’équipe nationale russe de ski de fond, déclare à la NRK que lui et ses fondeurs vont quitter la Norvège. « Notre saison internationale est terminée », précise-t-il à la sortie d’un entraînement réalisé à Holmenkollen au lendemain de leur arrivéee. « Nous participerons à des courses nationales en Russie », en déduit de son côté Elena Välbe, la puissante présidente de la fédération russe de ski de fond, à RIA Novosti.
Peu après, comme si cela est encore nécessaire, l’instance régissant le ski de fond, le saut à ski et le combiné nordique mondial affirme qu’ « aucun athlète russe ou biélorusse ne participera à une compétition de la FIS à quelque niveau que ce soit jusqu’à la fin de la saison 2021/2022 ».
Avant elle, le football, via la FIFA et l’UEFA, et de très nombreux autres sports avaient déjà mis hors la Russie.
Sources : VG, TV2, VG, Dagbladet, SVT, TV2, NRK, Yle, NRK, TV2, VG, Adressa, SVT.
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