SKI DE FOND – L’hiver dernier, le fondeur jurassien Valentin Chauvin a participé à sa première coupe du monde, au cours de laquelle il a réussi à monter sur le podium.
D’abord l’alpin pour Chauvin
Planica, c’est bien connu, doit sa renommée à son tremplin, le Velikanka. Au nord-est de la Slovénie, tout proche de la zone où les frontières autrichienne, italienne et slovène se rejoignent, plus de 60 records du monde y ont été établis. L’hiver dernier, ce n’est pourtant pas un sauteur à ski qui y a réussi son envol, mais un fondeur élevé loin de cette vallée. Valentin Chauvin a poussé dans un Haut-Jura discret, entre épicéas et gentianes. À des centaines de kilomètres de là.
Le ski de fond n’avait rien d’une évidence pour le jeune homme, bien qu’un grand-oncle côté maternel se soit appelé Jean Mermet (trois participations à des olympiades, dont une quatrième place à Oslo en 1952, et un palmarès long comme un jour sans pain). Le garçon, licencié à Haut-Jura Ski, lui, a un temps préféré l’alpin. Sans exclusivité toutefois : ses infidélités avec d’autres sports étaient légion. Sur son CV, il y a un titre de champion du Jura de tennis de table.
« Nous avons des grands-parents sportifs, des parents sportifs. Avec nos deux cousins, à chaque fois qu’on se retrouvait, on passait notre temps dehors à faire du sport », raconte son frère Jérémy. « J’ai toujours eu l’esprit de compétition, reconnaît l’intéressé. Quand j’étais petit, je voulais battre mon frère. » Aujourd’hui, il s’est choisi d’autres adversaires plus coriaces.
On n’est donc pas là pour rigoler. À Planica, les éclats de rire remplissent malgré tout la chambre que le Franc-Comtois partage avec Richard Jouve, sprinteur de l’équipe de France. Une coupe du monde attend les Français. « On est arrivé deux jours avant la course et, le soir, on a commencé à plaisanter, à dire des »conneries » pour penser à autre chose, et ne pas se prendre la tête. Et ça a été comme ça jusqu’à la veille de la course », se souvient le Genèvremontain.
Première sélection mondiale
En fait, depuis que son entraîneur Vincent Vittoz lui a annoncé la nouvelle de sa sélection, Valentin Chauvin est tout excité. Lui qui, une semaine plus tôt, déjà à Planica, a terminé deuxième d’un 15 kilomètres skate en coupe continentale, endossant du même coup le maillot jaune de leader, va rentrer chez les grands. Il va se frotter à l’élite mondiale de la discipline. « J’allais vivre ce dont j’ai rêvé depuis tout petit », s’enthousiasme-t-il. Même en tant que spectateur, le Jurassien, qui, gamin, se rendait à la médiathèque pour visionner des vidéos de Petter Northug Jr. (il n’avait pas Internet à la maison), n’a jamais assisté à ce spectacle. Prendre le départ est donc, en soi, déjà une victoire : « Ma saison était réussie, quoi qu’il puisse arriver. »
Cela ne l’empêche pas d’être gagné par le stress. Un état qui n’a rien d’habituel chez lui, comme en témoigne Gérard Verguet qui, en tant que coach, a vécu un « parcours extraordinaire avec lui » : « Valentin ne se prend pas la tête, il ne se met pas la pression. » Aussi, Richard Jouve rassure-t-il son camarade : « Je lui ai dit de faire ce qu’il savait faire, que, même si c’était son premier sprint en coupe du monde, il avait de quoi passer la qualification, et qu’au pire, la première fois, c’était pour apprendre. Si le résultat n’était pas là, ce n’était pas grave. »
Mais l’enjeu est trop fort. Le matin, le skieur n’est pas bien. Il a pris froid lors de la reconnaissance, dit-il. Il finit dixième de la qualification – « sans regret » – mais se montre « trop gentil » en phases finales, même si le Norvégien Eirik Brandsdal lui a reproché ses gesticulations. « Il manque encore à l’heure actuelle d’un peu de vécu. Il lui arrive parfois de se laisser déborder facilement. Il doit encore bosser pour s’affirmer et imposer plus d’autorité », analyse Cyril Burdet, le patron des sprinteurs tricolores. En tout cas, il n’a pas à rougir de son top 30. Surtout qu’un team sprint l’attend, le lendemain. Avec Richard Jouve. « Je ne voulais pas le décevoir », confie Valentin Chauvin. Gêné dans le dernier passage par les Allemands et les Russes, il joue sa partition.
Il se rend compte que chaque détail compte dans ce qu’il décrit comme une véritable « guerre », tant la densité est forte. « Il a fait une très bonne demi-finale et une finale que peu de nouveaux entrants sur la coupe du monde auraient pu faire, se félicite son partenaire. Alors, j’ai pris le relais pied au plancher pour qu’athlètes et staff, nous soyons récompensés de la journée. » Le duo décroche la troisième place et rejoint, sur le podium, Baptiste Gros et Renaud Jay, deuxièmes. Historique !
Première participation à une coupe du monde, premier top 3. Sur le moment, Valentin Chauvin ne se rend pas compte de l’exploit accompli. Trop modeste pour bomber le torse. « Dès qu’il a fini avec une course, il passe à la suivante. C’est sa force », décrypte Gérard Verguet, fier du parcours accompli par son protégé. Et si Valentin Chauvin n’est pas du genre à exposer ses sentiments au grand jour, son aîné n’a pas oublié ce SMS reçu un jour, dans lequel son « élève » le remerciait de lui avoir « donné envie de faire du ski de fond. »
En quelque sorte, le skieur, qui a débuté avec Patrick Bonjour et Jean-Louis Rossero, a grandi à la sauce jurassienne. Ses prédécesseurs – les Jean-Paul Vandel, Pierre Salvi… – avaient appris seuls ce qu’ils répétaient ensuite avec talent sur les pistes. Lui, montre la même volonté dès qu’il chausse les skis. « J’aime faire ce que j’ai envie de faire », admet-il. Et improviser. Ce qui ne l’empêche pas, mine de rien, d’écouter les conseils de ses maîtres.
Sébastien Mouchet, entraîneur au comité régional de ski du massif jurassien, et Olivier Michaud, en charge des juniors de l’équipe de France, lui ont inculqué la « gestion de soi en compétition ». « Vincent Vittoz m’a appris la rigueur », glisse celui qui se reconnaît tête en l’air.
De Cologna à Krogh
Ce défaut ne devrait pas freiner l’ambitieux Valentin Chauvin. Le médaillé d’argent lors du relais des championnats du monde juniors dans le Val di Fiemme (Italie) en 2014, a la chance d’être « polyvalent. » Aussi bon en skate qu’en classique, notamment. « Il me fait penser à Dario Cologna. C’est le même genre de skieur », compare Gérard Verguet.
L’intéressé penche plutôt du côté de Finn Haagen Krogh, ancien footballeur reconverti au ski de fond : « J’aime son style. » Ou encore de Maurice Manificat : « J’aime sa façon de faire. » « Valentin est un jeune skieur très intéressant car très complet », constate Cyril Burdet qui a noté sa rapidité sur les distances, « notamment classiques, ce qui en fait un potentiel très intéressant pour l’avenir proche. » « Dans le futur, je le vois comme un gars qui pourra jouer sur les deux tableaux, sprint et distance, et réussir un top 5 au général de la coupe du monde », pronostique pour sa part Richard Jouve.
« Je prends les choses comme elles viennent », tempère celui qui, dès qu’il le peut, s’en va taper dans un ballon avec ses copains d’enfance. Le prochain hiver, il n’en devra pas moins encore progresser. À la veille d’une saison pré-olympique, ses doutes en sont d’autant plus légitimes : « J’ai peur de faire moins bien ». Ses coéquipiers luttent contre les mêmes appréhensions. Autour de lui, on veut y croire. Parce qu’il est « entre de bonnes mains », assure Gérard Verguet. Et aussi parce qu’il y a beaucoup de belles choses à vivre à ses côtés, comme en témoigne son petit frère : « Ses exploits procurent beaucoup de bonheur dans notre famille, ça nous rassemble. »
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Portrait publié dans Nordic Magazine #20
Photos : Nordic Focus et Nordic Magazine.