CHRONIQUE – Avec Vu de Norge et nulle part ailleurs, retrouvez toute l’actualité nordique norvégienne.
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Fossesholm : un 15km compliqué
A seulement 18 ans, Helene Marie Fossesholm apparaît comme la relève du ski de fond norvégien. Elle a donc été naturellement envoyée se confronter aux meilleures mondiales lors du week-end coupe du monde de Lillehammer où les quotas norvégiens sont plus importants.
« Ça a été brutal, confie la fondeuse au quotidien VG. Au bout de 100 mètres, je savais que ces 15 km allaient être durs. C’est dommage que je sois en méforme un jour de coupe du monde mais ça arrive. »
Astrid Uhrenholdt Jacobsen, qui avait elle aussi fait ses débuts sur le circuit international à 18 ans avant de prendre sa première victoire à 20 ans, tient à rassurer sa jeune compatriote : « elle surmontera cette épreuve et la prochaine fois, elle reviendra plus forte, assure-t-elle aux médias. Nous devons juste nous assurer qu’elle ne va pas pâtir de cette situation et que la presse ne l’accablera pas. »
Pour certains journalistes suédois, en revanche, il était trop tôt pour « envoyer dans la gueule du loup » la jeune Norvégienne. « Il faut être sûr que l’athlète peut le supporter, oui », répond Jacobsen.
Pour Fossesholm, la question ne se pose même pas : « c’était une bonne idée de me laisser concourir, affirme-t-elle. J’ai plus de motivation maintenant. Bien sûr que le niveau est élevé, je m’y attendais. Ce n’était pas un choc et désormais, je sais vers quoi tendre. »
Quant au coach de l’équipe nationale, Ole Morten Iversen, lui non plus n’est pas inquiet et rassure : « nous évaluons à chaque fois si l’athlète peut participer, mentalement et physiquement. Maintenant, elle sait à quoi s’en tenir et elle a acquis plus d’expérience, ce qui est très bien. »
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Jacobsen : quelles bourses pour les sportifs ?
Cet été, Astrid Uhrenholdt Jacobsen a eu droit à un programme personnalisé, ne se rendant sur aucun des camps d’entraînement de l’équipe nationale. Une faveur qui lui a été accordée pour continuer ses études de médecine en parallèle de sa carrière de fondeuse.
En revanche, pour avoir ce droit, Jacobsen a dû renoncer à sa bourse sportive grâce à laquelle elle vivait durant l’intersaison, de mai à novembre. « J’avais mis de côté dans cette éventualité, déclare-t-elle au micro de la NRK. Mais je pense que c’est dommage, ça ne favorise pas la poursuite d’études des athlètes. Ça n’envoie pas le bon message et ça ne paraîtra pas tentant pour les générations à venir de m’imiter. »
Depuis toujours, Jacobsen lutte pour que les athlètes professionnels continuent leurs études et préparent leur avenir. « Astrid a raison, la soutient Sjur Røthe. En vieillissant, je me rends compte que continuer ses études est important pour un sportif et on ne devrait pas être pénalisé quand on choisit de le faire. Nous sommes tous différents et il est juste de s’adapter à chacun. »
Emil Iversen, lui, n’est pas entièrement du même avis. « Un fondeur doit avant tout skier vite et en poursuivant des études complètes à côté, c’est compliqué, affirme-t-il. Et je crois qu’on ne devrait pas avoir un salaire de l’équipe nationale pour étudier, ce n’est pas notre métier. »
Astrid Uhrenholdt Jacobsen, elle, continuera de se battre. « Je ne le fais pas pour moi mais pour les jeunes, les futurs skieurs », conclut-elle. Et elle ne sera pas seule, d’autres Norvégiens de grandes instances étant d’accord que son retrait de bourse est un mauvais signal à donner à tous les athlètes souhaitant poursuivre leurs études.
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Markeng renvoyé de Russie
Déjà en Pologne, Thomas Aasen Markeng avait bien failli ne pas rentrer en Norvège à temps pour les championnats nationaux, ayant oublié son passeport. Cette fois, il s’est vu refuser l’entrée en Russie pour la coupe du monde de Nizhny Tagil car son visa n’était plus valide !
« C’est vraiment désagréable ! confie-t-il aux médias norvégiens. Les Russes sont très stricts et j’ai attendu des heures avant de savoir ce qui allait m’arriver. »
La Russie demande en effet à ce que le passeport n’expire pas avant les six prochains mois pour obtenir un visa d’entrée dans le pays. « C’est ma faute après tout, on m’avait demandé de vérifier que tout était valide, dit Markeng. J’ai supposé que c’était bon, comme pour mes coéquipiers. »
Pas de chance, le passeport du sauteur de 19 ans expire en mai.
Heureusement, dès le vendredi, le Norvégien pouvait se rendre à l’ambassade de Russie pour obtenir un laisser-passer d’urgence et se rendre à Nizhny Tagil à temps pour la compétition de dimanche où il a terminé 5e.
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https://www.youtube.com/watch?v=J1S8JTI0dV0
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Romøren : appel au don du sang
Depuis qu’il a annoncé qu’il était atteint d’un cancer rare, Bjørn Einar Romøren n’hésite pas à communiquer sur sa maladie pour aider tous les malades. La semaine dernière, il a ainsi répondu à Dagbladet et a appelé tous les lecteurs à aller donner leur sang pour aider les malades. « Tous ceux qui sont en bonne santé devraient le faire, explique-t-il. Tout ce que vous donnez, votre corps l’aura déjà renouvelé le lendemain. En revanche, beaucoup de patients cancéreux en ont besoin. Je pensais que c’était seulement pour les personnes opérées mais pas du tout. Moi-même, depuis le début de mon traitement, j’ai eu besoin de transfusion sanguine cinq ou six fois. »
Interrogé sur son traitement, l’ancien sauteur à ski a aussi confié qu’il devrait finir sa chimiothérapie vers le mois de mars. « J’espère que tout va dans le bon sens, les médecins sont souriant en tous cas, plaisante-t-il dans les colonnes de Dagbladet. Mais c’est vrai que ça devient difficile, je suis très fatigué et j’aimerai pouvoir plus souvent sortir de mon lit. » Sa dernière grande apparition en public remonte au début de l’automne lorsqu’il a été invité par le Roi de Norvège à venir au château rencontrer le Président slovène qui, comme le dirigeant norvégien, se passionne pour le saut à ski. « C’était vraiment agréable et je suis très reconnaissant d’avoir pu y aller, ça aide lorsque l’on traverse des moments difficiles de faire des choses aussi sympathiques », conclut Romøren.
https://www.instagram.com/p/B4kttfNHmxH/
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Les fondeuses et la puberté
Kjersti Nordberg a désormais 37 ans et travaille dans le milieu sportif de la ville norvégienne de Levanger. Mais jusqu’à sa majorité, elle était pressentie comme un grand talent du ski de fond. La NRK a souhaité la rencontrer pour savoir ce qui lui était arrivé.
« On faisait déjà attention à tout : l’alimentation, le repos, explique-t-elle. Mais il y a une chose qu’on n’a pas pris en compte et qui est important pour les filles : les menstruations. »
Jusqu’à sa puberté, la jeune Nordberg était l’une des meilleures juniors du pays. Son avenir semblait tout tracé. Mais avec l’arrivée de ses règles, la jeune fondeuse a connu de plus en plus de problèmes jusqu’à mettre un terme à sa carrière en 2007, alors qu’elle n’avait que 25 ans et en n’ayant pris part qu’à deux coupes du monde. « Je perdais beaucoup de sang, je souffrais mais j’avais décidé de ne pas m’en occuper, raconte Nordberg. Je rentrais avec des maux de tête, je devais restée alitée. A mes 18 ans, en entrant en équipe nationale junior, j’ai aussi commencé à prendre la pilule pour améliorer mes symptômes. Mais ça n’a pas aidé. Bien au contraire, je ne connaissais plus mon corps, il ne réagissait plus comme avant. »
Les experts médicaux, eux, sont stupéfaits de la méconnaissance des élites du sport norvégien sur ce sujet. « Plus de 90% des données d’étude portent sur les hommes, déclare le professeur Øyvind Sandbakk. Mais les femmes ne sont pas des hommes, elles sont différentes. » Même s’il avoue ne pas encore être un expert, il souhaite se former sur la question pour ensuite amener tout ce qu’il a appris au plus haut niveau du ski de fond et du biathlon. Des études sont donc menées sur 140 athlètes de différents sports.
« Mes entraîneurs, à l’époque ont essayé de m’aider mais je crois que si on avait pris en compte le cycle féminin et toutes les différences qui existent, ma vie aurait été différente », conclut Kjersti Nordberg.
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Tande parle de son frère
Oberstdorf, janvier 2018. Daniel-André Tande monte sur la plus haute marche du podium des mondiaux de vol à ski. Mais le podium doit être retardé : le vainqueur s’est éloigné et est introuvable. « J’étais dans une cabine, en pleurs », explique-t-il lors d’une interview à TV2 la semaine dernière. S’il n’a jamais tenu à évoquer cette période jusque là, il se confie enfin aux médias.
« La seule chose à laquelle je pensais, c’était qu’il aurait dû être là, que j’aurais aimé qu’il soit là », continue Tande.
« Il », c’est son petit frère : Håkon-Kristoffer Tande. Quatre mois plutôt, il s’était suicidé à seulement 18 ans. Depuis tout petit, il suivait son aîné partout et surtout sur les tremplins. « Quand nous étions jeunes, on a parcouru la Norvège pour sauter, il allait sur les K10 et moi les K20 ou K40, raconte le sauteur. C’était une belle époque. Håkon était toujours souriant, à faire des blagues, plein d’énergie… »
En fait, l’objectif des deux frères était d’atteindre la coupe du monde en même temps, à l’instar des frères finlandais Hautamäki. Certains pensaient même que Håkon était encore plus talentueux que Daniel.
Mais en septembre 2017, ce rêve prend fin. Le plus jeune des frères Tande est retrouvé dans la forêt après avoir tenté de se suicider. Il est transporté en urgence à l’hôpital d’Oslo où l’attend son aîné qui habite dans la capitale. Après neuf jours de coma, les médecins annoncent qu’il n’y a plus d’espoir pour le jeune homme. « Ils ont juste arrêté les machines, souffle Tande. Après, je suis retourné m’entraîner. Je sais que ma famille m’en a voulu pour ça. Mais le seul moment où je pensais à autre chose, c’était à l’entraînement. J’ai aussi mis beaucoup de temps à revenir chez mes parents, c’était trop étrange, trop douloureux d’y aller et de voir qu’il n’était plus là. »
Un mois après la mort de son frère, Tande rejoignait le reste de l’équipe nationale. « Je ne voulais pas en parler, j’ai demandé à tout le monde de ne pas l’évoquer et ça a peut-être été dur pour mes coéquipiers mais j’avais besoin de ne plus y penser, explique le sauteur à ski. Le plus important pour moi, c’était le saut. Il fallait que ce soit le saut : je lui devais, je voulais bien sauter pour lui. »
Longtemps, le Norvégien s’est demandé s’il n’avait pas joué un rôle dans la dépression de son cadet. Håkon souffrait d’hyperactivité et avait connu des études difficiles. Il avait même dû abandonner l’école à Drammen qui avait permis à son frère d’atteindre le haut niveau. « Peut-être en avait-il aussi marre d’être vu comme « le frère de » au lieu d’être reconnu à sa juste valeur, conclut Tande. Peut-être que si je n’avais pas été un bon sauteur, ça ne serait jamais arrivé. »
En s’ouvrant sur le suicide de son frère, le sauteur veut aussi alerter sur les problèmes de dépression.
Photos : Nordic Focus