Vu de Norge #280 : l’altitude, nerf de la guerre des biathlètes
par Nordic Magazine le 5 mai 2020- Tweet
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CHRONIQUE – Avec Vu de Norge et nulle part ailleurs, retrouvez toute l’actualité nordique norvégienne.
Pas d’altitude pour les biathlètes
En raison de la situation sanitaire mondiale, les frontières sont fermées. Pas moyen, pour les athlètes, d’aller s’entraîner à l’étranger. Conséquence : les stages sont annulés et ce jusqu’à nouvel ordre.
Un vrai problème pour les biathlètes norvégiens qui devaient profiter d’un nouveau plan d’entraînement en vue des Jeux olympiques de 2022. Deux ans avant la date fatidique, ils devaient en effet faire au moins 100 jours d’entraînement en altitude. Un chiffre qui pourrait bien passer à zéro cette année.

Johannes Thingnes Boe (Nor) – Thibaut/NordicFocus.
« Ce n’est pas une crise, nous pourrons nous entraîner. Mais si on parle en termes d’acclimatation à l’altitude, alors oui, nous sommes en crise », réagit le biathlète Vetle Sjåstad Christiansen. « C’est une honte ! » déclare même Per Arne Botnan, manager de l’équipe nationale. En effet, beaucoup, comme Christiansen, n’ont encore pas beaucoup pratiqué ce type d’entraînement qui sera primordial pour les JO de Pékin qui se dérouleront en altitude. « J’avais prévu de vraiment commencer à perfectionner ce point là cette année, c’est donc assez ironique », continue Christiansen au micro de la NRK.

Vetle Sjaastad Christiansen (NOR) – Manzoni/NordicFocus.
Les filles, elles, avaient prévu le coup et commencé l’an dernier. « Je ne suis pas très inquiète, commente ainsi Ingrid Landmark Tandrevold. Ça aurait été beaucoup plus gênant si ça s’était passé juste avant la saison olympique. »
Il n’en reste pas moins que les biathlètes français et italiens, qui profitent de stations de ski en haute altitude, pourraient bien être avantagés. « Il nous faut donc trouver des solutions, conclut Christiansen. J’espère que nous pourrons faire un camp en juin à Juvasshytta, qui se situe à 1850m d’altitude, puis sur le Sognerfjellet. C’est ce qui rapproche le plus de notre camp habituel en Italie à Seiser Alm. »

Ingrid Landmark Tandrevold (NOR) – Tumashov/NordicFocus.
Emil Hegle Svendsen, ancien biathlète, craint pourtant que cela ne soit pas suffisant, les installations norvégiennes n’étant pas aussi bonnes que celles en France ou en Italie.
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Chambres à hypoxie : le débat continue
La semaine dernière, Johannes Thingnes Bø et Petter Northug Jr. soulevaient de nouveau la question de l’interdiction, pour les athlètes de haut niveau, d’utiliser des chambres à hypoxie en Norvège.
Si le conseil sportif a tranché et ne compte pas revenir sur cette règle, d’autres se sont emparés du débat dans le milieu du ski.

Marit Bjoergen (NOR) – Modica/NordicFocus.
Marit Bjørgen, jeune retraitée mais surtout athlète la plus médaillée des JO d’hiver, n’a jamais utilisé les chambres à hypoxie et a toujours été plutôt pour l’interdiction pour les autres athlètes norvégiens. Devenue le symbole du sport norvégien qui n’a besoin de rien d’artificiel pour réussir, Bjørgen a néanmoins repensé la question. « Peut-être devrions-nous autoriser les chambres à hypoxie, déclare-t-elle à Dagbladet. Après tout, c’est légal partout. Nous devrions donc lever l’interdiction et laisser chaque athlète décider. La Norvège doit s’ouvrir comme les autres pays l’ont fait. »
La championne rejoint ainsi ses compatriotes Bø et Northug qui arguent que l’interdiction de voyager vers les camps d’entraînement en altitude pourraient pénaliser les équipes norvégiennes.

Siegfried Mazet (FRA) – Manzoni/NordicFocus.
Mais tout le monde n’est pas d’accord sur ce point. Siegfried Mazet, entraîneur de l’équipe de biathlon masculine, pense ainsi que ce n’est pas forcément la meilleure solution. « Si nous supprimions cette interdiction pendant un certain temps, pour compenser, dit-il à VG, il nous faudrait faire des tests sur une assez longue période pour savoir comment en tirer le meilleur parti. Ça ne me semble donc pas être la bonne option, nous n’avons pas assez d’expérience. »
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Le Français rappelle aussi que ses athlètes ont la chance de pouvoir faire du sport en extérieur, du ski ou du ski-roues, contrairement à beaucoup de leurs concurrents.
Les Français, eux, sont en effet cloîtrés chez eux en raison du confinement. « La Norvège a suffisamment de ressources pour bien travailler, même avec cette impossibilité de voyager, continue Mazet. Il suffit que l’on s’adapte, même si ce n’est pas l’idéal. »
Mais le coach prévient : ces contretemps ne seront pas une excuse pour moins bien performer l’hiver prochain. « Si c’était sur le long terme, sur plusieurs années, oui, ça serait handicapant pour les JO qui seront en altitude, mais même là, nous avons déjà l’expérience de la compétition à 1 700 m », conclut Mazet qui assène à ses athlètes d’être patients et d’attendre de pouvoir s’entraîner en altitude.
Riseth abandonne

Fredrik Riseth (NOR) – Modica/NordicFocus.
A seulement 24 ans, Fredrik Riseth a décidé de mettre un terme à sa jeune carrière de fondeur. « J’ai longtemps pesé le pour et le contre, confie le Norvégien à TV2. Au tout début de ma carrière, j’avais de sérieuses ambitions et je savais comment y arriver mais dernièrement, je n’étais plus aussi motivé. Et je pense que cela veut dire qu’il est temps de faire autre chose. »
Le jeune athlète quitte donc l’aventure ski de fond avec en poche deux médailles d’or en championnats du monde junior et U23 ainsi qu’une troisième place sur les championnats nationaux face aux tous meilleurs du pays. « Mes médailles en 2015 et 2017 resteront les meilleurs souvenirs de ma carrière, sourit Riseth. J’ai aussi été très fier de ma 7e place à Drammen en coupe du monde. »

Fredrik Riseth (NOR) – Modica/NordicFocus.
Malgré tout, le fondeur part déçu. « Le ski de fond , c’était plus qu’une passion, c’était mon métier et ça a été très dur de prendre cette décision, explique-t-il. Je pense aussi que j’aurais mérité d’aller plus souvent en coupe du monde. Certains fondeurs, que j’ai récemment surclassés, ont été pris en équipe nationale et moi, on me laisse sur le banc de touche. Je ne comprends pas les choix de la fédération. »
Désormais, Fredrik Riseth sera agent immobilier à plein temps. Mais il n’en délaisse pas moins le ski qui restera une passion et un loisir.
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Guerre technologique en combiné
L’Allemagne, ces dernières années, a dominé le combiné nordique mondial. Mais la Norvège n’est pas prête à se laisser faire et elle l’a bien montré cette saison en devenant la meilleure nation au classement de coupe du monde. Emmené par un Jarl Magnus Riiber phénoménal, les résultats de toute l’équipe ont été très bons cet hiver. Mais cela tient aussi à quelques améliorations techniques…

Jarl Magnus Riiber (NOR) © THIBAUT/NordicFocus.
Car le combiné allie bien ski de fond et saut à ski et dans cette dernière discipline, être à la pointe de la technologie peut faire la différence entre une victoire et une défaite. Un point crucial alors qu’au cours des deux prochaines saisons se dérouleront les championnats du monde et les Jeux olympiques. « Nous voulons être les meilleurs en termes d’équipement, confie ainsi Riiber dans les colonnes de VG. Avec le projet de Tom Hilde (ancien sauteur à ski), nous pouvons avoir un plus grand avantage qu’auparavant. »

Tom Hilde (NOR) – Thibaut/NordicFocus.
Le Norvégien souligne qu’il y a encore quatre ou cinq ans, l’Allemagne était à l’avant-garde de l’évolution technique tandis que les autres nations tâtonnaient. Résultat : la Mannschaft a tout remporté. Mais cette époque semble révolue.
« On m’a dit que les Allemands s’étaient beaucoup mobilisés en voyant leurs résultats cette saison, continue Riiber. Et ils ont des ressources presque illimitées, contrairement à nous. »
Tom Hilde a donc du pain sur la planche s’il veut pouvoir permettre à l’équipe de combiné norvégienne de continuer de rivaliser sur le tremplin. « Mon job, c’est de trouver les nouveaux éléments qui permettront de voler plus longtemps, puis de l’adapter à chaque membre de l’équipe, explique Hilde. Et je dois dire que Jarl se distingue vraiment des autres sur ce point. Il cherche vraiment à ce que tout lui soit parfaitement adapté pour continuer d’évoluer. » Un état d’esprit qui, pour l’ancien sauteur, pourrait bien faire toute la différence face à ses concurrents.
Lundby s’agace

Maren Lundby (NOR) – Modica/NordicFocus.
La semaine dernière, la FIS mettait un terme aux rêves de vol des sauteuses à ski. De quoi agacer Maren Lundby qui revendique depuis longtemps le droit des filles d’avoir les mêmes épreuves que leurs homologues masculins. « Je ne suis même pas surprise, réagit-elle dans les colonnes du quotidien Dagbladet. Les gens qui décident de ce genre de choses viennent très rarement sur les compétitions, ils n’ont aucune idée de notre niveau. Ils sont persuadés qu’on va se blesser, qu’on va tomber. Je le vis comme une forme de discrimination. »
Pour Lundby, les raisons de la FIS sont claires : les femmes ne seraient pas au niveau des hommes. « Leurs arguments sont vraiment idiots, continue-t-elle. Ils ont peur que les filles tombent et se blessent durement mais ça arrive aussi aux garçons… Alors dans ce cas, ne sont-ils par irresponsables de les envoyer sur les tremplins de vol ? »
La Norvégienne argue aussi que cela donnerait une nouvelle motivation à tout le circuit féminin de saut à ski. « En plus, par rapport aux sauteurs des années 80 ou 90, nous sommes bien mieux entraînées et bien plus performantes alors qu’ils faisaient déjà du vol à ski ! » ajoute Lundby.

Maren Lundby (NOR) – Modica/NordicFocus.
Heureusement pour elle, elle peut compter sur le soutien de la fédération norvégienne qui pousse la FIS à accepter de mettre au calendrier féminin du vol à ski. Erik Røste, président de l’association de ski norvégienne, a ainsi assuré qu’ils mettaient tout en œuvre pour que les femmes soient autorisées à sauter à Vikersund. Clas Brede Bråthen, chef du saut norvégien, n’hésite pas à exposer son opinion dans les colonnes de VG : « certaines opinions datent de l’âge de pierre ! Les filles sont prêtes mais malheureusement, nous n’avons pas pu réellement en discuter et nous risquons de devoir attendre 2022 pour qu’elles obtiennent gain de cause. Etrangement, certains sauteurs sont moins doués qu’elles mais ce n’est pas eux qui n’ont pas le droit d’aller sur les tremplins de vol… »
Yes!! Herlig jobba @Skiforbundet, dette står til 20 i stil! Jeg skal jobbe knallhardt for likestillingspolitikk fremover, og håper at du får fokusere mer på skihopp, @marenlundby – for nå har vi høye forventninger til deg og lagkameratene i Oberstdorf 🚀🚀 https://t.co/brejL1sLuL
— Abid Q. Raja (@abidraja) February 6, 2020
Miran Tepes, directeur de course pour le saut féminin, est du même avis : « c’est injuste, certaines des meilleures sauteuses actuelles n’ont plus que quelques années de carrière et ne pourront pas en profiter », admoneste-t-il.
Alexander Stöckl a aussi pris le parti de Lundby. « Il ne fait aucun doute que les filles sont autant capables de voler que les garçons, ça n’a rien à voir avec la seule force physique, explique le coach. Il est donc important que nous continuions à faire pression sur la FIS. »
Il ne fait en tous cas aucun doute que la Norvège veut voir du vol à ski féminin. Abid Raja, ministre de la culture norvégien, a même envoyé un tweet à Lundby : « je vais m’occuper de la lutte pour l’égalité des sexes, de votre côté, continuez à sauter loin, à briser les barrières et je ferai du mieux possible pour l’égalité sportive. »
Jacobsen revient sur l’après JO 2014

Astrid Uhrenholdt Jacobsen (NOR) – Vianney THIBAUT/NordicFocus.
En 2014, aux Jeux de Sochi, Astrid Uhrenholdt Jacobsen terminait 4e du sprint. Quelques jours plus tôt, lors de la cérémonie d’ouverture, elle apprenait le suicide de son petit frère, Sten Anders. Malgré cela, elle décide de rester en Russie. Si elle s’est alors peu confiée sur cette période, elle revient finalement dessus dans le talkshow NRK, Lindmo, après l’annonce de sa retraite.
« Ça a certainement été le moment le plus difficile de ma carrière, confie Jacobsen. Avec le recul, j’ai compris que j’avais eu plusieurs raisons de rester en Russie, de ne pas rentrer chez moi à ce moment-là. Déjà, le village olympique me cachait des médias et puis, chez moi, j’étais impuissante, je n’aurai rien pu faire. »
Mais il a bien fallu rentrer un jour et affronter la réalité, la perte de son frère. « J’ai utilisé les outils à ma disposition pour faire mon deuil, explique-t-elle. L’un d’eux était de faire du sport. La douleur d’une surdose d’entraînement, la douleur physique, je la connaissais et je pouvais la gérer mieux que la douleur mentale et le chagrin. »
Plongée dans le travail, dans l’entraînement, Jacobsen a pu oublier sa douleur quelques temps et s’est hissée sur le podium du skiathlon aux mondiaux de Falun un an plus tard en prenant la médaille d’argent.
Photo : Nordic Focus

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