La domination norvégienne inquiète
« C’était presque une coupe de Norvège, s’exclame Emil Iversen à l’arrivée du 10km vendredi dernier à Lillehammer devant les caméras de la NRK. Ce n’est pas franchement bon pour le ski de fond. » Il faut dire que sur les 12 Norvégiens engagés, 9 ont fini dans le top 10 et tous ont atteint le top 20. « Peut-être n’avons-nous pas besoin des quotas nationaux, six coureurs c’est suffisant même si c’est ce qui m’a permis de courir aujourd’hui », ajoute Iversen.
De son côté, son compatriote Hans Christer Holund admet qu’une domination norvégienne n’est pas bonne pour le sport. « Mais il nous manque une grande nation avec l’absence de la Russie, en temps normal, ça ne serait pas arrivé, affirme-t-il. Je pense aussi qu’il faut garder les quotas nationaux pour permettre aux jeunes hors équipe nationale de montrer ce dont ils sont capables. » La victoire d’Iver Tildheim Andersen ne fait qu’appuyer ce dernier point.
Mais cela n’empêche pas l’inquiétude chez certains experts. L’ancien fondeur canadien, Devon Kershaw, a ainsi fait part de ses doutes dans un podcast, comme le révèle le quotidien Dagbladet. « Sans la Russie, le ski de fond en coupe du monde est un désastre, dit-il sans mâcher ses mots. Je n’arrive pas à croire que mon sport ait évolué ainsi, les équipes autres que russe et norvégienne ne recrutent pas assez et ne sont donc pas au même niveau. Si les autres nations ne se développent pas, le ski de fond va devenir déprimant… »
Le Canadien va plus loin et parle même de « mort du sport » si les nations européennes ne suivent pas, d’après lui, l’exemple des Etats-Unis, du Canada, de la Norvège et de la Russie. « Je ne laisserai certainement pas les Norvégiens être les seuls à monter sur le podium, Kershaw peut compter sur moi », promet le Suédois Calle Halfvarsson. Son compatriote William Poromaa et le Britannique Andrew Musgrave font la même promesse.
Côté norvégien, on serait plus que ravis de voir les autres nations relever le défi. « On veut toujours être les meilleurs, c’est notre objectif mais nous ne sommes pas contre le fait de voir d’autres équipes au top », conclut Eirik Myhr Nossum, chef du fond norvégien, au micro de TV2. Et Musgrave de renchérir : « Nous devons mieux travailler, ce n’est pas de leur faute s’ils sont si bons et pas nous. »
Ingrid Landmark Tandrevold abîme sa combinaison
Sur le podium lors de l’individuel, première course de la saison, Ingrid Landmark Tandrevold aurait pu connaître un tout autre sort si elle n’avait pas réussi à sortir un 20/20. Son astuce ? La veille du départ, elle a totalement râpé les coudes de sa combinaison toute neuve !
« Je glissais trop sur le tapis, j’ai dû trouver un moyen de faire en sorte que ma combinaison accroche mieux », confie la biathlète à la NRK. Patrick Oberegger, son coach de tir, raconte : « elle m’a appelée et m’a expliqué que sa combinaison était bien trop lisse parce qu’elle était encore neuve, dit-il. On a donc trouvé du papier de verre qui sert d’habitude au fartage des skis et on a limé les coudes. »
Une bonne idée puisque la jeune femme a ainsi gagné beaucoup d’adhérence. « J’ai aussi été plus appliquée, plus lente sur le pas de tir pour sécuriser les balles, continue Tandrevold. Perdre 10 ou 15 secondes plutôt qu’une minute à chaque cible manquée, c’est un bon calcul à mon avis. » Choix gagnant : elle a terminé 2e de l’individuel, a participé à la 3e place du relais féminin et a fini le week-end avec une 6e et une 14e place.
Les Norvégiens désavantagés en combiné nordique ?
Kasper Moen Flatla n’avait pas fait un saut sensationnel samedi dernier. Il serait même parti avec près d’une minute de retard sur son compatriote et vainqueur Jens Lurås Oftebro. Mais il n’a finalement pas pu se défendre lors de la course de ski de fond puisqu’il a été disqualifié pour une combinaison trop longue de deux centimètres au niveau des bras.
« J’ai du mal à comprendre car nous avions vérifié ma combinaison avant et elle aurait dû passer au contrôle, affirme Flatla au micro de la NRK. Je ne suis pas sûr qu’ils vérifient toujours de la même manière. »
Il n’en faut pas plus pour faire parler. « Je suis désolé pour Kasper, il est très honnête et du coup, le voir souvent disqualifié, c’est étrange… confie Jørgen Graabak. J’espère que c’est en effet seulement des problèmes de mesure et pas une sorte de conspiration. » Car Kasper Moen Flatla en est certain : les contrôleurs sont plus durs avec lui car il est Norvégien.
Pas question d’y voir une quelconque conspiration pour Lasse Ottesen, norvégien et directeur de course du combiné nordique à la FIS. « Sa combinaison n’était pas conforme aux règles et nous l’en avions prévenu la veille, il doit donc assumer que rien n’avait été changé, explique Ottesen. Nous espérons que nos règles sont claires et évidemment, même si nous voulons voir de nombreuses nations se battre pour la victoire, il est hors de question de désavantager un pays sur des questions d’équipement et de règlement. »
Kasper Moen Flatla n’aura donc pas gain de cause puisque même Ivar Stuan, le directeur du combiné norvégien, refuse d’imaginer qu’une quelconque vendetta serait en place contre son équipe.
Ingvild Synnøve Midtskogen : la pépite du saut
Elle n’a que 14 ans. Elle n’a participé qu’à trois compétitions internationales cet été dont une Coupe continentale à Lillehammer en septembre. Et pourtant, ce week-end, elle a fait ses débuts en Coupe du monde de saut à ski. Ingvild Synnøve Midtskogen vit un rêve éveillé. « J’ai marqué quelques points au début de l’automne et c’était suffisant pour participer ici, j’étais tellement heureuse qu’on me sélectionne ! » confie-t-elle à TV2.
Si elle semble très jeune pour déjà s’élancer du haut d’un HS140, la Norvégienne a en fait commencé à sauter dès l’âge de 4 ans. Mais Midtskogen ne se destine pas qu’au saut spécial. Fan de ski de fond, elle aimerait aussi se lancer en combiné nordique.
C’est tout de même en saut à ski qu’elle a eu l’opportunité de tester la coupe du monde et avec brio ! Qualifiée sur petit tremplin, elle a terminé 40e. Elle s’est de nouveau qualifiée 33e sur grand tremplin mais a été disqualifiée lors de la première manche, ayant mis trop de temps à s’élancer. « Je voulais surtout pouvoir participer aux compétitions, c’était mon objectif : prendre de l’expérience », dit la jeune fille, heureuse.
Et c’est chose faite ! Vue comme une petite pépite, déterminée, mature et travailleuse, ses anciens coachs l’imaginent déjà arriver au sommet, que ce soit en saut à ski ou en combiné nordique.
Combiné nordique : le format mass-start fait jaser
Lors du premier week-end de coupe du monde à Ruka, le combiné nordique a de nouveau testé le format mass-start en commençant par la course de ski de fond avant de terminer par le saut. Une décision qui a porté chance à la France avec le podium de Mattéo Baud… Mais qui a été loin de ravir les combinés plus à l’aise sur des skis de fond qu’en haut des tremplins.
« Pour les meilleurs sauteurs, c’était un réel avantage car le peloton est resté serré tout au long de la course de fond, affirme ainsi Jørgen Graabak dans les colonnes de Dagbladet. Pour les meilleurs fondeurs, on peut un peu se demander à quoi cela sert de se battre, ça ne semble pas équilibré. » Il est rejoint dans son analyse par les Finlandais Eero Hirvonen et Ilkka Herola.
De quoi faire réagir Jarl Magnus Riiber. Le n°1 mondial n’aime pas vraiment cet état d’esprit et il s’est permis de le faire savoir. « Je pense que c’est un format de compétition passionnant même s’il y a encore besoin de quelques ajustements, déclare-t-il. En revanche, si personne n’a pu partir et se détacher du peloton à Ruka, il faut peut-être que les meilleurs fondeurs revoient leur tactique. Ils ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes. »
Des mots assez durs mais qui semblent justes. Riiber rappelle ainsi qu’il n’a pas besoin, à l’instar de son coéquipier Jens Lurås Oftebro, de faire la différence sur les skis de fond puisqu’il est un excellent sauteur. « Ils auraient dû prendre plus de risques, accélérer le rythme, mettre au défi les meilleurs sauteurs de les suivre plutôt que de s’en prendre au format de course, continue le Norvégien. Je comprends leur frustration mais leurs critiques semblent peu fondées. Ceux qui préfèrent le fond au saut auraient dû prendre leurs responsabilités et corser la course. »
Du côté des détracteurs, on affirme ne pas être obtus à ce nouveau format. « Mais il faut des pistes plus adaptées comme Holmenkollen, Lahti ou Val di Fiemme », conclut Graabak. Les prochaines mass start cette année, elles, auront lieu à Otepää et Oberstdorf.
Eirin Maria Kvandal de retour
Il y a deux ans, Eirin Maria Kvandal remportait le concours de Ljubno pour sa deuxième participation seulement à une étape de coupe du monde. On lui prédisait alors un avenir radieux et certainement des médailles aux Mondiaux d’Oberstdorf 2021. Malheureusement, victime d’une lourde chute à Hinzenbach, la jeune sauteuse à ski de 19 ans se retrouvait avec un genou en miettes et des espoirs déçus.
« Je n’étais pas prête, j’avais du mal à gérer l’atterrissage et c’est ce qui s’est passé en Autriche », raconte-t-elle à la NRK. Amenée à l’hôpital, Kvandal se souvient de la longue liste que le médecin dresse. « J’ai cru que ça ne s’arrêterait jamais, j’espérais que c’était moins pire que ça en avait l’air mais non », dit-elle. Déchirure des ligaments et des ligaments croisés, c’est deux saisons qui s’envolent en fumée. « Mais je savais que je reviendrai, je le devais », continue la Norvégienne.
Présente à Lillehammer ce week-end, la sauteuse revient de loin. Elle ne pouvait quasiment plus marcher ou soulever de poids, la rééducation a été très longue mais jamais elle ne s’est découragée. Elle en est même sortie plus motivée que jamais. « Le pire, c’est l’incertitude de savoir combien de temps cela va prendre pour être à nouveau opérationnelle », confie-t-elle. La monotonie de ses entraînements, ne consistant qu’en musculation, a aussi été un point difficile pour lequel elle a reçu une aide psychologique.
Soudain, tout est redevenu plus lumineux : Eirin Maria Kvandal a pu reprendre des entraînements spécifiques au saut à ski… Jusqu’à pouvoir remonter en haut du tremplin. « Je n’avais pas sauté depuis un an et demi, c’est difficile dans ces cas-là d’avoir confiance en soi et j’avais un peu peur », admet-elle. Mais tout se passe bien et la jeune Norvégienne enchaîne les sauts.
Admirable de résilience et de motivation, elle parvient à se hisser à la 3e place de la qualification à Lillehammer. Samedi, elle est la meilleure Norvégienne du classement à la 10e position. Combien de temps avant qu’elle ne revienne en haut des podiums ?
Les fondeurs et le stress d’avant course
On imagine un Johannes Høsflot Klæbo conquérant, serein avant une compétition. Et pourtant, comme tout le monde, le Norvégien doit maîtriser ses nerfs avant une course. « Si je cours le matin, j’ai l’impression que mon pouls bat très vite dès le réveil et j’ai besoin d’aller au moins cinq fois faire pipi avant la compétition, révèle-t-il au micro de TV2. Mais à mon avis, c’est nécessaire d’être nerveux pour bien performer. »
Tiril Udnes Weng est du même avis et a elle aussi ses moments de stress les matins de compétition. « Habituellement, le petit-déjeuner est important pour moi et je mange beaucoup mais ces matins-là, j’ai moins d’appétit et je vais aussi souvent aux toilettes », explique la Norvégienne. Sa coéquipière, Anne Kjersti Kalvå parle elle d’un chatouillement dans le ventre, d’un petit stress toujours présent. « C’est quand je ne le ressens pas que cela m’inquiète vraiment », confie-t-elle.
De son côté, Helene Marie Fossesholm raconte avoir la bougeotte et souvent avoir besoin d’aller courir pour calmer ses nerfs. « Personnellement, je le ressens surtout les jours de relais, sinon je suis seulement impatient d’aller concourir », dit Emil Iversen de son côté. « Pour moi, ça s’est un peu effacé car j’ai fait énormément de compétitions et j’ai donc appris à gérer cette nervosité », déclare Hans Christer Holund.
A chacun sa méthode, donc. Harald Østberg Amundsen, par exemple, va ainsi écouter de la musique et manger des beignets la veille. Quant à Marte Skaanes, elle indique faire semblant : « il faut gonfler la poitrine et faire croire qu’on a confiance en soi, comme ça les autres sont plus nerveux que nous », rit-elle.
Jacquelin et Christiansen face au vent
A Kontiolahti, l’humidité ambiante et le froid ont gêné plus d’un biathlète. Lors de leur arrivée sur le pas de tir, il n’a pas été rare de les voir se frotter les yeux. Certains sont en effet plus sensibles que d’autres et l’air froid et humide, particulièrement en descente, les faisait pleurer, jusqu’à les gêner dans leur visibilité lors du tir.
« C’est toujours la même chose, je suis obligé de me sécher les yeux avant de tirer sinon je n’y vois rien », confie le Français Emilien Jacquelin à la NRK. Un problème que connaît aussi son adversaire Vetle Sjåstad Christiansen. « J’ai essayé de tirer ma première balle sans rien faire, même si je sentais que mes yeux pleuraient, raconte-t-il. Je l’ai mise dehors et je me suis essuyé les yeux seulement après… J’aurais pu éviter une pénalité, on dirait que je n’ai aucune expérience, je sais bien que ça ne fonctionne pas de tirer sans visibilité », se sermonne-t-il.
Le Norvégien explique que cela lui arrive assez souvent selon le temps. « J’imagine qu’Emilien a les mêmes soucis, nous devons avoir les yeux plus sensibles que d’autres », ajoute-t-il. « Christiansen sait qu’il doit s’essuyer les yeux avant de tirer, personne ne peut réussir un tir avec les larmes aux yeux, c’est un peu bête d’essayer », dit l’expert NRK, Ola Lunde. Un conseil que Vetle Sjåstad Christiansen n’est pas prêt d’oublier.
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