Au sommaire de Vu de Trondheim #6
Para ski de fond : les Norvégiens en colère
Pour la première fois, les para-athlètes du ski de fond pourront concourir aux Mondiaux de ski nordique avec un sprint organisé en plusieurs étapes aujourd’hui et demain. Les Norvégiens avaient évidemment hâte de se produire sur leurs terres pour cette grande première…
Mais ils sont tout à fait mécontents de la façon dont ils ont été traités par leur équipe. « J’ai été traité de manière horrible, ça n’aurait pas pu être pire je crois », révèle ainsi Trygve Toskedal Larsen qui ne sera pas au départ.
En septembre, le para-fondeur a eu une inflammation de sa jambe amputée, des douleurs atroces et un traitement antibiotique sur le long terme. Il a malgré tout continué de s’entraîner pour être prêt à Trondheim avant de subir une commotion cérébrale en novembre, le privant de plusieurs courses. « J’ai montré que j’étais tout de même en forme dans plusieurs tests avec l’équipe, que j’étais un candidat à la médaille », note-t-il au micro de la NRK. Il n’a alors pas été sélectionné pour les Mondiaux de Toblach (car il avait manqué plusieurs courses en Norvège). « Il a connu une saison difficile, il n’a pas eu de chance », reconnaît son coach Petter Maurseth Blindheim.
Mais en disant adieu aux Mondiaux de Toblach, Larsen a aussi fait une croix sur ceux de Trondheim. « J’ai fait tout ce que je pouvais pour aller à Toblach, j’ai tout donné malgré mes blessures, ils m’ont interdit de concourir après ma commotion et ils ne m’ont même pas pris sur le relais des Mondiaux, je ne veux pas représenter une équipe qui considère si peu ses athlètes », a-t-il annoncé.
Et pour le conforter dans sa décision, alors que la Norvège avait sélectionné cinq hommes et trois femmes, l’information est tombée que seuls deux athlètes de chaque sexe représenteraient finalement leur pays. Un coup de massue pour les para-fondeurs puisque certains, qui avaient leur ticket, en sont maintenant privés. « Ça ne fait que s’ajouter à la liste de mauvais traitements que nous subissons, nous ne sommes pas considérés correctement par l’Association norvégienne de ski », conclut Larsen.
Il est soutenu dans ses propos par Lars Andersen Jr qui a reçu la nouvelle, trois jours avant Trondheim, qu’il ne concourrait finalement pas. « Ulf Morten Aune [le directeur sportif du ski de fond norvégien] détruit le para-sport et les athlètes qui le pratiquent, réagit-il. Il est lâche, je n’ai aucun respect pour lui, il ne nous défend pas et ne fait rien pour que nous puissions participer à cet évènement. »
« Ces allégations sont stupides, je n’y répondrai pas mais Trygve Toskedal Larsen doit savoir que ce qu’il dit est à ses dépends, répond Ulf Morten Aune. Quant à notre choix de réduire l’équipe, nous avions annoncé que les seuls qui iraient seraient ceux qui ont une chance de se qualifier dans le prologue, nous avons donc estimé que nous devions retirer des athlètes. » Une réponse qui ne suffit pas pour les athlètes déçus.
Saut à ski : la fin de la discipline ?
« Dans dix ans, le saut à ski sera mort en Norvège », annonce l’ancien sauteur et désormais expert NRK, Johan Remen Evensen. Le verdict du Norvégien est sans appel : « Ce qui était un sport populaire et national, que beaucoup pratiquaient est en train de devenir un sport de niche et si nous ne faisons rien, il va disparaître chez nous », estime-t-il.
Evensen se souvient de son enfance où les tremplins de saut fleurissaient partout dans le pays, où il était difficile d’accéder aux tribunes des compétitions de saut et où il était encore plus compliqué d’entrer dans le programme de haut niveau de saut à ski à Lillehammer.
« Ce n’est plus comme ça », remarque-t-il. Et il suffit de voir le stade presque vide des Mondiaux de Trondheim pour le comprendre : le saut attire moins en Norvège. « Notre sport reste cool alors il faut trouver le moyen de le rendre de nouveau attrayant pour le plus grand nombre, il va falloir trouver des solutions », réagit Johann Andre Forfang.
Pour y remédier, Johan Remen Evensen a plusieurs idées : rassembler la diffusion des compétitions sur une seule chaîne TV ou encore enlever le système de compensation en fonction du vent. « Oui, les athlètes pensent que c’est plus équitable et c’est vrai mais cela complique les choses pour les non-initiés, explique-t-il. Il faut redonner la victoire à ceux qui sautent le plus loin. »
Son compatriote Kristoffer Eriksen Sundal approuve : « Il faut simplifier tout cela, c’est vrai que ça pourrait être facile à comprendre sur le papier mais ce n’est finalement pas le cas et ça joue contre nous », confirme-t-il à la NRK. « C’est faux, l’incrustation de la ligne verte aide à comprendre », juge Magnus Brevig, coach de l’équipe masculine. « A mon avis, la seule chose qui va mourir dans le saut à ski ce sont les petits tremplins à la faveur des plus grands », complète Jan-Erik Aalbu, directeur du saut norvégien.
Johan Remen Evensen compare ensuite la situation de la Norvège à la Finlande : « Tout ce que nous vivons leur est déjà arrivé et on voit le résultat », dit-il, pessimiste. Mais on ne renonce pas si facilement à son ancienne discipline et Evensen conclut sa colonne en priant pour que les gens allument leur TV pendant les Mondiaux, voient le saut à ski et se prennent de passion pour ce sport si spectaculaire.
Combiné nordique : Jarl Magnus Riiber a craint le pire
Au début de la saison, Jarl Magnus Riiber a eu la mauvaise surprise de découvrir du sang dans ses selles. Si le verdict est tombé après plusieurs semaines (il souffre de la maladie de Crohn), le combiné nordique a craint le pire pendant quelques temps.
« Evidemment, on a tout de suite peur que ce soit grave, que ce soit peut-être un cancer, révèle-t-il dans les colonnes de Dagbladet. J’ai été rassuré que ça ne soit pas ça mais aussi qu’on soit en 2025 car il existe désormais des médicaments contre la maladie de Crohn qui n’existaient pas il y a dix ou quinze ans. »
Désormais sous traitement permanent, Riiber s’adapte à sa nouvelle vie. « Les médicaments ont mis quelques temps à faire effet, il a fallu les intégrer à ma routine mais c’est maintenant chose faite », continue-t-il. Et cette nouvelle routine ne semble pas l’impacter plus que cela puisqu’il domine pour le moment les Mondiaux de Trondheim, ayant remporté deux médailles d’or sur les deux premières épreuves où il a participé.
Avec déjà 85 victoires en coupe du monde, 13 médailles aux Mondiaux (dont 10 en or) et 5 gros globes de cristal, le Norvégien a tout gagné. Ou presque. Il n’a pas eu beaucoup de succès aux Jeux olympiques, remportant seulement 1 médaille : l’argent par équipe à Pyeongchang en 2018. « Ce titre olympique ne me manque pas, sinon j’aurais continué une année de plus, affirme-t-il. Pour moi, toutes les courses, toutes les victoires se valent. Je veux désormais être avec ma famille et prendre soin de ma santé qui a été mise à rude épreuve ces dernières années, c’est le plus important maintenant. »
Alors oui, il aurait pu continuer un an de plus malgré la maladie de Crohn. Oui, il aurait pu aller chercher un titre olympique à Milan. « Mais je suis satisfait à 110% de ma décision de prendre ma retraite cet hiver, j’ai réalisé mes rêves d’enfant en gagnant des gros globes de cristal, c’est plus que suffisant », conclut-il.
Alcool et fêtes : des incidents à prévoir ?
Ce n’est pas nouveau : les Norvégiens aiment venir sur les compétitions de ski et faire la fête. C’est un problème récurrent sur le 50 km d’Oslo et les organisateurs de Trondheim se sont donc préparés à la même chose pour les épreuves des Mondiaux.
Et ça n’a pas manqué ! Les athlètes sur le skiathlon ont avoué avoir été choqués par l’ambiance qui régnait autour des pistes de Trondheim. Feux d’artifice, pétards, percussions, feux de joie et alcool étaient au rendez-vous. « Il y a beaucoup de monde, c’est la fête, on se croirait dans un club de strip-tease, c’est peut-être une des meilleures compétitions à laquelle j’ai participé », sourit le Finlandais Remi Lindholm interviewé par Dagbladet. « Je m’en souviendrai pour le reste de ma vie, c’est fou », approuve Harald Østberg Amundsen. « J’ai l’impression d’être une rock star », plaisante Martin Løwstrøm Nyenget.
« C’est ce dont tous les organisateurs rêvent », dit Patrik Brenning, un journaliste suédois dans des propos rapportés par le quotidien VG. Lui qui avait été si prompt à critiquer le manque de passion et les taux d’alcool trop élevés autour des pistes d’Holmenkollen l’an dernier a revu son jugement pour les Mondiaux. « C’est une vraie fête folklorique, dans le bon sens du terme », complète-t-il. D’ailleurs, tous les médias étrangers rapportent cette belle ambiance (à l’exception des Polonais, très déçus du manque d’affluence au saut à ski).
La police de Trondheim s’était pourtant préparée au pire après les heurts qu’avait connu Oslo l’hiver dernier. Il faut dire que l’accès aux pistes dans la forêt est gratuit, que de nombreuses personnes y ont donc monté leurs tentes et que l’alcool coule souvent à flot chez les jeunes norvégiens… Les écoles avaient donc été prévenues en amont de l’organisation de fêtes chez des adolescents de parfois seulement 13 ans, révèle Dagbladet, pour pouvoir anticiper et prévenir les familles. Les enseignants et les parents ont ainsi pu mettre en garde les enfants qui sont en vacances scolaires depuis samedi.
Des précautions efficaces puisque la police de Trondheim n’a déclaré aucun incident sur la journée de samedi, journée la plus fréquentée de cette première semaine des Mondiaux.
En bref
- Erik Valnes fera bien partie de l’équipe du 10 km. Il a été sélectionné avec Johannes Høsflot Klæbo, Simen Hegstad Krüger, Harald Østberg Amundsen et Martin Løwstrøm Nyenget. Pål Golberg est remplaçant si l’un d’eux ne pouvait pas prendre le départ.
- Therese Johaug, Heidi Weng, Astrid Øyre Slind et Silje Theodorsen courront elles le 10 km féminin.
- Espen Bjørnstad rejoint finalement l’équipe de combiné nordique norvégienne. Sélectionné seulement comme remplaçant, l’athlète avait été extrêmement déçu. Il remplace finalement Einar Lurås Oftebro qui a dû rentrer chez lui.
- La guerre Suède-Norvège est engagée en fond masculin. En conférence de presse, lorsqu’on lui demande qui est favori, Johannes Høsflot Klæbo répond, moqueur : « William Poromaa, il paraît qu’il a dit qu’il aurait pu faire la partie classique du skiathlon en étant ivre, j’ai hâte de voir ça », dit-il. « Il va devoir intensifier son jeu », rit Harald Østberg Amundsen interviewé par Dagbladet. Réponse immédiate des Suédois : « Ils se prennent pour Petter Northug Jr mais ils en sont loin, c’est une très mauvaise tactique d’intimidation », affirment Poromaa et son coéquipier Calle Halfvarsson toujours à Dagbladet.
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