Suite de notre long entretien avec Xavier Thévenard, vainqueur de l’UTMB. Le traileur des Plans d’Hotonnes, installé à Jougne, revient cette fois en détails sur la gestion millimétrée de son effort tout au long des 168 km.
A quel moment de l’UTMB, vous savez que la course est gagnée ?
En fait, à Vallorcine, j’avais vraiment le sentiment qu’il ne pouvait plus m’arriver grand chose. Un peu avant, j’ai commencé à avoir en tête des images de victoire. A partir du col Ferret, où je me suis retrouvé dans le bon wagon, je me suis dit que ça pourrait le faire. Le plan était simple : rester tranquille jusqu’à Courmayeur et ensuite lâcher les chevaux… Mais chaque fois, je me suis remis dans la course, dans ma bulle en me disant « tu gardes ton rythme si ça revient tant pis… ». A Courmayeur, je suis arrivé avec Miguel Heras, Julien Chorier et Anton Krupicka mais à la sortie du ravito, on a longtemps cru avec Julien qu’on était un et deux car on n’a pas vu sortir les deux autres qui ont fait un ravito express. Et quand j’ai compris qu’on était 3 et 4, je me suis mis en peu dans le rouge car y’avait pas moyen de lâcher le morceau comme ça.
C’est à ce moment que Julien Chorier a lâché…
Oui il n’a pas suivi… Je suis revenu sur Heras dans la montée au col et j’ai rattrapé Krupicka et à partir de là, je suis en tête tout le long. J’ai fait ma course et j’ai pu compter sur le soutien de mon ostéo, du coach, de ma famille et tout le monde me disait « Prends du plaisir, te grilles pas ». C’était vraiment une course à l’économie. Je devais absolument en garder pour la fin et être capable d’en remettre une couche si besoin. A la Flégère, j’étais super attentif aux racines, aux pierres et à la Tête aux vents, c’était ambiance Tour de France. Un truc de fou : près de 10 personnes couraient derrière moi…
Après ces deux points se profile donc Chamonix et son arrivée. Comment vous projetez-vous à ce moment précis ?
J’imaginais ce à quoi ça pouvait ressembler pour en avoir eu un aperçu en 2010 quand j’ai gagné la CCC. Mais ce jour là, il pleuvait, l’arrivée était de nuit donc il y avait forcément moins de monde même si c’était déjà incroyable avec la foule de photographes. Mais là j’ai découvert que l’UTMB n’était plus du tout dans la même dimension. Avec le soleil, la plus grosse course de trail au monde a attiré un monde fou dans les rues de Chamonix : grandiose, magique, un truc de dingue en fait !
Côté chrono, vous avez établi une nouvelle marque record. Aviez-vous en tête ce temps référence ?
En découvrant mon dossard 2212, je me suis dit, ça sera mon temps : 22h12 en me disant deux heures après le temps record de Kilian ça peut être jouable. Mon coach Laurent Ardito pensait la même chose que moi.
Et finalement, c’est 20h35 !
Oui, ça confirme un truc : à chaque fois que j’ai fini des ultras, des 100 km ou plus, j’ai toujours été frais, bien. C’est pour cette raison que je suis venu sur l’UTMB : plus c’est long et mieux je me sens, donc l’UTMB paraissait pour moi un beau terrain de jeux. J’ai trouvé mon crédo : l’ultra, c’est fait pour moi. J’aime courir longtemps, tôt le matin, tard le soir… Plus je passe de temps dehors, plus je suis content. Beaucoup de monde compare mon temps avec celui de Kilian mais il faut dire objectivement que l’année où Kilian a fait son temps record, il y avait moins de densité devant que sur cette édition. Je veux dire par là que Kilian n’était pas à fond tout le temps vu l’avance qu’il avait, il était seul au monde… et la météo n’était pas aussi clémente que pour moi ! Lui a brillé à 21 ans, moi à 25 ans : peut-être que mon expérience supplémentaire a joué en ma faveur.
Du coup, vous devenez le premier coureur à remporter l’UTMB et la CCC.
Oui, ça représente deux grosses courses : maintenant que j’ai ça dans la poche, on ne me l’enlèvera plus. Ça le fait dans une carrière sportive. L’UTMB, je suis juste super heureux de l’avoir remporté. Du coup, j’ai plus qu’à faire la même chose sur la TDS pour avoir les trois courses du week-end UTMB (rires) ! Ce grand chelem CCC-UTMB et TDS peut devenir un bel objectif, surtout que personne ne l’a réalisé jusqu’à aujourd’hui. Ce serait intéressant d’autant que je connais pas du tout le tracé de la TDS.
Suite et fin de cet entretien à 19h.
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